Boxe: Mike Tyson, le coach pas comme les autres de Ngannou pour Fury... recruté par les Saoudiens

Le clin d’œil est savoureux. Pour préparer son combat de boxe ultra lucratif contre Tyson Fury, ce samedi soir en Arabie saoudite, Francis Ngannou a pu bénéficier d’un coach pas comme les autres: Mike Tyson, plus jeune champion du monde des lourds de l’histoire de la boxe et plus grande star vivante – repose en paix, Muhammad Ali – de la discipline. Une légende à qui Fury doit son prénom, choix de papa John il y a trente-cinq ans par respect pour ce Tyson qu’il admirait (et qu’il veut désormais défier pour un combat). De quoi titiller le champion WBC. "Ça fait mal, mes yeux sont humides à cause de toi", a lâché Fury lors d’une conférence de presse en septembre à Londres.

Avant de développer: "Si c’était personnel et pas du business, je le prendrais sérieusement. Mais ce n’est que du business. Mike Tyson fait un boulot pour Francis. Mais c’est irréel pour moi. Imaginez un bébé qui tient son prénom d’un champion du monde et que ce bébé devienne ensuite lui-même champion du monde. Ce bébé devenu champion du monde affronte quelqu’un et le gars à qui il doit son prénom entraîne cet adversaire. Francis dit être dans un rêve mais je le suis aussi. Je tiens mon prénom du gars qui est dans le coin opposé trente ans plus tard! C’est dingue."

Le "Gypsy King" britannique allait plus loin: "Il fait équipe contre moi et va sortir perdant contre le gars qui porte son prénom. C’est triste. Il devrait être dans mon coin, pas dans le coin adverse."

Réponse de Tyson sur TNT Sports: "C’est du business, et il le comprend". "Iron Mike" ne fait pas si bien dire. L’ancienne machine à KO n’est pas coach de Ngannou, pour qui il est "une idole", juste pour le plaisir. Il n’a jamais caché adorer le "Predator" camerounais, invité plusieurs fois dans son podcast ces dernières années, avec qui il a toujours eu des mots de grand frère. Mais il a aussi un gros intérêt dans l’affaire. Le choc Fury-Ngannou est organisé à Riyad, capitale de l’Arabie saoudite, où il lancera la Riyadh Season, festival hivernal mêlant sports, concerts et culture pour attirer des touristes dans le pays.

Pour faire grandir la hype autour de l’événement, et convaincre le public des chances – qui n’existent pas ou presque – de l’ancien champion UFC face à un des meilleurs boxeurs de la planète, le président de la General Entertainment Authority saoudienne, Turki al-Sheikh, a "recruté" (dixit le site Bloody Elbow sous la plume de l'excellent Karim Zidan) Tyson pour coacher Ngannou et être dans son coin. Sans oublier d’assurer "un rôle promotionnel" pour le combat. Ce qu’il a très bien fait. Contrepartie? Un salaire "très, très, très généreux" selon Kevin Iole, journaliste spécialisé en boxe et MMA pour Yahoo Sports, mais aussi l’ouverture prochaine à Riyad du premier Mike Tyson Boxing Gym, qui sera inauguré au cours de la Riyadh Season. "C’est du business", comme disait l’intéressé. Qui a joué son rôle en répétant devant chaque micro tendu sa foi en une possible victoire de son protégé.

"Je ne sais pas si Fury est nerveux, mais il aurait raison de l’être"

Exemple dans une interview au Daily Mail: "Il est capable de faire bien plus que ce que j’avais prévu. Il a ce qu’il faut pour mettre KO tout ce qui se trouve sur son chemin. Une fois qu’il aura donné un coup de poing dans la mâchoire de Tyson Fury, il le mettra également KO. Personne ne peut survivre à cela." Ou encore: "Il va très bien se débrouiller. Il est très rapide pour un gros gaillard. Je suis persuadé qu’il va faire mieux que ce que la plupart des gens croient. (…) Je ne sais pas si Fury est nerveux, mais il aurait raison de l’être." On a compris le côté marketing. Mais quid du sportif? Tyson a-t-il pu apporter des armes qui changent la donne à Ngannou en quelques mois?

Côté positif, il y a l’effet confiance. Avoir une légende comme "Iron Mike" dans son coin en apporte forcément au Camerounais. Sur la technique, on sera (beaucoup) plus mitigé. Si sa réputation auprès du grand public évoque surtout sa puissance destructrice, ce qui rejoint la principale qualité de Ngannou, l’homme formé à l’adolescence par le brillant et regretté Cus D’Amato possède une technique en boxe à des années-lumière de celle du "Predator". Et même si ce dernier était capable de l’assimiler rapidement, il y a un problème de gabarit. Tyson? 1,78 m. Ngannou? 1,93 m. Quinze centimètres qui changent tout.

"Tyson n’aura aucun impact sur Ngannou, estime l’Américain Paulie Malignaggi, ancien champion du monde IBF des super-légers et WBA des welters. Il est là pour l’affiche, pour vendre plus de pay-per-views. Les fans de MMA ne sont pas intelligents s’ils pensent que sa présence va faire une différence pour Ngannou. Toute personne qui comprend vraiment la boxe sait qu’il faut être petit pour utiliser le style de Tyson. Son mouvement de tête pour esquiver, par exemple, n’est pas fait pour les grands. C’est même contreproductif pour eux. Ngannou est plus petit que Fury mais pas tellement et il n’a pas la vitesse d’un petit qui lui permettrait d’utiliser la technique de Tyson pour rentrer. Fury va juste pousser sa tête vers le bas s’il se rapproche trop et l’arbitre les séparera. Je suis heureux que Ngannou touche un gros chèque mais il va se faire éclater pour de l’argent."

Plusieurs vidéos des entraînements de Tyson avec Ngannou – dont la vitesse de bras n’a pas rassuré, mais c’est peut-être pour tromper l’ennemi – ont tourné. Une séance a aussi été ouverte aux médias. Mais le travail de Tyson a ses côtés n’a pas été quotidien. "Il vient de temps en temps pour donner un coup de main avec son expertise, racontait le Camerounais (qui a surtout bossé avec Dewey Cooper, son coach à Xtreme Couture avec Eric Nicksick) en septembre. Je l’avais spécialement demandé il y a quatre ans, bien avant que le combat ne soit annoncé, la première fois que je l’ai rencontré. Il a quelque chose d’inspirant, de motivant. Si jamais je pouvais avoir un tout petit peu de ce qu’il a, la boxe serait très facile pour moi."

Seule certitude, il n’oubliera pas les séances avec "Iron Mike". "Il est très intense, expliquait-il récemment dans l’émission The MMA Hour. C’est une question de volume. Il te met la pression tout le temps. Je me souviens de la première fois que nous nous sommes entraînés ensemble. Le lendemain, il m’a dit: ''Est-ce que tu as mal?'' Je lui ai répondu que non, alors il m’a dit: ''C’est une erreur''. Et quand je me suis réveillé le lendemain… J’avais mal dès le deuxième entraînement." Pas de quoi faire peur à Fury. Le "Gypsy King", qui a précisé avoir pris Ngannou au sérieux et s’être entraîné "autant que pour n’importe quel adversaire", a annoncé la couleur en commentant une vidéo d’une séance dirigée par Tyson: "Peu importe que tu sois entraîné par le grand Mike Tyson, Muhammad Ali ou Bruce Lee, tu vas te faire mettre KO".

Le Britannique pourra ensuite penser à Oleksandr Usyk, champion IBF-WBA-WBO-The Ring des lourds, qu’il doit affronter le 23 décembre ou en janvier – tout dépendra de son état après Ngannou – en Arabie saoudite pour la première unification totale de la catégorie en vingt-quatre ans et avec l’objectif de devenir le deuxième boxeur à remporter trois fois la prestigieuse ceinture The Ring chez les lourds après le mythique Muhammad Ali. Un Usyk qui a un avis tranché sur la question Fury-Ngannou, Tyson dans le coin ou pas: "Ce combat va être un jeu d’enfant pour Fury. Les gens disent que Ngannou peut le mettre KO mais je n’en suis pas certain. Comment un gars sans la moindre expérience en boxe pourrait battre un géant de 2 mètres qui boxe depuis vingt ans? Fury va gagner sans avoir à faire le moindre effort." Face à l'Ukrainien, ce ne sera plus la même histoire. Et cette fois, Mike Tyson supportera sans doute l’homme dont il a inspiré le prénom.

Article original publié sur RMC Sport