"Des boucliers humains" : un employé de la centrale de Zaporijia témoigne avant l'arrivée des inspecteurs de l'AIEA

La centrale nucléaire de Zaporijia le 27 avril 2022, la plus grande d'Ukraine et d'Europe. - Ed JONES

BFMTV a pu contacter un employé de la plus grande centrale nucléaire d'Europe, occupée par l'armée russe. Il raconte les bombardements, les intimidations des soldats et son quotidien depuis plusieurs mois.

En Ukraine, la mission d'inspection de l'AIEA menée par Rafaelo Grossi doit arriver à la centrale de Zaporijia ce jeudi. "C'est une mission qui cherche à éviter un accident nucléaire et à préserver cette importante centrale nucléaire, la plus grande d'Europe", a-t-il dit ce mercredi à la presse.

Mais dans la centrale, les employés n'attendent pas grand-chose de la venue de l'Agence internationale pour l'énergie atomique. BFMTV est entrée en contact avec un homme qui travaille dans cette structure au centre de l'actualité depuis le début de la guerre. Au péril de sa vie, il a accepté de répondre par message à nos questions, les conversations téléphoniques pouvant être écoutées, selon lui.

"Nous attendons [l'arrivée de la mission] avec impatience et nous prions", explique cet employé de la centrale qui "s’inquiète aussi pour les représentants" de l'AIEA. "Mais j’ai peur que rien ne change. Je sais de quoi les Russes sont capables", lance-t-il.

Depuis la prise de la centrale le 4 mars, il a vu les soldats russes entreposer de nombreuses armes. "Il y a beaucoup d'équipements militaires, dehors et à l’intérieur des bâtiments", raconte-t-il.

"Il y en a même entreposés le long des chemins utilisés par les employés. Ce qui fait de nous des boucliers humains, des protections contre les drones", déplore-t-il.

Un incident dans la centrale "serait une catastrophe"

Pour cet homme, le risque d’incident est majeur. "Le plus grand danger, c’est le bombardement de la centrale", résume-t-il, alors que Moscou et Kiev s'accusent depuis plusieurs semaines de frappes dans la zone de Zaporijia.

"Les canons ne sont pas très précis... Il y a aussi le risque d’explosions du matériel militaire stocké. Cela serait une catastrophe", explique-t-il.

À l’intérieur, les employés travaillent la peur au ventre. Les intimidations sont nombreuses, car les Russes ne laissent aucun employé de la centrale quitter le territoire. Dès le début de l'occupation russe, en mars 2022, l'AIEA s'inquiétait de cette situation.

Des Russes travaillent dans la centrale

Et en six mois, rien n'a vraiment changé pour les employés de la centrale, au quotidien au contact avec l'armée russe. "Ils font une inspection complète, ils organisent des fouilles dans les ateliers, retournent tout", affirme notre témoin.

"Ils cherchent des téléphones avec appareil photo et carte sim, qui sont interdits dans la centrale."

Mais depuis plusieurs semaines, Moscou fait venir de nouveaux employés, selon lui. "Il y a du personnel de Rosatom qui est évacué à chaque bombardement. Je travaille ici depuis des longues années. Je n’ai jamais vu autant de visages inconnus", assure notre témoin.

"Je ne connais pas la moitié des gens maintenant. Mais impossible de dire précisément combien d’employés la Russie a fait venir", conclut-il.

Article original publié sur BFMTV.com

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