Borne interpellée par la CNCDH, après les « déclarations dangereuses de Darmanin »

Après Sainte-Soline, Gérald Darmanin avait questionné les subventions accordées à la Ligue des droits de l’homme. La CNCDH appelle le gouvernement à « clarifier » sa position.

DROITS HUMAINS - Les déclarations de Gérald Darmanin ont « profondément choqué » la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). À demi-mot devant la Commission des lois le 5 avril, le ministre de l’Intérieur avait semblé remettre en cause les financements accordés à la Ligue des droits de l’Homme (LDH). Et ce, juste après que l’association a critiqué les actions des forces de l’ordre à Sainte-Soline. Une insinuation du ministre jugée « dangereuse » par la CNCDH - dont la LDH est membre - qui a écrit une lettre adressée à la Première ministre, Élisabeth Borne.

« Ce sont les propos de Gérald Darmanin sur la LDH qui ont déclenché ce courrier », a expliqué Magali Lafourcade, secrétaire générale de la CNCDH auprès du HuffPost. « Nous considérons aujourd’hui qu’il y a un tabou à nommer les violences policières. Les autorités ont des œillères sur ce sujet et l’ensemble des récentes déclarations de Gérald Darmanin sont une provocation supplémentaire », a-t-elle poursuivi.

Le ministre de l’Intérieur avait notamment rejeté les accusations de la LDH, selon lesquelles les forces de l’ordre auraient empêché le SAMU d’intervenir pour secourir des manifestants blessés à Sainte-Soline. Puis, il avait déclaré devant la Commission des lois : « Je ne connais pas la subvention donnée par l’État, mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions qui ont pu être menées ».

Un discours qui rappelle celui des « autocraties »

La lettre ci-dessous, publiée ce vendredi sur Twitter, revient largement sur ces violences commises par les forces de l’ordre en « quasi-impunité », estimant qu’il « s’agit de phénomènes institutionnels qu’il faut impérativement traiter comme tels pour restaurer la confiance entre la population et la police. »

Par ailleurs, la Commission juge les déclarations du ministre « dangereuses » car elles tendent à « dénigrer les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile, et à menacer de toucher à leurs subventions. » Ce discours « n’est pas sans rappeler celui largement utilisé par les autocraties », tance encore la CNCDH.

« Ce que j’observe c’est qu’il y a une certaine rhétorique autour du droit pénal de l’ennemi, une forme de l’extension du domaine de l’illicite. Après les gilets jaunes, ce sont les écolos, après la cellule Demeter il y a la cellule anti-zad. Tout cela c’est de l’idéologie d’État (...) », abonde Magali Lafourcade.

Le Conseil des droits de l’homme alerté

Elle rappelle à cet égard qu’au moment des gilets jaunes, la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet « avait été très sévère avec la France », en demandant aux autorités d’enquêter sur les violences policières.

Concrètement, la CNCDH réclame au gouvernement de « clarifier » sa position concernant l’action des associations de défense des droits humains. La secrétaire générale de la Commission est plutôt optimiste sur un retour de l’Élysée : « Je pense qu’Élisabeth Borne va nous répondre et qu’elle va tenter d’apaiser la situation. Elle avait répondu à chacun de nos précédents courriers », ajoute-t-elle.

Sur Twitter, la CNCDH a interpellé le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur « ces dérives particulièrement inquiétantes » pour faire pression à l’international, alors que la France fait face à deux échéances. La première : l’examen périodique universel, qui consiste à vérifier si un pays membre de l’Onu respecte bien les conventions internationales. La seconde est sa candidature à un deuxième mandat au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. « Nous voulons aussi interpeller des diplomates », conclut ainsi Magali Lafourcade.

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