Les bonbons au CBD, THC et H4CBD sont-ils dangereux pour la santé?

Si les produits CBD sont légaux en France, nombre d'entre eux présentent des substances qui posent problème dans leur composition. Avec de potentiels risques pour la santé.

Des amis qui finissent leur dîner de Noël à l'hôpital après avoir mangé un des cadeaux du "Secret santa": des bonbons au THC, le composé psychoactif présent dans le cannabis, et au H4CBD, un dérivé du CBD. "J'ai vu des lumières, je me suis dit: 'C'est fini, je ne verrai plus mes enfants'", raconte au "Parisien" l'une des participantes.

En France, la consommation de produits à base de CBD est légale. Le cannabidiol, qu'on appelle aussi chanvre "bien-être", est une substance naturellement présente dans cette plante. Mais la grande différence avec le cannabis dit "récréatif", c'est que le CBD n'a pas d'effet psychotrope. Ces produits sont donc en vente libre.

En revanche, si le CBD n'est pas un produit stupéfiant, l'Assurance maladie alerte contre ses risques d'interactions et ses effets indésirables. Une mise en garde que partage Anne Batisse, pharmacienne en addictovigilance à l'Hôpital Fernand-Widal (AP-HP).

"Rien n'est sans risque", pointe-t-elle pour BFMTV.com. "Le CBD est une substance qui peut présenter des risques à fortes doses avec des effets secondaires, comme de la somnolence, des troubles digestifs ou des effets psychiatriques."

Sans compter qu'il est interdit de conduire après avoir consommé des produits contenants du CBD, comme le rappelle Service public. Car même si cela relève parfois de quantités infimes, ils contiennent "toujours aussi un peu de THC", pointe l'Inserm.

"Ce qui fait le poison, c'est la dose"

Et c'est bien là le problème, comme lors du "Secret santa" qui a mal tourné. Le THC (ou tétrahydrocannabinol) est la principale molécule psychoactive du cannabis - c'est donc un stupéfiant. Et sa vente et sa consommation sont interdites. Cependant, les produits contenant du CBD avec une teneur en THC inférieure ou égale à 0,3% sont tout de même autorisés.

Dans les gommes du "Secret santa", la teneur en THC ne dépassait pas ce seuil de 0,3%. Mais ces bonbons étant particulièrement volumineux - plus de 6g - ils contenaient ainsi chacun 27mg de THC. Une dose très importante - l'équivalent de trois parts de space cake.

Pour Nicolas Authier, psychiatre spécialisé en pharmacologie et addictologie au CHU de Clermont-Ferrand, ce seuil de 0,3% ne signifie en réalité pas grand-chose. "Tout dépend de la quantité de produit consommée", met-il en garde pour BFMTV.com.

L'ingestion de plusieurs bonbons, tout au long de la journée, pourrait ainsi exposer le consommateur à de forts taux de THC. Et il suffit selon lui de 4 ou 5mg de THC pour ressentir des effets. Il dénonce "une alternative légale au joint illicite".

"Ce seuil, c'est un piège. Ce n'est pas le taux de 0,3% qui compte mais la quantité de mg ingérée."

"Ce qui fait le poison, c'est la dose, pas le pourcentage."

"Le cobaye, c'est le consommateur"

Quant au H4CBD, le dérivé du CBD retrouvé dans les bonbons du "Secret santa", c'est un cannabinoïde de synthèse mal connu, voire pas du tout. "On ne peut pas conclure au regard des données scientifiques actuelles si ce dérivé du cannabidiol a des effets psychoactifs ou non", s'interroge Anne Batisse, également responsable du centre d'addictovigilance de Paris.

"Il n'a jamais été étudié, ni sur l'humain ni sur l'animal. On n'a aucun recul sur cette substance."

Même réserve pour le psychiatre et addictologue Nicolas Authier, également chercheur au sein du laboratoire Neuro-dol de l'Inserm. "Quand le HHC (une molécule de synthèse obtenue à partir du cannabis classée depuis le mois de juin dernier comme un stupéfiant, NDLR) a été interdit, les producteurs se sont adaptés. Et ils l'ont remplacé par cette nouvelle molécule d'origine synthétique."

"Le CBD étant faiblement psychoactif, leur objectif reste de rendre ces produits plus psychoactifs."

Quid de la sécurité d'emploi ou des potentiels effets indésirables du H4CBD? "Cette molécule n'a fait l'objet d'aucun test, nous n'avons que les témoignages d'usagers", déplore encore Nicolas Authier, par ailleurs président du comité scientifique de l'ANSM sur l'expérimentation du cannabis médical. Les risques seraient pourtant réels selon lui, aussi bien sur les plans psychiatrique, cardio-vasculaire ou de dépendance.

"Et le cobaye, c'est le consommateur."

Des substances non mentionnées sur l'étiquette

L'autre point noir de ce type de bonbons, c'est le manque de transparence quant à leur composition. La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives a analysé entre 2022 et 2023 quelque 223 produits CBD (fleurs, résine, wax, E-liquide, produits alimentaires ou cosmétiques) en vente libre.

Résultats: la composition de huit produits sur dix ne correspond pas à celle indiquée sur l'étiquette, quand ils en ont une.

De plus, 6% des échantillons collectés contiennent des néocannabinoïdes, tels que HHC ou H4-CBD alors même qu'ils n'étaient pas mentionnés sur l'étiquetage. "Cela alerte sur la problématique de la prise à l'insu", accuse Anne Batisse, la pharmacienne en addictovigilance. Comme avec les bonbons du "Secret santa".

"Les usagers pensaient consommer un bonbon CBD, ils ne savaient pas que c'était un produit nouveau, ce n'était pas écrit de façon claire sur la boîte. Ils n'avaient aucune idée de ce qui allait leur arriver."

Des conséquences d'autant plus inattendues lorsqu'on ne connaît pas les risques de la prise de cannabinoïdes par voie orale: les effets surviennent à distance, une heure après l'ingestion. "Alors qu'avec un produit fumé, on peut s'arrêter de consommer devant l'apparition rapide des effets indésirables."

Article original publié sur BFMTV.com

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