"Bloqueurs de puberté" : pourquoi le texte LR sur les mineurs transgenres inquiète ?

Le Sénat examine ce mardi un texte des Républicains sur les transitions de genre des mineurs, qui restreint la prescription de "bloqueurs de puberté". Une décision qui préoccupe les associations LGBT et la gauche.

Les « bloqueurs de puberté » pour les mineurs transgenres sont au cœur du texte de loi LR examiné au Sénat ce mardi 28 mai (image d’illustration : Getty images)
Les « bloqueurs de puberté » pour les mineurs transgenres sont au cœur du texte de loi LR examiné au Sénat ce mardi 28 mai (image d’illustration : Getty images)

Depuis plusieurs semaines, le texte fait des émules. Ce mardi 28 mai au Sénat, une proposition de loi déposée par Les Républicains doit être examinée. Officiellement, elle vise à "encadrer les pratiques médicales dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre".

Dans les faits, le texte, porté par la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio, souhaite interdire les opérations chirurgicales avant l’âge de 18 ans, mais aussi restreindre les traitements hormonaux et les "bloqueurs de puberté" prescrits aux adolescents qui souhaitent changer de genre. Ces inhibiteurs d'hormones suspendent le développement des caractères sexuels pubertaires (poitrine, voix, poils) jusqu’à l’arrêt du traitement. Le rapport fait vivement polémique au sein de la sphère politique et des associations LGBT, qui sont montées au créneau.

"C’est une mise en danger des mineurs trans, qui vise à les priver des soins dont ils ont besoin", a expliqué ce lundi la sénatrice écologiste Mélanie Vogel, lors d’une table ronde au Sénat. "Si cette loi devait s’appliquer, elle aurait pour conséquence de faire de la France l’un des pays d’Europe les plus restrictifs en la matière". En avril dernier, pour riposter, Mélanie Vogel déposait au Sénat une proposition de loi visant à faciliter le changement de sexe à l’état civil pour les personnes transgenres.

"Ce texte part du principe que la transition est un problème, un danger, et que pour dissuader les gens de transitionner, il suffit de tout interdire", s’est alarmé la socialiste Laurence Rossignol, ancienne ministre des Droits des femmes.

"C’est une supercherie que de nous faire croire que c’est un rapport du Sénat", a ajouté le socialiste Hussein Bourgi. "Ce rapport contient des mensonges scientifiques, c’est une arnaque". Le 3 mai, Mediapart dénonçait en effet une "manipulation" autour du rapport des Républicains. Celui-ci aurait ainsi été établi d’après deux expertes, Caroline Eliacheff et Céline Masson, autrices de "La Fabrique de l’enfant-transgenre", rémunérées sur les fonds publics du groupe LR du Sénat. Opposées aux transitions et traitements hormonaux avant 18 ans, toutes deux sont considérées comme "transphobes" par nombre d’associations.

Mais il n’y a pas que les élus de gauche qui s’alarment. Dans un avis publié début mai, la Défenseure des droits Claire Hédon s’inquiètait elle aussi "des effets de cette proposition de loi, de nature à porter atteinte aux droits et à l’intérêt supérieur de l’enfant".

"Les transitions médicales d’enfants transgenres sont rares et les interventions chirurgicales avant la majorité ne concernent qu’une infime minorité des enfants trans et s’inscrivent toujours dans un parcours médical approfondi", rappelle Claire Hédon.

Si le sujet divise l’hémicycle, il inquiète aussi particulièrement les associations de défense des personnes trans, qui ont appelé à manifester le 5 mai contre cette "offensive transphobe". Dans une cinquantaine de villes françaises, dont Lille, Paris et Marseille, des centaines de militants ont répondu présents. Dans la capitale du Nord, ce sont 300 personnes qui se sont réunies, témoignant à France 3 régions avoir "peur pour les enfants trans qui ne vont pas pouvoir le dire et qui vont devoir vivre dans un placard".

Le sujet est resté brûlant jusqu’à ce 25 mai où, devant le Palais de justice de Tulle, en Corrèze, une cinquantaine de militants dénonçaient encore la proposition de loi des Républicains.

"Elle se prétend en faveur de la défense des droits des enfants. En réalité, cette proposition de loi est basée sur une commission d'enquête dans laquelle les mineurs trans n'ont pas été consultés", affirme la militante féministe Pauline Dumas à France 3 régions.

"Cette loi serait catastrophique parce qu’une jeune personne trans qui transitionne, c’est une personne qui ne va pas se suicider", alertait Niléane Dorffer, de l’association Toutes des femmes, auprès de l’Humanité. Selon une étude danoise de 2023, le risque de faire une tentative de suicide est près de huit fois plus important que la moyenne.

Une pétition en ligne a par ailleurs été lancée pour rejeter cette loi "anti-trans", elle récolte pour l’heure 50 000 signatures.

Actuellement en France, seuls 11% des jeunes accompagnés dans une transition de genre ont eu accès à des bloqueurs de puberté, après un délai moyen de 10 mois entre la première consultation et la mise en place du traitement, selon la Défenseure des droits, qui ne dispose pas de chiffres dans l'absolu, rapporte France Bleu.

Beaucoup d’élus ont peur d’une situation qui ressemble à celle d'Outre-Atlantique. Aux États-Unis, les transitions de genre pour les mineurs ont été interdites dans vingt-trois États sur cinquante. Depuis le 1er avril 2024, l’Angleterre a quant à elle interdit la prescription régulière de bloqueurs de puberté à des mineurs présentant des dysphories de genre.