Biodiversité : en matière de santé des rivières, la Seine ne fait pas partie des plus mauvais élèves

Autour du pont de l'Alma, à Paris, il y a « six fois plus d’espèces de poissons que dans les années 60 », constate le WWF.
Henri-Alain SEGALEN / Gamma-Rapho via Getty Images Autour du pont de l'Alma, à Paris, il y a « six fois plus d’espèces de poissons que dans les années 60 », constate le WWF.

ENVIRONNEMENT - « L’état écologique des rivières françaises ne progresse pas comme nous pourrions nous y attendre ». Voilà le constat contre-intuitif fait par le WWF à l’occasion de la journée mondiale de la biodiversité, ce mercredi 22 mai. Dans un nouveau rapport, l’ONG engagée pour la protection de l’environnement dresse un état alarmant des cours d’eau et plan d’eau douce en France, en particulier à la campagne.

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À l’échelle nationale, l’ONG fait état d’un déclin de 0,4 % des populations de poissons et d’oiseaux des cours d’eau sur les 20 dernières années. Une quasi-stagnation qui n’a, à première vue, rien d’inquiétant. Elle le devient lorsqu’on constate que parallèlement, 500 milliards d’euros ont été déployés sur la même période pour en assurer la préservation.

« Il y a quelque chose qui cloche », observe auprès de l’AFP Yann Laurans, directeur des programmes du WWF France, pointant l’écart entre l’effort financier et les maigres résultats obtenus. En y regardant de plus près, ce léger déclin des populations se traduit par de fortes disparités entre ville et milieu rural.

« Aujourd’hui dans la Seine, au pont de l’Alma, vous trouvez à peu près six fois plus d’espèces de poissons que dans les années 60. Et c’est vrai pour la plupart des grands fleuves », indique Yann Laurans, saluant le progrès des systèmes d’assainissement et stations d’épuration. « Mais en même temps, on a un effondrement de la qualité des petits cours d’eau dans le milieu rural parce que depuis maintenant 70 ans, on a mené une politique d’intensification des pratiques agricoles et d’artificialisation », pointe-t-il.

Barrages, prélèvements excessifs, rejets de pesticide…

À l’échelle nationale, moins de la moitié des rivières est en bon état écologique : 43,1 % en 2019, selon les chiffres des agences de l’eau, repris par l’ONG. Et pour cause, les activités humaines ont multiplié les sources de dégradation : barrages, dragages et canalisations en tout genre, prélèvements excessifs, rejets de pesticides, d’engrais ou de polluants industriels…

Plusieurs de ces pressions sont liées aux pratiques d’agriculture intensive. Pour ne citer qu’un exemple, « le recours aux pesticides n’a pas baissé dans l’agriculture : les indicateurs d’évolution des usages des produits phytosanitaires sont au même niveau qu’en 2009 », dénonce le WWF. À cause de cet usage des pesticides dans les champs et de l’accumulation de nitrates dans les élevages, l’état chimique des masses d’eau superficielles ne s’est amélioré que d’1 % en l’espace de dix ans.

Une des illustrations emblématiques de cette mauvaise santé écologique est visible en Bretagne, là où les rejets des élevages intensifs ont conduit à un développement massif des algues vertes dans les cours d’eau, puis sur les plages.

Préserver les zones humides, repenser le modèle agricole

Pour améliorer la situation, l’une des priorités du WWF est la préservation des zones humides en France. « On relance notre stratégie d’acquisition foncière » dans ces zones, indique à l’AFP Jean Rousselot, responsable eau douce de l’organisation. L’ONG s’apprêta ainsi à dépenser 5 millions d’euros en France métropolitaine, espérant pouvoir augmenter cette mise de départ en attirant des financements de l’État, de fondations, etc.

Mais il ne s’agit pas du seul levier possible. Le WWF appelle les pouvoirs publics à lancer un plan de restauration des cours d’eau et une réévaluation de la fiscalité de l’eau, pour appliquer le principe pollueur-payeur à cette ressource.

L’ONG souligne enfin l’importance d’adapter le secteur agricole « en soutenant une agriculture économe en eau et en s’appuyant sur les solutions fondées sur la nature ». Une recommandation qui trouve un écho particulier, à l’heure où le projet de loi d’orientation agricole examiné à l’Assemblée nationale est en passe d’approuver de nombreux reculs sur l’agriculture écologique.

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