Voici le bilan carbone du jet privé de Bernard Arnault (mais ce n'est pas le pire)

ENVIRONNEMENT- Plus de CO2 en un mois qu’un Français en 17 ans. 176 tonnes de CO2 en mai, c’est ce qu’a émis le jet privé de Bernard Arnault, le patron de l’entreprise de luxe LVMH et le Français le plus riche du monde. Ce bilan carbone astronomique a été publié ce jeudi 2 juin par le compte Instagram “laviondebernard”, une page destinée à traquer tous les déplacements en jet du milliardaire.

Ce compte s’inspire de l’initiative d’un jeune développeur américain, Jack Sweeney,qui a créé une page Twitterdédiée au jet d’Elon Musk et ses déplacements. Avant ça, il suivait déjà les vols de plusieurs personnalités américaines et russes.

Des vols en jet privé de seulement 10 minutes 

En regardant les trajets ultra-courts effectués par ces milliardaires, vous avez de quoi déculpabiliser sur votre propre empreinte carbone. D’abord, un trajet en jet privé, c’est une bombe carbone. Un Paris-Nice en jet, c’est plus de 3 tonnes de CO2 émis, soit 1000 fois plus qu’un trajet en train. Et la plupart des vols des très riches en jet ne durent jamais plus d’une heure. 

Parfois même seulement dix minutes. Bernard Arnault a par exemple pris son jet pour un trajet entre Londres Ouest et Londres Est de dix minutes, le 28 mai. Elon Musk a lui effectué un vol de neuf minutes entre San José à San Francisco, en Californie. Deux villes séparées d’environ 80kms, un trajet largement faisable en voiture.

Rendre visible un mode de vie ultra polluant

Si on arrive à traquer aussi bien les déplacements des milliardaires, c’est grâce à la méthode du “Flight tracking”. Vous avez surement déjà vu ces sites, comme Open Sky Network, représentant une carte avec des milliers de petits avions jaunes. Ces derniers représentent tous les vols commerciaux en direct. 

La localisation des avions est rendue possible grâce aux “transpondeurs”, des appareils qui donnent des informations de navigation de l’avion. Ainsi, il est facile d’identifier un avion, son modèle et sa durée de vol. Avec ces informations, on peut ensuite aisément calculer la quantité de carburant utilisé et de CO2 émis. “1 kg de carburant donne ensuite 3.16 kg de CO2”, explique le compte “laviondebernard”. Précisant que la vapeur d’eau, l’autre gaz à effet de serre polluant des avions, via les trainées de condensation, n’est pas encore pris en compte.

Mais quel est l’intérêt d’exposer le bilan carbone des déplacements des ultra-riches? Le compte de l’avion de Bernard dit vouloir “rendre visible le mode de vie polluant des plus riches”. Ce sujet a d’ailleurs intéressé la science auparavant. En 2021, deux anthropologues ont évalué ce qui polluait le plus dans les habitudes des milliardaires, dans une étude parue dans la revue scientifique Taylor & Francis Online. 

Les yachts pires que l’avion

Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas l’avion qui pollue le plus, mais le yacht des milliardaires. Un superyacht avec un héliport, des sous-marins, et des piscines émet environ sept tonnes de CO2 par an. Selon ces chercheurs, c’est le pire actif à posséder d’un point de vue environnemental.

Par exemple, le superyacht de Bernard Arnault, Symphony, avec sa piste de danse et son practice de golf émet 16.000 tonnes de CO2 par an, soit la quasi-totalité des émissions émises par les activités extérieures du milliardaire en une année.

Pour arriver à ce constat, les chercheurs ont passé au peigne fin 82 bases de données d’archives publiques pour répertorier les maisons, véhicules, avions et yachts des milliardaires. Ils ont ensuite sélectionné puis classé, dans l’ordre des plus gros pollueurs, 20 milliardaires pour lesquels il était facile de vérifier les possessions, tout en essayant d’inclure une certaine diversité en termes de sexe et de géographie.

Avec plus de 33.000 tonnes de CO2 par an, Roman Abramovich, l’ex-propriétaire du club de foot Chelsea est en tête du classement des plus gros pollueurs. Son superyacht, le deuxième plus grand du monde, est responsable des ⅔ de ses émissions.

Les milliardaires les plus
Les milliardaires les plus

Les milliardaires les plus "pollueurs" sont les propriétaires de yachts.   (Photo: The Conversation)

L’humiliation publique, utile? 

La consommation excessive de ces milliardaires est problématique jugent les anthropologues, “non seulement parce qu’elle est intensive en carbone, mais aussi parce qu’elle finit par saper le consensus public qui pourrait soutenir les politiques publiques visant à réduire les émissions et à éviter la catastrophe climatique”.

Blâmer publiquement sur les réseaux sociaux leurs comportements est “une stratégie efficace pour faire pression sur les riches”, pensent-ils. Dénoncer ces contre-modèles permettrait, selon eux, d’empêcher que la population ne les imite. En revanche, ils insistent sur l’importance du sérieux des comptes sur les réseaux sociaux prenant part à cette “humiliation” publique: “une plateforme légitime, une bonne recherche de fond, un ciblage minutieux”.

Outre la dénonciation des plus riches, les comptes comme “laviondebernard” véhiculent aussi des messages encourageant la population à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Rappelant notamment que, selon le Giec, il faudrait se limiter à 2 tonnes de CO2 par personne et par an. Soit réduire par cinq notre empreinte carbone individuelle.

Écoutez aussi sur Le HuffPost:L’avion est-il vraiment le pire moyen de transport pour le climat?

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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