Quand Bilal rencontre Shakespeare
«Je veux être Chateaubriand ou rien », avait écrit Hugo, qui nourrissait pour son aîné une admiration sans borne. C'était bien compréhensible, et raccord avec une époque mûre pour le romantisme où l'on pouvait s'écrier avec lyrisme pour conjurer l'ennui : « Levez-vous vite, orages désirés ! » Maintenant que les orages sont là, partout, de l'Ukraine au Proche-Orient, et que l'ennui n'existe plus, liquidé par les écrans de nos smartphones montrant des chefs d'État avec des tronçonneuses, pas étonnant que d'autres filiations artistiques émergent. Et c'est ainsi qu'Enki Bilal, dans un livre magnifique, exprime, de nouveau, sa passion pour Shakespeare, le dramaturge du sang versé et des luttes de pouvoir.
Les temps, en effet, sont shakespeariens, et il y a bien quelque chose de pourri dans le royaume global. Cinq ans après un remarquable Flaubert-Druillet, ce nouveau livre, riche d'une soixantaine de dessins à la mine de plomb, est le quatrième d'une collection imaginée par Marie Barbier pour permettre à de grands auteurs de bande dessinée d'exprimer, en textes et en images, les liens profonds qui les unissent à des maîtres de la littérature.
Gorgé d'espoir. L'occasion pour l'artiste visionnaire à l'intuition intacte, qui a dessiné, avant qu'ils ne se produisent, des événements majeurs comme la désintégration de l'URSS (Partie de chasse), les attentats du 11 septembre 2001 (Le Sommeil du monstre) et même la guerre en Ukraine et la pandémie (Bug), de revenir sur [...] Lire la suite