A Bethléem, le pape lance un appel à la paix

par Philip Pullella et Noah Browning BETHLEEM Cisjordanie (Reuters) - Le pape François a prononcé dimanche un vibrant plaidoyer pour la paix au Proche-Orient lors de sa visite à Bethléem, en Cisjordanie occupée, avant de gagner Tel Aviv puis Jérusalem. Le souverain pontife a fait une halte surprise face au mur de béton honni par les Palestiniens qui sépare Bethléem de Jérusalem, où il a prié en silence sous les yeux d'un enfant tenant un drapeau palestinien, un geste qui restera sans doute comme l'un des plus emblématiques de son premier déplacement en Terre sainte. Un tel symbole pourrait embarrasser les dirigeants israéliens qui justifient la présence de cette barrière de sécurité construite il y a dix ans comme une protection efficace contre les attentats des activistes palestiniens. Les Palestiniens considèrent qu'il s'agit d'un moyen pour Israël d'entériner une partition des territoires occupés par l'Etat juif depuis 1967. Le pape François, qui a entamé samedi en Jordanie cette visite au Proche-Orient, a comblé ses hôtes palestiniens en se félicitant des bonnes relations entre le Vatican et "l'Etat de Palestine". "Pour le bien de tous, il est nécessaire d'intensifier les efforts et les initiatives destinées à créer les conditions d'une paix stable fondée sur la justice, la reconnaissance des droits de chacun et la sécurité de tous", a-t-il déclaré. Le moment est venu pour tous de se montrer généreux et créatifs pour en finir avec "un conflit sans fin qui a infligé tellement de blessures difficiles à cicatriser", a insisté le pape, qui effectue sa visite un mois après une nouvelle suspension du processus de paix. ABBAS ET PERES INVITÉS AU VATICAN François a invité Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, et le président israélien Shimon Peres à venir prier avec lui pour la paix au Vatican, une invitation acceptée par les deux hommes. Ce n'est qu'après sa rencontre avec Mahmoud Abbas, alors qu'il traversait la ville, que François est descendu de sa "papamobile" aux abords du "mur de sécurité" pour se recueillir quelques minutes à l'ombre d'un mirador, non loin d'un graffiti clamant: "Liberté pour la Palestine". De Bethléem, où le pape a également visité un camp de réfugiés, le chef de l'Eglise catholique s'est rendu en hélicoptère à Tel Aviv, où il a été accueilli par Shimon Peres et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, avant de rejoindre Jérusalem. Pour éviter tout faux-pas diplomatique, il n'a pas effectué le court trajet par la route pour gagner Jérusalem, dont la partie orientale a été annexée par Israël après la guerre des Six-Jours en 1967. Lors d'une cérémonie de bienvenue à l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, il a invoqué "le droit de l'Etat d'Israël à exister et à prospérer en paix et en sécurité à l'intérieur de frontières internationalement reconnues". Dans le même temps, il a plaidé pour la "reconnaissance du droit du peuple palestinien à une patrie souveraine et au droit de vivre avec dignité et avec la liberté de mouvement". Le pape a également rappelé l'Holocauste en déclarant qu'il n'y a "pas de place pour l'antisémitisme". Il se rendra lundi au mémorial Yad Vashem de Jérusalem. CÉLÉBRATION OECUMÉNIQUE Le souverain pontife doit achever son programme dominical par une célébration oecuménique dans la basilique du Saint-Sépulcre à l'occasion du 50e anniversaire de la rencontre à Jérusalem entre son prédécesseur Paul VI et le patriarche Athénagoras, qui avait symbolisé une réconciliation entre catholiques et orthodoxes séparés depuis le schisme de 1054. Il doit aussi célébrer une messe au Cénacle de Jérusalem, où 26 nationalistes juifs ont été arrêtés dimanche lors d'une manifestation. Selon la tradition chrétienne, c'est sur ce site que s'est déroulée la Cène, le dernier repas de Jésus avec ses apôtres. Pour certains juifs, il abrite également le tombeau du roi David. Des manifestants qui soupçonnent les autorités israéliennes de vouloir le céder au Vatican s'y sont rassemblés à plusieurs reprises ces dernières semaines. Ils étaient 150 ce dimanche, selon la police israélienne. La volonté de François de ne pas utiliser de véhicule blindé pour ce séjour de 24 heures à Jérusalem a amené les services de sécurité israéliens à interdire d'accès à de nombreuses rues. La semaine dernière, des mesures d'éloignement ont par ailleurs été prises à l'encontre de plusieurs militants israéliens de droite soupçonnés de vouloir perturber sa visite. (Avec Ali Sawafta à Ramallah et Maayan Lubell à Jérusalem; Bertrand Boucey, Jean-Philippe Lefief et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)