Benjamin Netanyahu, un Premier ministre plus impopulaire que jamais après trois mois de guerre

Déjà décrié en raison de son projet de réforme judiciaire très impopulaire en Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu voit sa cote de popularité chuter dans le pays depuis les attaques du Hamas en Israël, survenues il y a exactement trois mois ce dimanche 7 janvier.

Un Premier ministre à la popularité chancelante. Le chef du gouvernement israélien Benjamin Netanyahu, arrivé au pouvoir pour la première fois il y a près de 30 ans, est plus que jamais remis en cause dans son pays depuis les attaques menées en Israël par le Hamas, il y a exactement trois mois ce dimanche 7 janvier, et qui ont fait 1.140 morts, en majorité des civils.

En octobre dernier, peu après les attaques, seulement 20,5% des juifs israéliens et 7,5% des Arabes israéliens disaient accorder leur confiance au Premier ministre, selon un sondage de l'Institut démocratique israélien. Le chiffre s'élevait respectivement à 28% et 18% en juin 2023. Avec cette baisse importante, le gouvernement israélien atteint son taux de popularité le plus faible depuis 20 ans.

Depuis, la situation ne s'améliore pas pour celui que ses partisans surnomment "Bibi". Selon un sondage mené par l'Institut démocratique israélien paru ce mardi, seulement 15% des Israéliens se disent favorable au maintien du Premier ministre au pouvoir après la guerre. De quoi interroger sur l'avenir politique à court et long terme de celui qui s'est imposé depuis des décennies comme une figure politique presque inoxydable pour l'État hébreu.

"On entrevoit la fin de Netanyahu"

"C'est sans aucun doute le moment le plus difficile de la carrière politique de Netanyahu", estime le chercheur Toby Greene, professeur invité à la London School of Economics et maître de conférence à l'université Bar Ilan de Tel-Aviv, auprès de BFMTV.com.

"C'est sans précédent", abonde la doctorante en sociologie politique Nitzan Perelman, également ingénieure en sociologie au CNRS. Car même si le Premier ministre était déjà critiqué auparavant, la contestation a pris, selon elle, une "tout autre dimension" avec les attaques du 7 octobre. "Pour la première fois, on entrevoit la fin de Benjamin Netanyahu", avance-t-elle.

La spécialiste de la société israélienne souligne que désormais, "même des électeurs du Likoud (son parti NDLR) sont contre lui", signe que le Premier ministre traverse une période particulièrement critique.

D'autant que le conflit ne montre pas de signe d'apaisement après trois mois de combats. Israël continue de bombarder la bande de Gaza où plus de 22.000 personnes ont été tuées selon le Hamas et la crainte d'un embrasement régional a grandi depuis la mort mardi du numéro 2 du Hamas au Liban dans une frappe attribuée à Israël.

Un Premier ministre déjà fragile

Si la popularité de Benjamin Netanyu a chuté depuis le 7 octobre, le Premier ministre "était déjà plutôt fragilisé avec plus d'un an de manifestations dans le pays", rappelle cependant Elizabeth Sheppard.

"La cote de popularité de Netanyahu et de sa coalition a considérablement baissé avant la guerre à cause de la réforme judiciaire controversée et a chuté encore plus depuis le début de la guerre", estime également Toby Greene.

De fait, en janvier 2023, le Premier ministre a annoncé un projet de réforme judiciaire qui a suscité un vent de critiques très important et a été le point de départ d'une série de manifestations dans le pays. Lundi dernier, la Cour suprême israélienne a rejeté une des dispositions clé de ce projet, infligeant un nouveau camouflet à Benjamin Netanyahu.

Un échec pour "Monsieur Sécurité"

"Le 7 octobre représente une énorme faillite des renseignements et de la stratégie politique et militaire (israélienne)", souligne auprès de BFMTV.com Elizabeth Sheppard, maîtresse de conférence en relations internationales à l'université de Tours. Cet échec est d'autant plus dommageable pour Benjamin Netanyahu que le Premier ministre a toujours fait de la défense d'Israël un argument de campagne en sa faveur.

"Il a toujours été Monsieur Sécurité", résume Elizabeth Sheppard.

Peu après le 7 octobre, nombre d'hommes politiques israéliens ont publiquement fait leur mea culpa, endossant la responsabilité de cet échec sécuritaire. "Tout le monde attendait que Benjamin Netanyahu fasse la même chose", assure Nitzan Perelman.

Après plusieurs semaines, Benjamin Netanhyu a finalement concédé qu'il aurait lui aussi à "rendre des comptes", mais seulement à la fin de la guerre, sur les "défaillances" sécuritaires ayant permis les attaques du Hamas. Un aveu tardif et a minima qui n'a pas contenté la population israélienne et a contribué à faire baisser la popularité du Premier ministre, selon la sociologue israélienne.

L'enjeu sécuritaire est par ailleurs particulièrement élevé en Israël de façon plus générale en raison de son contexte géopolitique. "Dans toutes les campagnes électorales, la première priorité est la sécurité, depuis le fondement d'Israël", assure Nitzan Perelman.

Des "erreurs" dans la gestion du conflit

La gestion du conflit par Benjamin Netanyahu a depuis trois mois été entachée par "énormément d'erreurs", selon la sociologue. La mort de trois otages israéliens tués par erreur par l'armée israélienne, alors qu'ils avaient dressé un drapeau blanc et qu'ils s'étaient exprimés en hébreu, a notamment suscité des critiques dans le pays. L'armée est pourtant rarement pointée du doigt en Israël.

La réaction de Benjamin Netanyahu en décembre dernier à la mort d'un civil israélien tué par un militaire de Tsahal, alors que celui-ci venait apparemment d'aider à neutraliser des terroristes, a également choqué l'opinion israélienne. Il évoque alors un simple "dommage collatéral" et lâche un fataliste "c'est la vie", suscitant l'ire d'une partie de la population.

"L'équilibre politique est très instable" désormais pour le Premier ministre, estime la sociologue. La décision de la Cour suprême cette semaine pourrait même raviver les critiques à son égard au point de créer une situation potentiellement "explosive", voire une "crise institutionnelle" dans le pays, si Benjamin Netanyahu décidait de réagir.

Netanyahu "compte" sur la guerre pour se maintenir

De quoi remettre en cause l'avenir à court terme du Premier ministre en Israël? Probablement pas, pour les différents spécialistes israéliens. "Pour l'instant, il ne risque rien", estime Nitzan Perelman, pour qui il est rare de changer de dirigeant en pleine guerre.

"On s'attend à ce qu'il reste à la tête d'Israël", ajoute Elizabeth Sheppard. "La seule chose qui occupe le gouvernement, c'est de garder le pays en sécurité et de gagner la guerre", estime-t-elle.

Paradoxalement, selon les experts, le conflit préserve l'avenir politique du chef du gouvernement israélien et ne met pas en cause son avenir à court, voire à moyen terme, alors que les prochaines élections sont normalement prévues pour 2026 seulement.

"Benjamin Netanyahu compte sur la continuité du conflit" pour garder sa place, avance même Nitzan Perelman. Et peu de chance, selon elle, qu'il démissionne, malgré les difficultés. "C'est homme politique très stratège et très fier", assure-t-elle.

À long terme, l'avenir de Benjamin Netanyahu, âgé de 74 ans, est en revanche plus incertain. En décembre, un sondage rapporte que 69% de la population israélienne souhaite que des élections soient organisées dès la fin de la guerre. Benny Gantz, ministre centriste qui a rejoint le cabinet de guerre après les attaques du 7 octobre, se positionne pour l'instant comme le favori (avec 23% d'opinion favorable) pour lui succéder.

Article original publié sur BFMTV.com

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