Benjamin Brière et Bernard Phelan libérés en Iran : qu’est-ce que la diplomatie des otages ?

La libération de Bertrand Phelan et Benjamin Brière (de gauche à droite sur la photo) a été annoncée par le Quai d’Orsay ce vendredi 12 mai 2023 après respectivement 7 mois et 3 ans de détention en Iran.
La libération de Bertrand Phelan et Benjamin Brière (de gauche à droite sur la photo) a été annoncée par le Quai d’Orsay ce vendredi 12 mai 2023 après respectivement 7 mois et 3 ans de détention en Iran.

IRAN - Détenir des étrangers, majoritairement binationaux, pour tenter d’arracher des concessions de l’Occident sur des dossiers sensibles. Voici la stratégie bien rodée de l’Iran, dont ont fait les frais Benjamin Brière et Bernard Phelan, deux otages français libérés ce vendredi 12 mai après respectivement trois ans et sept mois de détention arbitraire au sein de la République islamique. Cette tactique dénoncée par les ONG mais toujours démentie par Téhéran est régulièrement présentée comme « la diplomatie des otages ».

« C’est la diplomatie par la coercition : ne pas régler les différends internationaux simplement par la négociation classique entre États », résumait un bon connaisseur occidental du dossier à l’Agence France presse, en mai 2022. Depuis la révolution iranienne de 1979, cette méthode a conduit à l’arrestation de dizaines d’étrangers ou de ressortissants binationaux et quatre Français − Cécile Kohler, son compagnon Jacques Paris, Louis Arnaud et un quatrième otage dont le nom n’est pas connu − sont toujours détenus en Iran.

Ces otages, placés en prison ou en résidences surveillées, font souvent l’objet d’accusations jugées ubuesques par leurs familles ou les ONG, comme espionnage ou atteinte à la sécurité de l’État. C’était le cas de Benjamin Brière, qui avait été condamné à plus de huit ans de prison en janvier 2022 pour « espionnage » et « propagande » contre la République islamique pour avoir pris « des photographies de zones interdites » avec un drone de loisir dans un parc naturel.

Faire pression sur le dossier du nucléaire iranien

Le voyageur, dont la famille et les avocats assurent qu’il n’a toujours été qu’un simple touriste, « n’a bénéficié d’aucun droit à se défendre, d’aucun accès aux éléments de l’accusation » et « d’aucune possibilité de préparer et présenter une défense devant les juges du tribunal révolutionnaire », selon sa défense. « Il est clair que (c’était) un procès politique utile pour l’Iran, qui envoie un message au gouvernement français », jugeait à l’époque la sœur du Français, Blandine Brière, auprès de l’AFP.

À travers ces incarcérations, les défenseurs des droits de l’homme estiment que l’Iran tente d’obtenir la libération de prisonniers, ou de faire pression dans les négociations sur le dossier du nucléaire iranien. En 2009, la libération de l’étudiante française Clotilde Reiss avait ainsi été rapidement suivie de celle d’Ali Vakili Rad, un Iranien condamné à Paris en 1991 pour le meurtre de l’ancien Premier ministre Shapour Bakhtiar, bien que le Quai d’Orsay ait refusé tout lien de cause à effet.

Une quinzaine d’Européens toujours détenus

Toute mise en place d’une diplomatie de l’otage est néanmoins fermement balayée par Téhéran, qui assure que ces prisonniers ont été emprisonnés selon une procédure judiciaire indépendante et sans aucune intervention gouvernementale. Ce narratif est d’autant plus simple à défendre que lorsque les détenus sont binationaux, le pays, qui ne reconnaît pas la double nationalité, ne leur permet alors pas de bénéficier de l’aide consulaire.

Ces dernières années, plusieurs échanges officiels de prisonniers ont eu lieu entre l’Iran et des puissances occidentales. Parmi eux, le journaliste du Washington Post Jason Rezaian, Irano-Américain échangé en 2016 contre sept Iraniens détenus aux États-Unis, ou encore Massoud Soleimani, un scientifique iranien relâché contre la libération en décembre d’un universitaire américain, Xiyue Wang.

En France, le gouvernement assure que la libération des détenus est une priorité. « Nous allons continuer à travailler en Européens à la libération de nos ressortissants, ils sont encore quatre, et tous les ressortissants européens, trop nombreux hélas, détenus sans raison en Iran », a assuré ce vendredi la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna. Parmi les quinze citoyens européens toujours emprisonnés dans le pays, six sont des « otages d’État », selon le Quai d’Orsay.

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