Le barrage de Kakhovka, un point stratégique au sud de l'Ukraine déjà menacé en novembre 2022

Moscou et Kiev s'accusent réciproquement depuis mardi matin d'être responsables de la destruction partielle du barrage de Kakhovka, dans le sud de l'Ukraine. La chute d'une partie de l'installation a provoqué l'inondation mardi de nombreuses localités en aval du barrage.

Ce point stratégique est dans le viseur des gouvernements de Vladimir Poutine et de Volodymyr Zelensky depuis le début de la guerre. Dans les premières heures de son attaque contre l’Ukraine le 24 février 2022, l'armée russe s'était emparée du barrage de Kakhovka et de la centrale hydroélectrique, une soixantaine de kilomètres au nord de Kherson. Et sa destruction avait même été envisagée par l'armée ukrainienne en novembre 2022 lors de la contre-offensive qui visait à reconquérir Kherson, selon le Washington Post.

Un point stratégique

Le 20 mai, lors d'une visite de presse organisée par le ministère russe de la Défense, l'AFP rapportait que l'installation était "intacte": "l'eau s'écoule et se jette dans le fleuve Dniepr."

La prise de la centrale était prioritaire pour Moscou: l'installation permettait jusqu'à ce mardi d'alimenter en eau la péninsule annexée de Crimée. Et l'immense réservoir créé artificiellement par le barrage servait à la centrale nucléaire de Zaporijia.

Malgré la destruction partielle du barrage ce mardi, la centrale nucléaire 150 kilomètres au nord n'est pas en "danger immédiat, a assuré l'AIEA. En revanche, des milliers de personnes ont dû évacuer dans la région de Kherson, menacée par d'importantes inondations.

Accusations mutuelles depuis octobre dernier

Le risque de frappes sur le barrage et la centrale avait été brandi en octobre 2022 par les Ukrainiens et les Russes, qui s'étaient accusés mutuellement une première fois de mettre en danger la vie de milliers d'habitants. À l'époque, les troupes de Kiev progressaient dans la région de Kherson et avaient comme objectif la conquête de cette ville symbole.

Volodymyr Zelensky avait accusé Moscou d'avoir "miné le barrage" pour ralentir la progression des troupes ukrainiennes. "Des mensonges", avaient réagi les autorités d'occupation russes.

Un des trois points de passage pour l'armée russe lors de la bataille de Kherson

Kherson se situant sur la rive droite du Dniepr, Moscou disposait, en plus du barrage de Kakhovka, de deux autres points de passage pour alimenter et armer ses troupes présentes dans la ville lors de la bataille pour la conquête de la ville du sud de l'Ukraine: le pont Antonovsky et un pont ferroviaire. Ces deux installations ont été ciblées par l'armée ukrainienne en novembre 2022 et ont été rendues infranchissables.

Kiev a donc mis sur la table la possibilité d'endommager le barrage pour provoquer des inondations, afin de rendre impossible une éventuelle traversée russe, rapportait dans un très long article le Washington Post en décembre 2022.

Une frappe "test" sur l'une des vannes du barrage avait été même effectuée: l'objectif était de voir si l'eau du Dniepr pouvait s'élever et empêcher la traversée pour les Russes, sans pour autant inonder les villages voisins, expliquait au média américain Andriy Kovalchuk, commandant de la contre-offensive ukrainienne dans la région de Kherson.

Les contradictions de Volodymyr Zelensky

Le test "a été un succès", assurait le soldat, qui n'a toutefois pas mis en place cette opération "de dernier recours."

L'armée ukrainienne n'a donc pas eu besoin de faire sauter le barrage pour repousser les troupes russes au delà du Dniepr, et a réussi à libérer la ville de Kherson le 11 novembre 2022. La centrale et le barrage sont depuis restés aux mains de l'armée de Vladimir Poutine.

Un état de fait qui permet à Volodymyr Zelenksy d'accuser la Russie d'être responsable de la destruction partielle du barrage ce mardi, tout en contredisant les propos d'Andriy Kovalchuck rapportés par le Washington Post.

Selon le président ukrainien, "il est physiquement impossible de faire sauter (le barrage) d'une manière ou d'une autre de l'extérieur, avec des bombardements", la version avancée par Moscou pour expliquer cette destruction dans la nuit.

Article original publié sur BFMTV.com