"Barbie" récolte un milliard de dollars: comment ce film est devenu un carton du box-office

Warner Bros. voit la vie en rose bonbon. Le film Barbie affiche depuis ce week-end 1,03 milliard de dollars récoltés au box-office mondial. Ces recettes, générées en à peine trois semaines, permettent au film de Greta Gerwig de s'inscrire dans l'histoire comme le premier long-métrage réalisé par une femme à franchir le cap - rarissime - du milliard de dollars.

Il s'agit d'un exploit dont il faut prendre la mesure: selon Rotten Tomatoes, seuls 53 films dans l'histoire de Hollywood ont réalisé cette prouesse financière. Barbie , sorti le 19 juillet, est seulement le deuxième de l'année 2023 - après Super Mario Bros, le film - et le sixième depuis la pandémie, rapporte Variety. En outre, c'est la première fois qu'un film Warner Bros. rapporte un milliard en un laps de temps si court - 17 jours - depuis la création du studio, il y a exactement un siècle.

Ce succès peut s'expliquer en partie par le casting de Margot Robbie et Ryan Gosling, deux des acteurs les plus en vue du 7e art américain. Mais si tous les longs-métrages portés par des stars du grand écran réalisaient de tels scores, la fréquentation des salles de cinéma afficherait une meilleure santé. Plusieurs facteurs ont été nécessaires que Barbie entre dans l'histoire.

• Barbie, ovni cinématographique

Barbie marque les premières aventures cinématographiques de la célèbre poupée sur grand écran, en prises de vues réelles. Un événement en soi, pour un jouet qui parle au plus grand nombre: d'après Time Magazine, pas moins d'un milliard de poupées Barbie ont été vendues autour du globe depuis sa création par Mattel, en 1959. Sans compter le nombre incalculable de produits dérivés et la quinzaine de films d'animation sortis dans les années 2000.

La transposition au cinéma de l'un des jouets les plus populaires de la planète ne pouvait qu'attiser la curiosité du public. L'intérêt s'est décuplé lorsque Warner Bros. et Mattel Films, qui ont collaboré à la production, ont annoncé leur décision surprenante de confier les rênes de leur projet à Greta Gerwig.

Réalisatrice, scénariste et actrice, la new-yorkaise s'est fait un nom en s'illustrant dans un cinéma alternatif, ultra-réaliste, souvent centré sur des femmes en crises (Frances Ha, Ladybird - cinq nominations aux Oscars - Les Filles du docteur March). Un ADN à mille lieues de Barbie, régulièrement critiquée pour les standards de beauté inatteignables qu'elle véhicule, emblème du capitalisme américain et blockbuster en puissance.

De quoi donner au film, dès ses prémices, des allures d'ovni. Sentiment validé par le premier teaser dévoilé en décembre dernier, une vidéo cryptique et décalée en forme de clin d'oeil à 2001: Odyssée de l'espace. Cette référence au classique de science-fiction signé Stanley Kubrick conforte alors le grand public dans l'idée Barbie, le film va le prendre au dépourvu.

Exactement l'objectif affiché dès la genèse du film, comme le confiait Margot Robbie au Hollywood Reporter dès 2020:

"Ce qu'on veut, c'est dire: 'Quoi que vous attendiez, on va vous donner quelque chose de totalement différent - ce que vous vouliez sans le savoir'."

D'autant que le mystère restera préservé jusqu'au bout: d'extraits en bandes-annonces, rien de ce qui constitue l'intrigue du film ne sera dévoilé. Il faudra attendre la toute dernière, qui garde encore de nombreux éléments sous silence, pour se faire une vague idée du propos. C'est là l'un des autres atouts du film: une campagne promotionnelle menée d'une main experte.

• Barbie, star du marketing

Le budget alloué à la promotion du long-métrage - estimé à quelque 150 millions de dollars, selon Variety - a servi à rendre la poupée omniprésente. Un nombre incalculable de marques ont dévoilé des partenariats avec Barbie au cours des derniers mois, qu'il s'agisse de vêtements (Boohoo, Gap), de chaussures (Crocs, Superga, Aldo) de cosmétiques (Nyx), de consoles de jeux vidéos (Xbox) ou même de fast-foods (Burger King Brazil).

Le film crée aussi l'évenement musicalement grâce à sa bande-son, intitulée Barbie: The Album. Confié au producteur-star Mark Ronson, le disque regroupe la crème de la scène pop anglophone, avec des titres inédits de Dua Lipa, Nicki Minaj ou Billie Eilish.

La magie opère aussi sur les réseaux sociaux: lorsque Warner Bros. dévoile les posters présentant les différents personnages, un festival de détournements démarre sur Twitter. Des cinéphiles aux fans de K-Pop, en passant par les joeurs de Lego, chacun s'approprie le concept. Le slogan utilisé sur les affiches, "This Barbie is..." devient une punchline sans cesse réutilisée par les internautes.

• Barbie, Miss coup de chance

Barbie ne connaîtrait peut-être pas le même succès si elle n'avait pas bénéficié d'un coup de pouce inattendu, venu d'un film concurrent: Oppenheimer, dernier-né de Christopher Nolan centré sur l'inventeur de la bombe atomique, qui a investi les salles obscures le même jour que la célèbre poupée.

L'annonce de la sortie commune de ces deux films que tout oppose a immédiatement amusé les internautes, qui se sont de nouveau répandus en détournements.

"Parfois, les choses arrivent de manière organique", s'est ainsi réjoui Josh Goldstine, reponsable du marketing chez Warner Bros., dans les colonnes du Guardian. "La culture a fait le travail pour nous."

Très vite, le hashtag #Barbenheimer émerge sur les réseaux sociaux. Des pointures telles que Tom Cruise ou Francis Ford Coppola encouragent à aller voir les deux films, les internautes multiplient les détournements, et chacun des deux longs-métrages se nourrit du succès de l'autre.

Si les deux sont des cartons, Barbie s'impose comme favori: Oppenheimer a généré à ce jour 552 millons de dollars de recettes autour du globe, soit moitié moins que sa rivale en talons hauts.

• Barbie s'essaie à l'autocritique

Avec Barbie, Mattel devait relever un défi de taille: réhabiliter une poupée pointée du doigt pour sa représentation de la femme objet, à une époque où le discours féministe a largement infusé dans le débat public. Et l'entreprise américaine s'en tire plutôt bien selon le journaliste Mehdi Omaïs, journaliste cinéma:

"Barbie a été bloquée pendant des années dans une image normative qui a mis beaucoup de pression aux jeunes filles", analyse-t-il pour BFMTV. "De la même manière que les nouveaux Disney qui essaient de s'émanciper d'une image un peu figée de la femme, c'est ce que ce Barbie a été faire avec Greta Gerwig."

De quoi échauder les esprits les moins progressistes. Aux États-Unis, des figures médiatiques conservatrices ont multiplié les attaques contre le film. De Fox News à YouTube, des commentateurs se sont agacés face à un film "woke", empreint de "propagande féministe"... de quoi déclencher de nouvelles réactions amusées, qui ont généré de nombreuses réactions sur le web - et donc, une nouvelle publicité gratuite.

"J'ai réuni des critiques négatives de Barbie publiées par des hommes furieux (...) et je les ai mises sur des posters, parce que ça rend le film encore plus cool", écrit l'internaute ci-dessous.

"Greta Gerwig a le cul entre deux chaises", analyse Mehdi Omaïs. "La volonté de faire quelque chose de feministe, radical, mordant, et quand même derrière une espèce de publicité déguisée qui viserait à critiquer Barbie mais pas trop, parce que le but à mon sens c'est de la réhabiliter pour mieux la vendre."

Et l'essai, concluant, inspire Mattel: pas moins de quatorze projets tirés de ses différentes marques de jouets, de Polly Pocket à Hot Wheels, seraient en développement.

Article original publié sur BFMTV.com