Barack Obama met en garde Vladimir Poutine sur l'Ukraine

par Steve Holland et Alessandra Prentice WASHINGTON/SIMFEROPOL (Reuters) - Barack Obama a mis la Russie en garde vendredi contre toute intervention militaire en Ukraine, au soir d'une brusque montée des tensions sur la péninsule de Crimée, où Moscou est accusée d'invasion par les nouveaux dirigeants de Kiev. Six jours après la destitution du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, réapparu en public dans la journée, des hommes armés ont pris vendredi matin le contrôle de deux aéroports de la seule région d'Ukraine à majorité russe, à Simféropol, la capitale régionale, et Sébastopol, port d'attache de la flotte russe de la mer Noire. Le président ukrainien par intérim Oleksander Tourtchinov a accusé la Russie d'agression et a estimé que Moscou entendait rejouer en Crimée le scénario qui a conduit au conflit armé de 2008 avec la Géorgie concernant les régions sécessionnistes pro-russes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Moscou n'a ni confirmé ni démenti des mouvements de troupes russes. A l'issue d'une réunion en urgence et à huis clos du Conseil de sécurité, le représentant de la Russie aux Nations unies, Vitali Tchourkine, a déclaré que son pays agissait dans le cadre de ses accords avec Kiev. "Nous sommes profondément préoccupés par les informations faisant état de mouvements militaires à l'initiative de la Fédération de Russie en Ukraine", a déclaré Barack Obama lors d'une conférence de presse à la Maison blanche. "Les Etats-Unis seront d'accord avec la communauté internationale pour affirmer qu'une intervention militaire en Ukraine aurait des coûts", a-t-il ajouté. CHAISE VIDE Ces "coûts" n'ont pas été explicités par le président des Etats-Unis mais Obama et les chefs d'Etat et de gouvernement européens pourraient pratiquer la politique de la chaise vide au sommet du G8 prévu cet été à Sotchi, a précisé un haut responsable américain. "Toute violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine serait profondément déstabilisante", a déclaré le chef de la Maison blanche qui, après la Syrie ou encore l'asile accordé par Moscou à Edward Snowden, voit avec l'Ukraine un nouveau sujet de brouille avec le Kremlin. Vladimir Poutine, qui a ordonné mercredi des manoeuvres d'urgence impliquant 150.000 hommes dans l'ouest de la Russie, ne s'est toujours pas exprimé publiquement sur la crise ukrainienne. Après l'intervention des forces géorgiennes contre des séparatistes ossètes en août 2008, les forces russes avaient mené une offensive de cinq jours pour les repousser, puis Moscou avait reconnu l'indépendance autoproclamée de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Le président ukrainien par intérim a accusé la Russie de réécrire le même scénario. "En se lançant dans un conflit armé, ils ont commencé à annexer le territoire", a dit Oleksander Tourtchinov lors d'une allocution télévisée. "L'armée ukrainienne fera son devoir mais elle ne cédera pas à la provocation", a poursuivi le président par intérim, qui s'est dit convaincu que la crise serait résolue rapidement. "J'en appelle personnellement au président Poutine pour demander la fin des provocations et le retrait des troupes de la République de Crimée", a-t-il ajouté. "FORCES RADICALES" Après la prise du parlement autonome de Crimée jeudi par des hommes armés qui ont hissé le drapeau russe et la prise des deux aéroports vendredi, treize avions russes transportant chacun 150 hommes se sont posés dans la péninsule, a déclaré un représentant de la nouvelle administration sur place. Un troisième aéroport, un aérodrome militaire, aurait été pris dans la nuit, vers 2h00 du matin (00h00 GMT), a rapporté une chaîne de télévision locale sans que l'information ne puisse être vérifiée. Un correspondant de Reuters a également vu des militaires portant l'uniforme de la flotte russe de la mer Noire barrer la route à des gardes-frontières ukrainiens près de Sébastopol. Vendredi en fin de soirée, le ministère ukrainien de la Défense a dit avoir reçu des informations selon lesquelles des "forces radicales" avaient l'intention de désarmer samedi matin les unités de l'armée ukrainienne en Crimée et qu'il riposterait. Aucun accrochage n'a été signalé. Sur sa page Facebook, le ministère russe des Affaires étrangères signale que le consulat général de Russie en Crimée distribuera des passeports russes aux membres de la Berkout, la police anti-émeute désormais dissoute et accusée d'avoir tiré à balle réelle sur la foule et d'avoir ainsi tué plusieurs dizaines de manifestants à Kiev dans les jours qui ont précédé la fuite puis la destitution de Viktor Ianoukovitch. L'ancien président ukrainien a refait surface et donné une conférence de presse à Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie. Il a dit ne pas avoir vu le président Vladimir Poutine mais lui avoir parlé au téléphone. Viktor Ianoukovitch a exhorté la Russie à utiliser tous les moyens à sa disposition pour faire cesser le chaos en Ukraine. (Avec Arshad Mohammed, Lesley Wroughton, Patricia Zengerle, Mark Felsenthal et Jeff Mason; Jean-Philippe Lefief et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)