Bains de foule, embrassades: le roi Charles III impose son style

Charles III au contact de la foule en Irlande du Nord.  - BFMTV
Charles III au contact de la foule en Irlande du Nord. - BFMTV

C'est à Hillsborough ou Belfast en Irlande du Nord ce mardi, c'était en Écosse la veille, c'était aussi à Londres. Les mêmes scènes se répètent à chaque déplacement de Charles III depuis l'avènement du monarque. Celui-ci, souvent accompagné de son épouse, la reine consort Camilla, va au-devant de la foule, serre les mains tendues, se laisse toucher... et même embrasser.

Ce qui a surpris jusqu'à la presse spécialisée dans le suivi des Windsor, comme le montre le tweet ci-dessous qui relaie la séquence survenue vendredi dernier devant Buckingham Palace.

Le protocole valide la poignée de mains

L'image, c'est vrai, a de quoi étonner quand on connaît les habitudes d'une dynastie réputée guindée, son amour de la distance et son respect de l'étiquette qui imposait même au duc d'Édimbourg, le prince Philip, de marcher deux pas derrière son épouse, la reine Elizabeth II.

De là à penser que Charles III inaugure son règne en dérogeant au protocole, il n'y en a qu'un. Stéphane Bern, auteur, journaliste et animateur expert bien connu des familles royales, nous détrompe toutefois.

"Quand il s'agissait de la reine, il n'était pas prévu de lui serrer la main ni de l'embrasser, mais elle a accepté les bains de foule à partir du jubilé des 25 ans de son règne en 1977. Quant au protocole, il précise seulement qu'on ne touche pas le monarque mais si lui vous tend la main, vous pouvez bien sûr la lui serrer", observe auprès de BFMTV.com ce mardi celui qui a fréquenté les membres de la famille royale.

Le site officiel de la monarchie note d'ailleurs qu'en présence d'un membre de la famille royale "certaines personnes préfèrent simplement serrer la main de la manière habituelle".

Bons baisers de Charles III

Le protocole, en revanche, ne dit rien de la bise au souverain. Un silence qui lui laisse donc toute latitude pour définir les limites de l'acceptable. Or, Charles n'a jamais dédaigné ce genre de démonstrations d'affection, remarque Stéphane Bern: "Depuis qu'il est prince de Galles, il se laisse toucher, embrasser. Il se faisait embrasser par des jeunes filles même quand il se déplaçait avec Diana".

Pour notre interlocuteur, cette détente "répond à la nature" du nouveau roi. Et lui permet d'installer un rapport plus personnel à ses sujets: "Il imprime son style, qu'il veut plus proche des gens".

Le souvenir des rois thaumaturges

Le contact physique entre le monarque et son peuple n'a rien d'une invention contemporaine. Au Moyen-Âge, les rois se prêtaient déjà à l'exercice, car selon la croyance populaire - et l'idée que les monarques se faisaient du caractère divin de leur mission - palper le souverain pouvait guérir de maladies incurables, réaliser des miracles, entraîner une bonne fortune. Tradition que l'historien du XXe siècle, Marc Bloch, a ramassée sous le concept des "rois thaumaturges".

La vision d'un Charles se mêlant à une foule avide de le toucher ravive cette coutume. Stéphane Bern nous le confirme, citant un autre historien: "En fait, on est dans les deux corps du roi, d'Ernst Kantorowicz: il y a ce corps physique mais aussi ce qu'il personnifie, c'est-à-dire le pouvoir sacral, car le monarque est sacré à Westminster. Il y a donc de ça, même si Charles III n'est pas encore oint par les huiles saintes - le sacre devrait avoir lieu au printemps".

"C'est quelque chose d'irrationnel. Aujourd'hui, les gens ne pensent plus que toucher le roi leur portera chance mais ils ont cette volonté de créer un lien avec lui", reprend le présentateur de Secrets d'Histoire.

Bouche cousue

Cette proximité n'est pourtant pas sans péril symbolique. À trop se faire embrasser, on risquerait de perdre de son aura. Mais Stéphane Bern écarte ce danger: "Pour peu qu'il se taise, Charles ne se banalisera pas. Elizabeth II était omniprésente - sur les billets, les pièces de monnaie - mais elle ne disait rien. Le risque de banalisation, c'est avant tout la parole". "Le monarque est à la fois très présent et très muet. Donc très mystérieux", achève-t-il.

Rompu qu'il est depuis son plus jeune âge aux enjeux de la fonction qu'il endosse à présent, Charles III n'ignore rien de la nécessité de s'en tenir à ce devoir de réserve. Vendredi dernier, au cours de sa première allocution en tant que roi, il a d'ailleurs promis de "défendre les principes constitutionnels au cœur de la nation", soulignant encore: "J’ai été éduqué pour respecter le sens du devoir et des traditions". L'honneur est sauf.

Article original publié sur BFMTV.com