Bac 2022 : pourquoi les sujets de SES font polémique ?

Photo d'illustration (Photo by Thomas SAMSON / AFP)

Plusieurs enseignants dénoncent des questions orientées politiquement, et un manque d'esprit critique demandé aux bacheliers.

"À l’aide d’un exemple, vous montrerez que l’action des pouvoirs publics en faveur de la justice sociale peut produire des effets pervers", "Montrer que l'innovation peut aider à reculer les limites écologiques de la croissance" ou encore "Montrer que le travail est source d'intégration sociale".

Ces questions issues de l'un des sujets proposés lors de l'épreuve de spécialité de sciences économiques et sociales (SES) du Baccalauréat, le 12 mai, ont fait vivement réagir les spécialistes des sujets, notamment en raison de leur orientation supposée.

"Des épreuves qui ne nécessitent que de restituer des connaissances, et pas d'avoir un raisonnement critique"

Si les sujets sont conformes aux programmes vus en cours par les bacheliers, l'association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) déplore des "programmes peu problématisés, non pluralistes, trop volumineux, qui dégradent la formation intellectuelle des élèves".

"On reproche la forme des épreuves qui, depuis plusieurs années, ne nécessitent que de restituer des connaissances, et pas d'avoir un raisonnement critique. Cette année, cela prend une forme caricaturale, avec des questions très marquées à droite dans le champ politique. Ça aurait été le même problème si ça a avait été dans l'autre sens politique", regrette Olivier Louail, co-secrétaire général de l'Apses, l'Association des professeurs de sciences économiques et sociales.

Le député européen écologiste David Cormand déplore des examens "au service d’une idéologie productiviste et anti-sociale", tandis que la député LFI Clémentine Autain dénonce une épreuve "gracieusement offerte par le Medef".

La formulation des questions pose problème

Au coeur des critiques cette année, la formulation des questions. "'Vous montrerez que...', ça ne pose pas la question de manière ouverte au bachelier, qui n'est incité qu'à restituer ses connaissances sans y apporter d'esprit critique sur le sujet", poursuit le co-secrétaire général de l'Apses.

Une question en décalage avec l'objectif du programme selon Raphaël Pradeau, professeur de sciences économiques et sociales et membre du conseil d'administration d'Attac France, qui déplore que le sujet tranche le débat qui est censé être posé dans le programme.

"Pourquoi le sujet tranche le débat ?"

Concernant le sujet "Vous montrerez que l'action des pouvoirs publics en faveur de la justice sociale peut produire des effets pervers", il explique :

"Le programme demande de 'comprendre que l’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale fait l’objet de débats en termes d’efficacité, de légitimité et de risque d’effets pervers'. Le sujet donné aux candidats tranche un débat dans un sens bien précis : il existe des débats entre économistes pour savoir si les prestations sociales créent ou non une désincitation à travailler, et enferment leurs bénéficiaires dans une 'trappe à pauvreté'. En cours, nous présentons ce débat. Nous montrons notamment qu'il existe des études relativisant l'existence de ces désincitations. Alors pourquoi le sujet tranche le débat ?", s'interroge-t'il sur Twitter.

Un problème qui avait déjà été soulevé par l'association des professeurs de sciences économiques et sociales l'année dernière, concernant le sujet proposé aux candidats libres. "'Vous montrerez que les politiques de soutien de la demande globale peuvent permettre de lutter contre le chômage' n’offre pas la possibilité de montrer les limites de ces politiques, ce qui obère la réflexion économique dont sont capables les candidat·e·s après deux années de spécialité SES", écrivait l'association.

Un problème qui remonte aux différentes réformes du programme de SES menées ces dernières années. L'Apses réclame d'aborder moins de thèmes en cours, mais en ayant davantage de temps pour aborder l'aspect critique de certaines problématiques.

Même indignation autour du sujet invitant à "montrer que l'innovation peut aider à reculer les limites écologiques de la croissance". Les spécialistes déplorent que la question ne prend pas en compte les rapports du GIEC et la nécessite de changer de système vis-à-vis de l'urgence climatique.

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