Bélarus: des dizaines d'arrestations lors de la grande manifestation de l'opposition

Dispositif policier dans une rue de Minsk pendant une manifestation de femmes, le 29 août 2020 à Minsk, au Bélarus - Tatyana KALINOVSKAYA © 2019 AFP
Dispositif policier dans une rue de Minsk pendant une manifestation de femmes, le 29 août 2020 à Minsk, au Bélarus - Tatyana KALINOVSKAYA © 2019 AFP

La police bélarusse a arrêté ce dimanche des dizaines de personnes lors d'une grande manifestation de l'opposition à Minsk, en tentant de disperser le rassemblement qui rejette la réélection controversée du président Alexandre Loukachenko. Les manifestants arboraient le drapeau rouge et blanc de l'opposition et scandaient "Pars!" et "Que vive le Bélarus!".

Alexandre Loukachenko, 66 ans dont 26 à la tête du Bélarus, fait face à des protestations quotidiennes depuis la présidentielle contestée du 9 août, qu'il clame avoir remporté avec 80% des voix. Ses détracteurs, eux, dénoncent des fraudes. Les 16 et 23 août, l'opposition avait déjà réussi le tour de force de faire descendre près de 100.000 personnes dans les rues de Minsk malgré les pressions et menaces des autorités, soit les deux plus grandes manifestations de l'histoire du pays.

Ce dimanche, alors que de multiples groupes allant de plusieurs centaines à plusieurs milliers de protestataires convergeaient vers le centre de Minsk, la police anti-émeute a tenté des les en empêcher, procédant à des dizaines d'arrestations. Présente en nombre et avec véhicules et grilles géantes, elle a quadrillé la place de l'Indépendance et d'autres endroits du centre de Minsk, aux côtés de militaires masqués et armés, sans signes distinctifs. Malgré cela, le centre-ville de la capitale bélarusse était noir de monde, notamment de la place d'Octobre à celle de l'Indépendance.

"La peur et l'intimidation" pour "s'accrocher au pouvoir"

Samedi, les autorités bélarusses ont retiré sans explications leurs accréditations à plusieurs journalistes travaillant pour des médias étrangers, dont l'AFP, AP, la BBC et Radio Liberty. Cette décision a été dénoncée par ces rédactions, par l'Allemagne et les Etats-Unis. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a "condamné" ce dimanche ces "mesures arbitraires" prises par les autorités bélarusses, qu'il juge "contraires à la liberté de la presse".

"L'urgence en Biélorussie va à la mise en place d'un dialogue national inclusif. Des mesures répressives contre des journalistes ne peuvent pas y contribuer", peut-on lire dans le communiqué.

Depuis le début du mouvement de protestation, les journalistes bélarusses et étrangers font l'objet de pressions et de brèves interpellations, l'accès à des médias indépendants et d'opposition a été bloqué par les autorités et le réseau internet subit des coupures intermittentes.

La figure de proue de l'opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée en Lituanie, a dit y voir "un nouveau signe que le régime est en banqueroute morale et ne tente de s'accrocher au pouvoir que par la peur et l'intimidation".

Les premières manifestations au Bélarus après l'élection du 9 août avaient été réprimées par la force, faisant trois morts et des dizaines de blessés. Plus de 7.000 personnes avaient été arrêtées. Pourtant samedi encore, un millier de femmes ont défilé dans la capitale pour exiger de nouvelles élections et des poursuites contre les responsables des forces de l'ordre accusés de violences et tortures. "J'ai peur, mais je suis venue, pour la liberté et pour qu'on ait un Etat de droit", a déclaré l'une des manifestantes, Elena, 32 ans.

Condamnation européenne, soutien russe

Les résultats de la présidentielle ont été rejetés par l'Union européenne, qui prépare des sanctions contre des hauts responsables du pouvoir bélarusse et a exhorté Alexandre Loukachenko à dialoguer avec l'opposition. Le président contesté s'est pour sa part refusé à toute concession et dénonce un complot occidental destiné à le faire tomber. Vendredi, il a encore accusé les Occidentaux de vouloir le renverser dans le but d'affaiblir la Russie.

Alexandre Loukachenko jouit jusqu'à présent du soutien prudent de son plus proche allié, le président russe Vladimir Poutine, qui s'est dit prêt à intervenir chez son voisin si les protestations dégénéraient, tout en appelant autorités et opposition à négocier. Les deux hommes se sont parlés au téléphone dimanche, le président russe félicitant Alexandre Loukachenko pour son son 66è anniversaire et promettant "le renforcement de l'alliance russo-bélarusse et le développement de la coopération dans tous les domaines", selon un communiqué du Kremlin.

Les Européens avaient pourtant exhorté Vladimir Poutine à faire pression sur son homologue bélarusse pour qu'il entame un dialogue avec le "conseil de coordination" formé par l'opposition pour promouvoir une transition pacifique à la tête du pays. Alenxandre Loukachenko s'y est refusé, dénonçant une tentative de "s'emparer du pouvoir". Le "conseil" de l'opposition fait l'objet de poursuites pour "atteinte à la sécurité nationale" et deux de ses membres ont été condamnés à de courtes peines de prison dans d'autres affaires.

Article original publié sur BFMTV.com