Béchu, le ministre de l’Écologie à l’épreuve du feu

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ALAIN JOCARD / AFP

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Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, photographié à l’Assemblée nationale le 2 août.

POLITIQUE - Un peu comme si un soldat était promu général en pleine bataille, Christophe Béchu a été nommé ministre de la Transition écologique au moment où le pays était confronté aux urgentes conséquences du réchauffement climatique.

Sécheresses, méga feux, inondations… Tout ça à la fois pour ce proche d’Édouard Philippe, arrivé boulevard Saint-Germain avec un CV (un peu gonflé) de maire à la fibre écolo.

De quoi offrir une visibilité sans commune mesure à l’élu angevin ? Pas vraiment. Car à l’inverse de l’omniprésent Gérald Darmanin qui a multiplié les déplacements et les déclarations sur le terrain de la sécurité ou l’immigration, Christophe Béchu a semblé effacé, éloigné de l’actualité brûlante qui occupait les journaux télévisés.

À titre d’exemple, le ministre ne s’est pas déplacé en Gironde avant le 21 juillet, malgré le caractère inédit des incendies qui ravageaient depuis plusieurs jours le secteur de Landiras et de La Teste-de-Buch. Et les seules annonces fortes faites au sujet de la prévention des incendies ont étés faites par Emmanuel Macron et par Gérald Darmanin, ce dernier ayant promis 3 000 postes de « gendarmes verts ».

Une discrétion remarquée qui lui a attiré une avalanche de critiques, venant notamment des écologistes.

« On dirait un lapin pris dans les feux d’une voiture »

« Plus que les précédents, l’été que l’on vient de vivre illustre le lien entre climat et inégalités. Thomas Sankara dirait’ il faut' choisir entre le golf pour quelques-uns et l’eau potable pour tous’. Christophe Béchu, lui, ne dit rien. C’est inquiétant », tacle auprès du HuffPost Julien Bayou, député EELV et patron du parti écolo.

« Il paraît complètement largué, on dirait un lapin pris dans les feux d’une voiture. Pendant les incendies, il n’a rien fait, rien dit, rien annoncé... à part la météo des forêts. C’est affligeant et effrayant, je le pense comme élue et comme citoyenne. Le réchauffement climatique on est en plein dedans et ils sont encore en train de regarder en l’air », renchérit Sandrine Rousseau auprès du HuffPost.

Mais mis à part Darmanin, qui se montre ? Même la Première ministre n’a pas existé

Un constat que l’on peut entendre, formulé différement, au sein de la majorié. « Béchu a été un peu prudent. Mais mis à part Darmanin, qui se montre ? Même la première ministre n’a pas existé », décrypte un poids lourd de Renaissance à l’Assemblée nationale.

Président de la Commission du développement durable au Palais Bourbon, le député marcheur Jean-Marc Zulesi, qui apprécie Christophe Béchu depuis leur collaboration à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit), admet une forme de retard à l’allumage.

« Certes il a peut être eu besoin d’une période d’adaptation pour rentrer dans tous les sujets, mais il n’a pas eu assez de temps pour qu’on puisse le juger », défend l’élu des Bouches-du-Rhône. « On entend les critiques, mais elles sont aussi à faire aux politiques de ces trente dernières années qui jugeaient que le réchauffement climatique n’était pas si urgent », ajoute-t-il.

Une défense dans la droite ligne de celle utilisée par le prinicipal intéressé. « Ce n’est pas la présence du ministre à côté des sapeurs-pompiers qui modifie le drame qu’on est en train de vivre », déminait le 21 juillet Christophe Béchu sur RTL.

«  On aurait pu mettre Sandrine Rousseau à l’écologie, l’été n’aurait pas été différent.

« J’ai été nommé il y a quinze jours et je n’ai absolument pas la prétention de penser que c’est une seule personne qui est capable de provoquer une prise de conscience ou de changer la politique », insistait-il, assumant une forme de mise en retrait qui contraste avec la prise de conscience médiatique des événements en cours, où, dans les médias, un sujet sur la sécheresse succédait à un reportage montrant un nouveau cétacé bloqué dans la Seine.

« L’écologie, ce n’est pas le buzz »

Pas forcément en accord sur tout avec ce ministre venu de la droite, Sacha Houlié trouve ce procès en inaction injuste. « On aurait pu mettre Sandrine Rousseau à l’écologie, l’été n’aurait pas été différent », défend le député de la Vienne, issu de l’aile gauche de la Macronie.

« La réponse à ce qu’on vient de vivre, ce sera surtout à la Première ministre de l’apporter. Et au regard de ce qui est annoncé pour la rentrée, on sera présent sur le sujet », poursuit le président de la Commission des Lois, citant notamment le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables (éolien et solaire), que le gouvernement compte faire adopter à l’automne pour rattraper le criant retard de la France en la matière.

Un dossier sur lequel Christophe Béchu affiche, pour ses détracteurs, un sérieux déficit de crédibilité. Et pour cause : « Je ne suis pas un grand fan de l’éolien. Il y a le coût du démantèlement, l’impact visuel », affirmait-il à Ouest France en 2019. Un texte sur lequel le ministre est attendu au tournant, d’autant qu’il n’est pas exclu qu’il contrevienne à loi sur la biodiversité votée sous François Hollande en 2016.

« Je ne suis pas un grand fan de l’éolien », Béchu en 2019

D’ici là, charge à Christophe Béchu de convaincre en montrant qu’il a bien compris les enjeux dans cette période si particulière. Ce dont sa dernière sortie à l’endroit du ministre des Transports Clément Beaune et de sa volonté de « réguler » le secteur des jets privés permet de douter. « L’écologie, ce n’est pas le buzz. On peut parler des jets, des yachts, des piscines, des greens de golf. Ça frappe l’opinion, vous pouvez être certain que vous aurez des reprises sur les bandeaux roulants des chaînes d’information en continu ».

Un recadrage en bonne et due forme qui révèle que Christophe Béchu prend beaucoup moins son temps lorsqu’il s’agit de réfréner les ardeurs écologistes d’un ministre placé sous sa tutelle qu’à se précipiter sur les endroits où les conséquences du réchauffement climatique s’observent.

À voir également sur Le HuffPost : Christophe Béchu, vraiment écolo ? Dans sa ville d’Angers, le bilan est mitigé

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