Les bébés oubliés des harkis

Sur le buffet en bois brun s’affichent des visages souriants, poupins ou ridés. Toute sa descendance, dix enfants au total, mais aussi des petits-enfants et des arrière-petits-enfants, qu’elle a arrêté de compter. Tous, sauf son fils Omar, décédé en janvier 1963, à 1 mois et demi, dans le camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales). Pourtant si volubile, Dahbia Amrane, 86 ans, pince ses lèvres à l’évocation du drame et ne les desserrera plus. "En kabyle, on dit que ces enfants sont des anges qui sont partis rejoindre d’autres anges", souffle son fils Ali Amrane, jumeau d’Omar, depuis la maison familiale située à Mouans-Sartoux (Alpes- Maritimes), à 25 kilomètres de Nice.

Au début des années 1960, des dizaines de nourrissons et de très jeunes enfants ont trouvé la mort dans plusieurs camps de harkis gérés par l’armée dans le centre et le sud de la France. La plupart ont été enterrés sans aucune sépulture, par des militaires ou par leurs proches, dans des champs voisins des baraquements. Comme au camp de Rivesaltes, où 101 des 146 morts étaient des enfants. Ou dans ceux de Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme), où 16 disparitions ont été enregistrées, et de Saint-Maurice-l’Ardoise (Gard), où plusieurs dizaines de mineurs seraient enterrés. À l’image de Dahbia Amrane, murée dans son chagrin, les familles, rurales et pauvres, ont longtemps refusé d’évoquer ces drames.

Ali raconte sans relâche le parcours tragique de sa famille originaire des montagnes...


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