Avant la rébellion de Prigojine, ces insurrections qui ont failli conduire à la chute du Kremlin

Trois décennies avant qu’Evguéni Prigojine ne décide de marcher sur Moscou avec ses hommes de la milice Wagner, plusieurs soulèvements militaires ont failli voir le pouvoir russe se faire renverser.

RUSSIE - Une longue colonne de véhicules militaires qui avançait vers Moscou sans rencontrer de grande résistance, et soudain, une volte-face. Samedi 24 juin au soir, après avoir fait trembler Vladimir Poutine et le régime en place à Moscou pendant 24 heures, Evguéni Prigojine a fini par renoncer à son ambition de renverser le pouvoir militaire, dans un retournement de situation qui doit encore être éclairci.

Mais cette rébellion du groupe paramilitaire Wagner est loin d’être une première depuis la fin de l’URSS. Au Kremlin, les prédécesseurs de Vladimir Poutine ont en effet déjà été confrontés, après la chute du mur de Berlin, à un putsch manqué et une insurrection. Retour sur ces crises qui auraient pu changer la destinée de la Russie.

  • Le putsch manqué de 1991

Du 19 au 21 août 1991, un groupe de nostalgiques de l’ordre communiste tente de s’emparer du pouvoir pour empêcher la signature du futur « Traité de la Fédération » qui accordera une large autonomie aux 15 républiques membres de l’URSS.

Le président soviétique Mikhail Gorbatchev, en vacances, est alors retenu prisonnier dans sa datcha en Crimée.

Durant ces trois jours de tensions, des dizaines de milliers de personnes manifestent, notamment à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Dans la capitale, ils se rassemblent pour défendre la « Maison Blanche », le parlement russe, symbole de la résistance au putsch. L’image du président de la Fédération de Russie Boris Eltsine haranguant les foules debout sur la tourelle d’un char fait le tour du monde.

En 1991, juché sur un char d’assaut, le président russe Boris Eltsine harrangue les foules pour s’opposer à la tentative de putsch menée par des nostalgiques de l’ordre communiste, alors que la fin de l’URSS est sur le point d’être actée.
En 1991, juché sur un char d’assaut, le président russe Boris Eltsine harrangue les foules pour s’opposer à la tentative de putsch menée par des nostalgiques de l’ordre communiste, alors que la fin de l’URSS est sur le point d’être actée.

La nuit du 20 au 21 s’achève avec la mort de trois jeunes manifestants lors d’un affrontement avec les militaires. Le 21, le putsch est défait grâce à la détermination d’Eltsine. Le 22, Gorbatchev revient à Moscou, mais son pouvoir est chancelant face au très populaire président russe. Les jours suivants, Gorbatchev démissionne de son poste de secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS). Interdites par les autorités de nombreuses républiques, les activités du Parti communiste sont « suspendues » par Eltsine en Russie.

En quelques semaines, les républiques soviétiques, dont l’Ukraine, déclarent successivement leur indépendance. Les trois républiques baltes, dont l’URSS reconnaît l’indépendance le 6 septembre, sont admises à l’ONU le 17. Les principaux conjurés rapidement arrêtés - deux d’entre eux se suicideront - bénéficieront en 1994 d’une amnistie parlementaire.

  • L’insurrection de 1993

Deux ans plus tard, et alors que l’URSS a officiellement été remplacée par la Communauté des États indépendants, du 21 septembre au 4 octobre 1993, la Russie connaît une nouvelle crise politique et constitutionnelle majeure.

Le 21 septembre 1993, le président russe Boris Eltsine dissout le Soviet suprême, le parlement issu de l’époque soviétique, accusé d’obstruction et d’usurpation de pouvoirs.

L’ex-président du parlement Rouslan Khasboulatov et l’ex-vice-président russe Alexandre Routskoï, qui mènent depuis plusieurs mois le combat politique contre le chef de l’État, se barricadent avec plusieurs centaines de députés dans le parlement. Le bâtiment est progressivement ceinturé par les forces gouvernementales.

Début octobre 1993, on voit ici les forces spéciales tenter de forcer les barricades des opposants à l’insurrection parlementaire à Moscou.
Début octobre 1993, on voit ici les forces spéciales tenter de forcer les barricades des opposants à l’insurrection parlementaire à Moscou.

Tout bascule le 3 octobre après des manifestations de l’opposition dans les rues de Moscou. Les partisans des rebelles de la « Maison Blanche » s’attaquent à la Mairie et au centre de la télévision d’État. La bataille fait rage toute la nuit entre forces gouvernementales et manifestants.

Boris Eltsine décrète l’état d’urgence, et le 4 au matin décide de donner l’assaut au parlement. Des chars tirent sur l’édifice. Les insurgés se rendent. Leurs chefs sont incarcérés. Les violences font officiellement 150 morts, plusieurs centaines selon diverses autres sources.

En octobre 1993, les chars de l’armée russe se retrouvent à tirer sur le Parlement à Moscou, causant la mort -officiellement- de 150 personnes en réprimant une insurrection d’élus contre Boris Eltsine.
En octobre 1993, les chars de l’armée russe se retrouvent à tirer sur le Parlement à Moscou, causant la mort -officiellement- de 150 personnes en réprimant une insurrection d’élus contre Boris Eltsine.

En décembre une nouvelle constitution renforçant sensiblement les pouvoirs du chef de l’État est adoptée par près de 60 % des votants mais les élections législatives qui se déroulent en même temps sont un échec pour les partisans d’Eltsine. Le 23 février 1994 la Douma (chambre basse) à majorité conservatrice, vote l’amnistie des responsables de l’insurrection de 1993.

Lire sur le HuffPost

À voir également sur le HuffPost :

Pendant la rébellion du groupe Wagner, la Russie moquée par l’Ukraine et la République tchèque

Après la rébellion de Wagner et Evguéni Prigojine, vent de panique à Moscou et en Russie

VIDÉO - Prigojine annonce la fin de l'avancée de la rébellion armée : le groupe Wagner "fait demi-tour"