Avant la présidentielle en Turquie, l’opposition accuse la Russie d’ingérence électorale

Kemal Kilicdaroglu, le principal opposant à Recep Tayyip Erdogan, a accusé la Russie d’ingérence électorale à deux jours de l’élection présidentielle en Turquie.
Kemal Kilicdaroglu, le principal opposant à Recep Tayyip Erdogan, a accusé la Russie d’ingérence électorale à deux jours de l’élection présidentielle en Turquie.

TURQUIE - Une véritable guerre des infox où tous les coups sont permis. À deux jours de l’élection présidentielle en Turquie, la coalition d’opposition menée par Kemal Kiliçdaroglu, le principal rival de Recep Tayyip Erdogan, soupçonne la Russie d’ingérence électorale. Alors que les deux favoris s’accusent mutuellement de recourir à des méthodes déloyales pour se décrédibiliser aux yeux des électeurs, le Kremlin, qui est régulièrement accusé d’ingérence par les puissances occidentales, a nié toute implication ce vendredi 12 mai.

« Nous rejetons fermement ces déclarations », a dit à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Nous le déclarons officiellement : il ne peut s’agir d’aucune ingérence » russe en Turquie. « Nous avons dit à plusieurs reprises et nous insistons sur le fait que la Russie ne s’ingère pas dans les affaires intérieures, ni dans les processus électoraux des autres États », a assuré le représentant de Vladimir Poutine.

Principal rival du président Erdogan pour l’élection présidentielle dimanche en Turquie, Kemal Kiliçdaroglu a accusé jeudi la Russie d’avoir recours à des « deepfakes » dans le cadre de la campagne, après qu’un autre candidat d’opposition, Muharrem Ince, a quitté la course. Ce dernier se disait notamment victime d’une campagne de dénigrement avec des images truquées le montrant en pleine liaison extraconjugale ou conduisant des voitures de luxe.

Armées de trolls

« Chers amis russes, vous êtes à l’origine des montages, des conspirations, des faux et des enregistrements qui ont été révélés hier dans ce pays (...) Si vous voulez notre amitié après (l’élection), ne touchez pas à l’État turc », a lancé Kemal Kiliçdaroglu.

Le candidat d’opposition, donné en tête des derniers sondages, a lui-même été la cible de montages vidéos. Dans un faux clip d’une quinzaine de secondes présenté comme authentique par le président Erdogan, il appelait notamment le peuple à se rendre aux urnes le 14 mai, avant d’être imité par un cadre du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation qualifiée de terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux. Une preuve, selon le président sortant, que son rival « avance main dans la main » avec le groupe armé.

« Comment une personne assise dans le fauteuil de la présidence peut-elle s’abaisser à cela ? », a fulminé mardi le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate).

Mais le président Erdogan, loin d’être en reste, se présente lui aussi comme une victime. Il y a une semaine, le chef d’État turc affirmait, sans lui non plus en apporter la preuve, « qu’une armée de trolls travaille pour Monsieur Kemal » sur les réseaux sociaux. « Vous utilisez le mensonge et la désinformation. Vous songez à des méthodes auxquelles même le Diable n’aurait pas pensé », avait-il lancé à la télévision.

La désinformation : une arme pour criminaliser l’adversaire

Mi-octobre, le parlement acquis au président Erdogan a adopté une loi punissant de prison ferme la diffusion de « fausses nouvelles ». Kemal Kiliçdaroglu était devenu le premier à être poursuivi au titre de ce nouveau texte, après avoir accusé le gouvernement islamo-conservateur d’être responsable d’une « épidémie de méthamphétamines » dans le pays.

La commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, s’était alors inquiétée que « les dispositions pénales incriminant la diffusion d’informations fausses ou trompeuses so[ient] de plus en plus largement appliquées » en Turquie. Dans cette campagne, « tout le monde essaie de définir ce qu’est la désinformation. Cela devient une arme pour criminaliser le candidat ou le parti adverse. C’est quelque chose de nouveau », a relevé Suncem Koçer, spécialiste de la désinformation à l’université Koç d’Istanbul, auprès de l’AFP.

Reste à savoir quelle influence réelle peuvent avoir ces campagnes de désinformation alors que pour la première fois en vingt ans, la statue de Recep Tayyip Erdogan commence à sérieusement vaciller face à l’opposition. La réponse le dimanche 14 mai.

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