Avancer la rentrée pour les élèves en difficulté : bonne ou mauvaise idée ?

Emmanuel Macron a annoncé dans une interview au Point vouloir une rentrée scolaire "dès le 20 août" pour les élèves en difficulté. Une proposition qui ne convainc pas.

Photo d'illustration (Photo by JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)
Photo d'illustration (Photo by JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)

Une rentrée scolaire anticipée pour les élèves en difficulté. C'est la volonté affichée par Emmanuel Macron dans une interview accordée à l'hebdomadaire Le Point, avec pour objectif une rentrée "dès le 20 août" pour pouvoir "faire du rattrapage", contre une rentrée le 4 septembre cette année. Une annonce qui colle avec le constat du président de la République, qui trouve les vacances scolaires d'été trop longues.

"Une annonce très vague qui est faite sans aucune concertation préalable"

Une annonce qui suscite un certain nombre d'interrogations de la part des professionnels de l'enseignement. "Comme souvent avec Emmanuel Macron, ce sont des annonces précises et très floues en même temps. Qu'est-ce qu'être en difficulté ? Qui va déterminer cela ? Certains élèves peuvent avoir des difficultés dans une ou deux matières mais pas dans les autres. Est-ce que ce sera obligatoire ou sur la base du volontariat ?", se demande Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale de la Sgen-CFDT.

"Il existe un dispositif de semaine de remise à niveau, fin août ? Est-ce une refonte de cela ? C'est une annonce très vague qui est faite sans aucune concertation préalable et qui risque d'inquiéter élèves, parents et enseignants", déplore la syndicaliste.

"C'est hypocrite de penser qu'on va régler les inégalités et les difficultés scolaires en dix jours"

Une mesure qui aurait même une efficacité limitée, voire nulle, à en croire Sophie Venetitay, secrétaire générale du Snes-FSU. "C'est hypocrite de penser qu'on va régler les inégalités et les difficultés scolaires en dix jours. C'est un travail tout au long de l'année, notamment en baissant les effectifs dans les classes. Or, depuis 2017, c'est l'inverse qui a été fait avec 8 000 postes supprimés en collège et lycée".

D'autant que, souligne-t-elle, "de nombreux établissements sont des passoires thermiques. C'est hypocrite de dire qu'on va faire rentrer des élèves le 20 août alors qu'une partie du pays est sous 40 degrés". Fin juin 2019, plusieurs écoles maternelles et primaires ont dû fermer en raison d'une vague de chaleur qui touchait la France. La même année, les deux journées d’épreuves du brevet avaient été décalées aux 1er et 2 juillet, au lieu des 27 et 28 juin, en raison des températures qui avoisinaient les 40°C.

La crainte d'une stigmatisation des élèves en difficulté

Autre inquiétude mise en avant par les syndicats de l'enseignement, celle du ressenti des élèves. "C'est stigmatisant pour les élèves. On leur dit : "Si tu n'y arrives pas, on va réduire tes vacances comparé à celle des autres élèves. Il y a un risque qu'ils se sentent punis", relève Catherine Nave-Bekhti,

Une mesure qui interroge d'autant que des dispositifs similaires existent déjà. "Il existe l'école ouverte dans un petit nombre d'établissements. Si la volonté du président de la République est de généraliser le dispositif, il faudra revoir le statut et des heures des enseignants".

"Ça peut être positif à condition de la présenter aux élèves de manière positive"

Au SNPDEN, nous ne sommes pas contre l'idée, mais il faut que cette entrée précoce des élèves en difficulté rentre dans le projet d'établissement et dans le projet d'équipe. Sans vouloir caricaturer, certains peuvent être chez eux fin août, sans activités particulières, donc cela peut être positif, mais à condition de le présenter aux élèves de manière positive, sous forme d'un moyen d'accéder à la réussite, afin de ne pas les stigmatiser. Il faut mettre du sens à cette mesure si elle est prise", relativise Gwenael Surel, secrétaire général adjoint du SPDEN, le syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale.

Emmanuel Macron assure que désormais, l'école fait partie du "domaine réservé du président". Un chantier auquel le chef de l'État semble vouloir s'attaquer, tant sur le calendrier du bac que sur la durée des vacances scolaires d'été.

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