Paris et Moscou proches d'une annulation du contrat Mistral

par Denis Dyomkin EREVAN (Reuters) - La France et la Russie sont proches d'un accord sur l'annulation du contrat de livraison de deux navires de guerre de type Mistral et le remboursement des sommes engagées par Moscou, a-t-on appris vendredi de source russe proche des discussions. François Hollande a proposé une solution "acceptable" qui permettrait à la France de "sauver la face" dans cet épineux dossier qui empoisonne les relations entre les deux pays, a-t-on précisé, sans donner plus de précisions. Le président français a assuré de son côté, à l'issue d'un entretien avec son homologue russe, Vladimir Poutine, à Erevan, qu'aucune décision définitive n'avait été prise. "Pour ce qui concerne le Mistral (...) j'en ai fixé les bases : soit le Mistral est livré, ce qui n'est pas aujourd'hui notre décision, soit il est remboursé dans les formes que nous avons à discuter", a-t-il déclaré, réaffirmant la position exprimée cette semaine. "C'est aussi simple que cela, et pour l'instant aucune décision n'est prise", a-t-il ajouté. Mercredi, François Hollande avait réitéré que la livraison des deux bâtiments n'étaient pas possible dans l'environnement de tensions autour de la crise ukrainienne et laissé entendre pour la première fois que l'annulation du contrat n'était pas exclue en évoquant un possible remboursement. "Nous accordons beaucoup de valeur à cette déclaration", a-t-on fait savoir vendredi de source russe. De source diplomatique française proche des négociations, on disait en début de semaine que le contrat se trouvait désormais "dans les mains des avocats" qui tentent de trouver une issue acceptable pour les deux parties. Vladimir Poutine a pour sa part assuré mi-avril que la Russie n'imposerait pas de pénalités à la France si les coûts déjà induits pour son pays faisaient l'objet d'un remboursement. Conclu en 2011, le contrat est d'un montant de 1,2 milliard d'euros. PRÉPARATION TECHNIQUE Prévue initialement pour l'automne 2014, la livraison du premier des deux BPC (bâtiments de projection et de commandement)construits par les chantiers STX de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a été suspendue par la France en raison du rôle de la Russie dans le conflit ukrainien. Le deuxième BPC, baptisé Sébastopol, devait être livré fin 2015 à Moscou. Interrogé sur une éventuelle annulation, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a assuré que la France était techniquement prête à cette éventualité. "Nous nous sommes organisés pour que l'ensemble des réponses techniques soient apportées si une décision devait être prise", a-t-il dit à Reuters. "L'intérêt des entreprises est pris en compte, les éléments industriels et financiers qui devront accompagner cette décision sont prêts". "Il y aura un accompagnement public, les responsabilités sont prises jusqu'au bout", a-t-il ajouté. "Techniquement, nous nous sommes préparés pour que cette décision - si elle était prise - soit sans dommage pour les entreprises et les salariés concernés. A la question de savoir ce que ferait la France des deux navires s'ils ne sont pas vendus à la Russie, on dit de source militaire française qu'il n'y a "pas de 'plan B' pour le moment, aucune discussion avec un possible autre client." Adapter les deux bâtiments aux besoins d'un nouvel acquéreur coûterait "des centaines de millions d'euros", avait estimé en février le patron de la Direction des constructions navales (DCNS), Hervé Guillou. Sous pression de ses partenaires, notamment polonais et américain, pour annuler le contrat, la France a une nouvelle fois appelé la Russie à mettre en oeuvre les accords de Minsk. "Nos relations bilatérales sont à un niveau qui forcément n'est pas aussi élevé que ce que nous souhaitons à cause de ce qui s'est produit en Ukraine", a déclaré François Hollande vendredi. "Et donc nous souhaitons, à mesure que les accords de Minsk vont se mettre en oeuvre et que la crise ukrainienne pourra trouver son aboutissement, que nous puissions retrouver le niveau d'hier et même amplifier ce que nous avions projeté ensemble dans les relations entre la France et la Russie". (Avec Marine Pennetier, Jean-Baptiste Vey, Gregory Blachier, Cyril Altmeyer et Elizabeth Pineau à Paris, édité par Yann Le Guernigou)