Au Super Bowl, la pub « He gets us » sur Jésus a agacé tout le monde

Sur sa chaîne Youtube, le site He Gets Us diffuse depuis 2022 des messages chrétiens, destinés à partager la vraie parole de Jesus aux Américains.
Capture d’écran Youtube Sur sa chaîne Youtube, le site He Gets Us diffuse depuis 2022 des messages chrétiens, destinés à partager la vraie parole de Jesus aux Américains.

SUPER BOWL - Entre deux publicités pour une bière sans alcool et un paquet de chips, les annonces publicitaires du Super Bowl version 2023 étaient également l’occasion de vendre la parole de Jésus. De quoi provoquer de vives réactions outre-Atlantique, tous bords confondus, mais pas pour les mêmes raisons.

Dans la nuit de dimanche à lundi, le site web chrétien évangélique He Gets Us (Il nous comprend, en français) a encore frappé lors des réclames diffusées en finale du championnat de NFL où Rihanna a opéré son grand retour sur scène. À l’œuvre depuis un an à la télévision américaine et sur les réseaux sociaux, les annonces de ce site vantant la parole de Jésus-Christ et les valeurs chrétiennes auprès des jeunes générations avaient par exemple été aperçues lors de la dernière cérémonie des Grammys.

Cette fois, les deux spots diffusés durant le Super Bowl utilisent l’image de Jésus pour la comparer pêle-mêle à un « réfugié », à un militant pour les droits des femmes ou à un enfant. Le tout sur fond d’images d’actualité. Parmi les messages de fin de vidéo : « Quoi que vous ayez à affronter, Jésus y a également fait face ».

Sur la première vidéo, des bambins font acte de générosité ou de bonne volonté pour aider leur prochain. Le tout sur la musique If I Could See the World (Through the eyes of a child) de Patsy Cline. « Jésus ne voulait pas que nous agissions comme des adultes », peut-on également lire en fin de vidéo.

La seconde s’intitule « Love Your Ennemies » (Aime tes ennemis). Elle présente à l’inverse des adultes, opposés les uns aux autres, sur fond de tensions de voisinage, de dispute amicale ou de conflits sociaux. « Jesus aimait les gens que nous haïssons », est cette fois proposé comme message final tandis que le refrain de la chanson Human de Rag’n’Bone Man résonne.

Colère démocrate et républicaine

Dans les rangs démocrates, les réactions à cet « investissement médiatique stupéfiant de 100 millions de dollars » étaient plutôt épidermiques en raison des montants investis par le site pour diffuser ses messages depuis près d’un an. À l’instar de la députée démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, qui n’a pas manqué de dénoncer ces investissements impressionnants au nom de Jésus.

« Quelque chose me dit que Jésus ne dépenserait *pas* des millions de dollars en publicités durant le Super Bowl pour faire paraître le fascisme bénin », a-t-elle écrit sur Twitter.

Des sommes qui auraient pu servir à financer de nombreuses œuvres caritatives, comme l'ont d'ailleurs souligné de nombreux internautes interpellés par ces publicités chrétiennes d’un nouveau genre. En effet, jusqu’à 20 millions de dollars auraient été dépensés pour ces deux spots de 30 secondes et 1 minute.

Des sommes qui auraient pu servir à financer de nombreuses œuvres caritatives, comme l’ont d’ailleurs souligné de nombreux internautes interpellés par ces publicités chrétiennes 2.0.

« Quelqu’un : On a plein d’argent. Jésus : Vous devriez le donner aux pauvres. Quelqu’un : Et si… On achetait une pub au Super Bowl ? Jésus : … Satan : Hoo Ha »

« Vous savez ce qui serait une meilleure « image de marque » pour Jésus ? En utilisant ces 100 millions de dollars sur les priorités de Jésus : Nourrir les affamés, accueillir les étrangers, prendre soin des malades, libérer les opprimés, aimer nos voisins. Oui, ll nous comprend mais pas l’inverse »

« Ca a coûté 7 millions de dollars pour diffuser une publicité de 30 secondes pendant le Super Bowl. Cela signifie qu’ils ont dépensé 21 millions de dollars pour diffuser 2 publicités (30 + 60) sur Jésus… Imposez l’église »

«  Imaginez la quantité de nourriture que vous auriez pu acheter à des gens affamés pour le prix d’une publicité pour le Super Bowl. Faites *ça* au nom de Jésus. »

Comme le relève la BBC, du côté des républicains, la colère était ailleurs. Charlie Kirk, fondateur du groupe universitaire de droite Turning Point USA estime plutôt que les messages véhiculés par le site chrétien « se plient aux libéraux », estimant même que la campagne publicitaire est « l’un des pires services rendus au christianisme durant l’ère moderne ».

Parmi les autres critiques avancées par la droite conservatrice américaine, la mise en avant d’opinions de gauche, notamment sur des sujets comme l’immigration et la diversité.

Des messages et des thématiques visiblement assumées, comme en atteste le site de He Gets Us : « De par leur conception, nos messages médiatiques se concentrent sur son humanité, puisque nous avons appris qu’ils résonnent avec le public le plus large possible ».

Dans l’ombre de He Gets Us

Lancé en 2022, le site assure depuis une promotion agressive en ligne et dans la rue à grand renfort de panneaux publicitaires. De quoi attirer l’attention sur celles et ceux qui financent la campagne He Gets Us.

À ce sujet, CNN évoque le travail de plusieurs médias américains pour tenter d’en savoir plus sur les dessous de ces campagnes chrétiennes. Et en fouillant archives publiques et informations disponibles en ligne, la campagne de He Gets Us serait en réalité une filiale de The Servant Foundation, une organisation à but non lucratif originaire du Kansas et sans étiquette politique. Cette organisation serait à l’origine de dizaines de millions de dons à l’Alliance Defending Freedom entre 2018 et 2020, un groupe juridique chrétien conservateur, selon l’enquête du média Jacobin.

Jusque-là rien de très surprenant, sauf que... L’Alliance Defending Freedom a participé à plusieurs initiatives visant à restreindre les droits LGBTQ+ aux États-Unis ainsi qu’à annuler la législation sur la non-discrimination devant la Cour suprême.

CNN cite également le nom de l’un des principaux donateurs de He Gets Us, un certain David Green, cofondateur de Hobby Lobby, une société de vente au détail américaine. Une entreprise dont le nom a déjà été associé au soutien de la législation anti-LGBTQ+. En outre Hobby Lobby a activement soutenu une mesure pour autoriser les entreprises à refuser la couverture médicale en matière de contraception, sur la seule base de croyances religieuses. Une mesure finalement autorisée par la Cour Suprême.

Contacté par CNN, Jason Vanderground, porte-parole de He Gets Us assure toutefois que The Servant Foundation utilise un fonds qui « unit les donateurs pour fournir un soutien commun aux organisations tout en garantissant que les organisations peuvent fonctionner sans que les donateurs n’affectent des messages spécifiques ».

« Le financement de la campagne provient d’un groupe diversifié d’individus et d’entités ayant un objectif commun de partager l’histoire de Jésus de manière authentique », a-t-il également déclaré. Pas sûr que ça soit bien compris...

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