Au Soudan, la France et les États-Unis débutent les évacuations

Après plus d’une semaine de très violents combats au Soudan, la France a commencé l’évacuation de ses ressortissants (photo d’illustration prise au-dessus de l’aéroport de Khartoum le 20 avril).
Après plus d’une semaine de très violents combats au Soudan, la France a commencé l’évacuation de ses ressortissants (photo d’illustration prise au-dessus de l’aéroport de Khartoum le 20 avril).

SOUDAN - L’inquiétude gagne le monde occidental et ses ressortissants. Au début d’une deuxième semaine de combats violents entre paramilitaires et armée régulière au Soudan, qui ont coûté la vie à des centaines de civils, la France et les États-Unis notamment prennent des mesures. Ainsi, Paris a annoncé ce dimanche 23 avril procéder à une « opération rapide d’évacuation » de ses citoyens présents sur place.

Des ressortissants européens et venant de « pays partenaires alliés » sont également pris en charge, indique le ministère, sans plus de précision. La Chine et les Britanniques devraient également procéder à des évacuations dans les prochains jours, face à l’ampleur des affrontements qui ont notamment cours à Khartoum, la capitale.

Les Américains évacuent l’ambassade, mais pas les citoyens

La veille au soir, le président américain Joe Biden avait de son côté annoncé l’évacuation du personnel diplomatique de l’ambassade des États-Unis à Khartoum. « Aujourd’hui, sur mes ordres, l’armée américaine a mené une opération d’extraction du personnel gouvernemental américain », déclarait-il dans un communiqué, appelant par ailleurs à un « cessez-le-feu immédiat et sans conditions » pour mettre fin à ces violences « insensées ».

Le chef de l’État américain a tout particulièrement remercié, selon le communiqué de ses services, Djibouti, l’Éthiopie et l’Arabie saoudite pour leur soutien dans cette opération, qui n’a donc concerné que le personnel de l’ambassade et non pas les centaines de ressortissants américains actuellement présents au Soudan. Au vu des conditions de sécurité, « nous ne prévoyons pas de coordonner au niveau du gouvernement une évacuation des concitoyens restants pour le moment », ont fait savoir les autorités américaines, invitant simplement leurs citoyens à se mettre à l’abri des combats.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a de son côté indiqué que la décision d’évacuer le personnel américain avait été prise en raison du « risque inacceptable » posé au personnel de l’ambassade. L’opération a fait intervenir trois hélicoptères CH-47 Chinook et permis l’évacuation d’un « peu moins d’une centaine » de personnes dont plusieurs diplomates étrangers, a précisé un haut responsable du département d’État, John Bass, à des journalistes.

Une opération menée dans l’urgence, et dont les rebelles paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont tenté de se servir. Ceux-ci ont effectivement évoqué une « coordination » avec Washington, ce que les Américains ont vivement démenti, refusant de légitimer ces combattants.

Une première évacuation saoudienne

Ce samedi soir, les Saoudiens avaient été la première puissance étrangère à opérer une évacuation d’ampleur, rapatriant plus de 150 personnes, dont des diplomates et des responsables étrangers. L’évacuation a été effectuée par les forces navales du royaume avec le soutien d’autres branches de l’armée, a indiqué le ministère saoudien dans un communiqué, annonçant « l’arrivée en toute sécurité » de citoyens saoudiens et de ressortissants de 12 autres pays.

Il s’agit notamment du Koweït, du Qatar, des Émirats arabes unis, de l’Égypte, de la Tunisie, du Pakistan, de l’Inde, de la Bulgarie, du Bangladesh, des Philippines, du Canada et du Burkina Faso, selon le communiqué. « Le nombre de citoyens (saoudiens) qui ont été évacués a atteint 91 », a précisé la même source. « Le nombre de personnes évacuées de pays frères et amis a atteint environ 66 », a-t-elle ajouté, précisant que « des diplomates et des responsables internationaux » faisaient partie des personnes secourues.

Ces évacuations constituent la première opération d’envergure de cette nature depuis que les violences ont éclaté au Soudan le 15 avril. Mais depuis plusieurs jours, les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont déjà déployé des forces dans les pays voisins, et l’Union européenne envisage de prendre de mesures similaires en vue d’évacuer ses diplomates et ressortissants.

Des centaines de personnes ont déjà été tuées dans les combats entre les forces fidèles au chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdan Daglo, qui commande les Forces de soutien rapide (FSR), des paramilitaires redoutés. Selon des témoins, des tirs nourris et de fortes explosions ont retenti samedi matin dans de nombreux quartiers de Khartoum, la capitale soudanaise.

Plus de 400 morts et des milliers de blessés

Vendredi, l’armée avait annoncé avoir « accepté un cessez-le-feu de trois jours » pour l’Aïd al-Fitr, la fête musulmane qui marque la fin du mois de jeûne sacré du ramadan. Mais l’armée et les FSR n’ont pas respecté leurs engagements. Le bilan encore très provisoire s’élève à plus de 420 morts et 3 700 blessés, selon l’OMS. Alors que les deux camps se livrent aussi à une bataille de communication, il est impossible de savoir qui contrôle les aéroports du pays et dans quel état ils se trouvent après avoir été le théâtre de violents combats depuis le premier jour du conflit.

Les deux généraux avaient pris le pouvoir lors du coup d’État de 2021, mettant un coup d’arrêt au processus vers une transition démocratique, après la chute du dictateur Omar el-Béchir, en 2019. Les hostilités ont éclaté après qu’ils ont été incapables de s’accorder sur l’intégration des paramilitaires du général Daglo aux troupes régulières du général Burhane, après des semaines de négociations politiques sous égide internationale.

À Khartoum, une ville de cinq millions d’habitants, de nombreux civils s’aventurent hors de chez eux uniquement pour obtenir des denrées alimentaires d’urgence ou pour fuir.

Au Soudan, troisième producteur d’or d’Afrique et pourtant l’un des pays les plus pauvres au monde, les services de santé sont à genoux depuis des décennies et un tiers des 45 millions d’habitants souffre de la faim. L’arrêt des opérations de la plupart des organisations humanitaires va aggraver la situation. Et le conflit menace désormais de gagner du terrain au-delà des frontières du Soudan, selon des experts.

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