Au Salon de l’Agriculture, Emmanuel Macron pris au piège tente de sauver ce qui peut l’être (sans grand succès)

Le président de la Républqiue Emmanuel Macron et Oreillette, égérie du Salon de l’Agriculture ce samedi 24 février.
CHRISTOPHE PETIT TESSON / AFP Le président de la Républqiue Emmanuel Macron et Oreillette, égérie du Salon de l’Agriculture ce samedi 24 février.

POLITIQUE - Il ne s’est pas pris un râteau, mais la journée n’a pas été de tout repos. La visite d’Emmanuel Macron au Salon de l’Agriculture ce samedi 24 février devait servir de barème de notation de la gestion de la crise agricole par le gouvernement : après une triple salve d’annonces, les agriculteurs se sentent-ils enfin entendus ? Au vu de l’ambiance du déplacement présidentiel, difficile de répondre par l’affirmative.

Emmanuel Macron au Salon de l’Agriculture : on a suivi la visite sous extrême tension du président

Patience, patience, il nous reste encore du temps d’ici au Salon de l’Agriculture. Voilà, en substance, le discours que tenaient les membres du gouvernement au cours des deux semaines qui ont précédé le rendez-vous porte de Versailles. Que ce soit par Gabriel Attal ou Emmanuel Macron, l’exécutif a lui-même fixé l’échéance de ce 24 février pour apporter des réponses concrètes aux agriculteurs en colère. La date butoir se rapprochant, les mises en garde se sont multipliées : venant des syndicats agricoles, mécontents de l’avancée des dossiers, mais aussi des services de renseignements selon une note consultée par BFMTV.

Dans ce contexte, l’Élysée a annoncé jeudi la tenue d’un « grand débat » entre Emmanuel Macron et les agriculteurs. Le président est réputé à l’aise dans cet exercice et l’échange devait faire taire le procès en déconnexion fait au sommet de l’État. Mais la séquence tourne au fiasco sur fond d’invitation des Soulèvements de la Terre. Vendredi 18h, la présidence est contrainte d’annuler le rendez-vous et ce samedi matin, en direct du Salon, Emmanuel Macron n’échappe pas à une question sur ce raté au sommet. Il dément catégoriquement toute invitation faite au collectif écologiste et fait savoir que « toute cette histoire (l’)a mis en colère à un point que vous ne pouvez pas imaginer ».

Débat improvisé et annonces pour calmer la colère

Le président de la République s’exprime depuis le 1er étage du Hall 1 de la Porte de Versailles, à la sortie d’une réunion avec les organisations syndicales qui a duré une heure. Pendant ce temps, un étage au-dessous, des heurts opposent forces de l’ordre et manifestants.

Ils ont commencé dès 8h30 par le forçage d’une grille par des militants des syndicats FNSEA, Jeunes agriculteurs et Coordination rurale, mécontents de la présence du chef de l’État discrètement arrivé une demi-heure plus tôt. Les tensions s’exacerbent au point que les forces de l’ordre font usage de lacrymogène et que l’ouverture au public du Salon est repoussée d’1h30. L’inauguration par le chef de l’État n’interviendra d’ailleurs qu’à la mi-journée, avec 4h30 de retard et sous les huées. Du jamais vu.

À l’écart au premier étage, le chef de l’État appelle à ce que le Salon se tienne dans le calme, « le premier objectif à court terme ». « Vous n’aidez aucun de vos collègues en rendant le Salon impossible », déclare-t-il. Avant de se lancer, notes à la main, dans une série d’annonces : prix plancher pour assurer des revenus décents, plan de trésorerie d’urgence, reconnaissance dans la loi de l’agriculture et de l’alimentation comme « intérêt général majeur de la nation », extension du « droit à l’erreur » dans l’administratif…

Dans la foulée, un débat avec des agriculteurs est organisé à l’improviste, chaque syndicat devant envoyer une délégation. De quoi faire oublier le raté de la veille ? En chemise, entouré d’agriculteurs remontés, le chef de l’État enchaîne les questions pendant deux heures. « Je n’ai pas attendu la crise pour m’engager pour l’agriculture », assure-t-il.

Déambulation sous haute protection

Opération réussie ? Le Salon de l’Agriculture est l’occasion pour le chef de l’État (quel qu’il soit) d’être au contact direct des citoyens, avec les risques que cela peut comporter en termes d’échanges musclés et Emmanuel Maron n’y avait pas échappé en 2023. Mais jamais le climat ne s’est tendu au point de faire douter de la tenue de la déambulation présidentielle. « Je crois que la réflexion doit porter autour du fait que le chef de l’État ne souhaite pas qu’il y ait des images désastreuses de cette journée, et qui seraient de nature à mettre en péril le salon. Sa responsabilité est de savoir si effectivement il doit poursuivre la déambulation », confie ainsi à BFMTV François Patriat, président du groupe Renaissance au Sénat.

Finalement, Emmanuel Macron se lance dans la visite des stands… protégé par des dizaines de CRS équipés de boucliers. Il serre des mains et répond aux interpellations, l’air quasi imperturbable, mais sa voix est régulièrement couverte par le vacarme et le programme initial complètement bouleversé par une pagaille inédite. Les appels à la démission et les noms d’oiseaux fusent : « Fumier » ou « menteur », « Barre-toi ! ». Bien loin de l’image festive généralement accolée à l’évènement.

« On ne répondra pas en quelques heures à cette crise agricole », a martelé Emmanuel Macron ce samedi, avant de redonner rendez-vous aux agriculteurs dans trois semaines à l’Élysée pour « consolider » les engagements pris. Une nouvelle échéance pour faire oublier celle peu convaincante de ce Salon.

À voir également sur Le HuffPost :

César 2024 : Raphaël Quenard n’a pas oublié les agriculteurs en recevant son prix

« Pour un juste accompagnement de notre agriculture face aux défis du 21e siècle » - TRIBUNE