Au Royaume-Uni, une femme condamnée pour avoir pris des pilules abortives trop tard, et ça ne passe pas

En Angleterre, les femmes enceintes peuvent avorter jusqu’à la 24e semaine de grossesse. En réalité enceinte de 32 à 34 semaines, la femme avait tenté d’avorter en mai 2020 avant que les secours ne soient appelés.

Une Britannique a été condamnée ce lundi 12 juin à 28 mois de prison pour avoir menti aux médecins et avorté après le délai légal autorisé. La femme de 44 ans, déjà mère de trois enfants avant de tomber enceinte en 2019, avait reçu des pilules pour avorter lors du confinement en 2020, après avoir menti sur la durée de sa grossesse.

En Angleterre, au pays de Galles et en Écosse, les femmes enceintes peuvent avorter jusqu’à la 24e semaine de grossesse. Selon les informations qu’elle avait données, les services d’avortement qu’elle avait contactés avaient estimé qu’elle était enceinte de sept semaines et lui avaient donc envoyé des pilules abortives.

En réalité enceinte de 32 à 34 semaines, elle avait tenté d’avorter en mai 2020 avant que les secours ne soient appelés, car la femme était en train d’accoucher. L’enfant est né pendant l’appel mais a été prononcé mort 45 minutes plus tard par les médecins.

« Un acte planifié et délibéré »

Poursuivie pour « child destruction » (d’avoir causé la mort d’un enfant pas encore né qui aurait pu naître en vie), elle avait plaidé non coupable. Elle avait ensuite plaidé coupable d’avoir pris des médicaments pour avorter. Elle a été condamnée à 28 mois de prison dont la moitié avec sursis.

« Elle a menti (aux services d’avortement) sur la durée de sa grossesse », a souligné l’accusation. « La prise de médicaments était un acte planifié et délibéré ».

Selon une loi qui remonte à 1861, les femmes qui avortent en dehors du cadre autorisé par la loi encourent la prison à perpétuité.

Une « horrible décision »

« Nous sommes choqués et consternés par la décision de condamner une mère de trois enfants à 28 mois de prison pour avoir utilisé des pilules abortives pour mettre fin à sa propre grossesse », a réagi le British Pregnancy Advisory Service -qui gère des cliniques réalisant des avortements - dans un communiqué appelant à une modification de la loi. « Les femmes vulnérables dans les circonstances les plus incroyablement difficiles méritent davantage de notre système juridique », est-il ajouté.

Sur les réseaux sociaux, cette décision de justice n’est pas passée. Deux membres du Parlement et des journalistes ont notamment dénoncé son caractère « archaïque ».

« Une femme qui a pris des pilules abortives après le délai légal au Royaume-Uni a été emprisonnée pendant 28 mois. Je trouve cela tout à fait épouvantable - comment est-ce possible dans l’intérêt de qui que ce soit ? », a dénoncé cette députée du parti travailliste.

« La peine de prison moyenne pour un délit violent en Angleterre est de 18 mois. Une femme qui a eu un avortement sans suivre les procédures correctes vient d’obtenir 28 mois en vertu d’une loi de 1868 - nous avons besoin d’une réforme urgente pour faire de l’accès en toute sécurité pour toutes les femmes en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles un droit humain. », a également écrit cette membre du parti travailliste.

« C’est une décision horrible. Comme le rapporte Hannah, la femme en question est maman de trois enfants, dont l’un a des besoins spécifiques. Les tribunaux ont puni une femme pour avoir avorté en l’emprisonnant loin de ses enfants. Patriarcat sous stéroïdes. », écrit cette journaliste.

« C’est une putain de honte. Moins de 2 % des viols se terminent par une condamnation, et à moins qu’une arme ne soit impliquée, la plupart des auteurs n’obtiendraient pas 28 mois. Soyez logiques. », appelle une militante.

« C’est absolument radical, complètement affreux. Il n’est pas dans l’intérêt public de poursuivre cette affaire et cela crée un précédent très dangereux. Cela ne fait qu’alimenter davantage le mouvement anti-choix qui faisait pression contre l’introduction de l’avortement médicamenteux à domicile. »

« Cette affaire met en évidence à quel point les lois qui régissent nos droits reproductifs sont archaïques - elles remontent à avant que les femmes n’aient le droit de vote. L’avortement est un soin de santé, personne ne devrait être criminalisé pour avoir recherché des soins de santé. J’espère que le juge verra le bon sens. », avait écrit avant le verdict la chef du Women’s Equality Party.

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