Au restaurant, la malice du prénom

Professeur Fabrizio Bucella, docteur en physique et professeur à l'Université libre de Bruxelles (Belgique).   - Credit:Felix Francotte
Professeur Fabrizio Bucella, docteur en physique et professeur à l'Université libre de Bruxelles (Belgique). - Credit:Felix Francotte

L'autre jour, je me suis tapé un restaurant parisien chic, cher et pas bon. Le serveur commença son laïus : « Bonjour, je m'appelle Roquentin et c'est moi qui vais m'occuper de votre table… » Il aurait pu s'appeler Pierre, Paul ou Jean, on s'en tamponnait le coquillard. Ce jeune homme était sans doute fort sympathique, mais il n'était pas notre ami ; à quoi cela rimait-il de débiter son prénom ? Que nous importait-il qu'il se nommât ainsi ? En vérité, ce n'est pas à Roquentin ou Corentin qu'on en a, mais à son patron qui l'oblige à ce cirque. Fût-on consultant, Dieu nous en préserve, voilà comment on défendrait le bifteck : le client ne vient pas pour manger, mais pour l'expérience. Donnez-lui votre prénom, il se sentira comme à la maison. Tu parles, Charles. On sentait juste qu'on nous prenait pour un con.

Ce truc commercial est vieux comme le monde. Le vendeur à la tire vous demande l'heure et vous refile une carte postale. Comment refuser si le contact est déjà établi ? Les psychologues expérimentaux appellent cette technique l'amorce ou le pied dans la porte. L'astuce est que la technique du prénom joue aussi un autre rôle : elle installe une norme de réciprocité. La chose essentielle à comprendre est que ce barnum nous vient des États-Unis. Cette affaire est cruciale, car aux États-Unis une part essentielle du salaire est basée sur le pourboire. En 2002, des chercheurs ont fait une expérience avec les additions dans deux restaurants américains. Ils ava [...] Lire la suite