Au Panthéon, Patrick Bruel rend hommage à Missak Manouchian en lisant sa lettre d’adieu à Mélinée
POLITIQUE - Un texte symbolique. Ce mercredi 21 février, le chanteur Patrick Bruel, membre du comité de soutien à la « panthéonisation » du résistant Missak Manouchian, a ouvert la cérémonie par la lecture de la lettre d’adieu à sa femme, Mélinée, qui inspira dans les années 1950 Aragon et Léo Ferré, faisant entrer le résistant dans la légende.
Comment vous pouvez l’entendre dans la vidéo en tête d’article, c’est avec émotion que Patrick Bruel a lu les derniers mots de Missak Manouchian, qu’il a écrit à 37 ans, juste avant d’être fusillé au Mont Valérien par des soldats allemands.
« Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas, mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.
Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous...
« Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure »
J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux.
Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération. Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie.
Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.
Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari. »
Si le couple reste uni dans la mort - ils reposaient tous deux au cimetière parisien d’Ivry - Mélinée n’est pas elle-même « panthéonisée ». Les 23 autres résistants entrent au Panthéon de façon symbolique, avec l’inscription de leur nom sur une plaque.
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