Au Niger, les putschistes dénoncent des accords militaires avec la France, Bazoum très inquiet pour le Sahel

Lors d’un rassemblement à Niamey ce jeudi 3 août, des manifestants qui soutiennent les militaires putschites au Niger ont notamment brandit d’immenses drapeaux russes.
Lors d’un rassemblement à Niamey ce jeudi 3 août, des manifestants qui soutiennent les militaires putschites au Niger ont notamment brandit d’immenses drapeaux russes.

NIGER -  Alors que Mohamed Bazoum a prédit des «  conséquences dévastatrices » en cas de coup d’État réussi dans une tribune, la tension monte encore d’un cran au Niger. La France a réagi ce vendredi 4 août à la dénonciation faite par les putschistes au sujet des accords de coopération militaire entre les deux pays, en soulignant que « seules les autorités nigériennes légitimes » étaient en mesure de les rompre.

« La France rappelle que le cadre juridique de sa coopération avec le Niger en matière de défense repose sur des accords qui ont été conclus avec les autorités nigériennes légitimes », a indiqué vendredi le ministère français des Affaires étrangères. Ces autorités « sont les seules que la France, comme l’ensemble de la communauté internationale, reconnaît », a-t-il ajouté, tout en « prenant note » du communiqué de la junte.

L’ex-chef de la garde présidentielle au Niger, le général Abdourahamane Tiani, a pris le pouvoir à la tête d’une junte le 26 juillet, retenant prisonnier le président élu Mohamed Bazoum depuis.

Jeudi soir, les militaires au pouvoir ont annoncé, dans un communiqué lu à la télévision, qu’ils dénonçaient « les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense » avec Paris. Des accords militaires conclus avec la France, qui concernent notamment le « stationnement » du détachement français et le « statut » des militaires présents dans le cadre de la lutte antijihadiste.

« Face à l’attitude désinvolte et la réaction de la France relativement à la situation » au Niger, « le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, militaires au pouvoir), décide de dénoncer les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec cet État », a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, membre des putschistes dans un communiqué lu à la télévision nationale.

La France, qui a évacué 577 de ses ressortissants au Niger mardi et mercredi, compte 1 500 soldats déployés pour la lutte antijihadiste dans ce pays miné par les violences de ces groupes armés. Les militaires auteurs d’un coup d’État survenu il y a huit jours ont également annoncé mettre fin aux « fonctions » d’ambassadeurs du Niger dans quatre pays, dont la France.

« Il est mis fin aux fonctions des ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de la république du Niger (...) auprès de la république française », du « Nigeria », auprès de « la république togolaise » et « auprès des États-Unis », indique ce même communiqué.

Mais la date butoir donnée par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour rétablir l’ordre constitutionnel approche à grand pas. Les putschistes n’ont que jusqu’à dimanche avant que la Cédéao ne fasse potentiellement usage de « la force ».

Dans le même communiqué, les putschistes ont d’ailleurs déclaré à propos des déclarations de la Cédéao que « toute agression ou tentative d’agression contre l’État du Niger verra une riposte immédiate et sans préavis des Forces de défense et de sécurité nigériennes sur un de ses membres, à l’exception des pays amis suspendus », faisant allusion au Burkina Faso et au Mali, dirigés par des militaires et avec qui le Niger souhaite collaborer.

Et ce vendredi, les militaires ont décidé de lever le couvre-feu instauré le 26 juillet, jour de leur coup d’Etat, selon un décret parvenu ce jour à l’AFP.

« J’écris ceci à titre d’otage »

Ces annonces sont intervenues peu après l’arrivée d’une délégation du bloc ouest-africain à Niamey pour tenter de trouver une sortie de crise, huit jours après le coup d’État au Niger qui a renversé le 26 juillet Mohamed Bazoum, qui s’est d’ailleurs exprimé pour la première dans une longue déclaration écrite.

Et d’après lui, le coup d’État au Niger pourrait avoir des conséquences « dévastatrices » pour le monde et faire passer la région du Sahel sous « influence » de la Russie, via les mercenaires du groupe Wagner, a-t-il écrit ce jeudi soir dans une tribune parue dans le Washington Post.

Par conséquent, « j’appelle le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l’ordre constitutionnel », ajoute Mohamed Bazoum dans cette première longue déclaration publique depuis qu’il a été renversé le 26 juillet par des militaires putschistes.

« J’écris ceci à titre d’otage », lance également le président du Niger. « Ce coup (...) n’a aucune justification et s’il réussit cela aura des conséquences dévastatrices pour notre pays, notre région et le monde entier », souligne-t-il.

Vives inquiétudes pour le Sahel

La France, qui semble être la cible privilégiée des militaires au pouvoir, et les États-Unis, deux alliés du président Mohamed Bazoum, ont dénoncé le putsch qui fragile l’ensemble de la région du Sahel. Un motif de craintes pour le président déchu.

« Dans la région trouble du Sahel, au milieu de mouvements autoritaires qui se sont imposés chez certains de nos voisins, le Niger est le dernier bastion pour le respect des droits », explique Mohamed Bazoum dans la tribune publiée en anglais.

Le Burkina Faso et le Mali « emploient des mercenaires criminels comme le groupe Wagner » pour « régler les problèmes de sécurité » plutôt que de « renforcer leurs propres capacités », estime-t-il.

Or, « l’ensemble de la région centrale du Sahel pourrait passer sous influence russe via le groupe Wagner dont le terrorisme brutal a été clairement exposé en Ukraine », poursuit le chef d’État élu démocratiquement en 2021. À ce sujet, une organisation liée au groupe Wagner a diffusé récemment un message présumé de leur chef, Evgueni Prigojine, qui affirme que le putsch au Niger, tenait de la « lutte contre les colonisateurs ».

Des responsables américains affirment toutefois ne pas avoir « d’indication » d’une implication de Wagner dans les événements au Niger, mais craignent que ces mercenaires, implantés au Mali et soupçonnés de l’être au Burkina Faso voisin, tentent de tirer avantage de la situation.

« Ce coup doit cesser et la junte doit libérer tous ceux qu’elle détient de manière illégale », exhorte encore Mohamed Bazoum disant craindre pour le futur de son pays « sous une junte autocratique sans vision et sans alliés fiables ».

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