Au Niger, des milliers de partisans des putschistes se réunissent après un ultimatum à la France

INTERNATIONAL - Une démonstration de force des putschistes. Près de 20 000 personnes se sont rassemblées à Niamey ce samedi 26 août pour soutenir le régime militaire issu du coup d’État au Niger, au lendemain de son ultimatum de 48 heures donné à l’ambassadeur de France au Niger pour partir.

Les partisans des militaires ayant pris le pouvoir se sont retrouvés dans le stade Seyni Kountché, le plus grand du Niger, où des drapeaux nigériens et russes, parsemaient les tribunes.

Ramatou Ibrahim Boubacar, un mannequin, s’est parée de drapeaux nigériens des pieds à la tête. « On a le droit de choisir les partenaires qu’on veut, la France doit respecter ce choix », dit-elle. « Depuis soixante ans, on n’a jamais été indépendants, on l’est seulement depuis le jour du coup d’État » du 26 juillet qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, estime-t-elle, avant de lancer : « Nous sommes à 100% derrière le CNSP ».

Expulsion de l’ambassadeur de France

Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) qui est désormais au pouvoir, avec à sa tête le général Abdourahamane Tiani, a depuis pris la France, ancien pays colonisateur, pour cible privilégiée.

« Le combat ne s’arrêtera que le jour où il n’y aura plus aucun militaire français au Niger », a déclaré à la foule un membre du CNSP, le colonel Ibro Amadou. « C’est vous qui allez les chasser », a-t-il dit, ajoutant cependant : « Pour les chasser ne partez pas à leur ambassade (...) après que chacun rentre chez lui, ils vont finir par partir. »

Ce nouveau rassemblement en soutien au CNSP, se déroule au lendemain de sa décision d’expulser l’ambassadeur de France au Niger, Sylvain Itté. Celui-ci a 48 heures pour quitter le pays. Le CNSP lui reproche de n’avoir pas répondu à une « invitation » du ministère nigérien des Affaires étrangères mais aussi pour « d’autres agissements du gouvernement français contraires aux intérêts du Niger ».

Paris a répliqué en affirmant que « les putschistes n’ont pas autorité pour faire cette demande, l’agrément de l’ambassadeur émanant des seules autorités légitimes nigériennes élues », celles du président Mohamed Bazoum.

La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a décidé après le coup d’État d’imposer de lourdes sanctions économiques et financières au Niger, suspendu de cette organisation, et a également menacé d’y intervenir militairement afin de rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions.

Efforts diplomatiques

Toutefois, les efforts pour une solution diplomatique se poursuivent. Des émissaires algériens se sont rendus dans la région et, samedi, la secrétaire d’État américaine adjointe chargée des affaires africaines, Molly Phee, a rencontré les responsables de la Cedeao à Abuja, la capitale du Nigeria qui en assure la présidence.

Les putchistes ont accusé la Cedeao d’être à « la solde » de la France qui dispose au Niger de 1.500 soldats. Ces derniers, avant le coup d’État, participaient à la lutte contre les groupes jihadistes qui ensanglantent depuis des années ce pays et une grande partie du Sahel.

La décision d’expulser l’ambassadeur de France est l’aboutissement d’un mois de manifestations, décisions et déclarations hostiles à la politique française depuis le coup d’État contre Mohamed Bazoum, toujours détenu avec une partie de sa famille.

Quatre jours après la prise du pouvoir par des militaires, des centaines de leurs partisans ont manifesté devant l’ambassade de France à Niamey, y provoquant des dégâts. Les manifestants ont été dispersés à l’aide de gaz lacrymogène et le régime a accusé la France d’avoir utilisé des armes, ce qu’a catégoriquement démenti le gouvernement français.

« Déstabilisation »

Le 3 août, le CNSP a dénoncé une série d’accords militaires avec la France, une décision que Paris a ignoré, ne reconnaissant que Mohamed Bazoum en tant que dirigeant légitime du Niger.

Les militaires ont par ailleurs accusé la France d’avoir violé à plusieurs reprises son espace aérien fermé sur décision du régime et d’avoir « libéré des terroristes », dans le cadre à leurs yeux d’« un véritable plan de déstabilisation de (leur) pays ». Accusations là encore vigoureusement rejetées par Paris.

Plusieurs manifestations de soutien aux militaires ayant pris le pouvoir ont à chaque fois été rythmées par des slogans hostiles à la France et la Cedeao. La Russie, qui tire profit de l’hostilité à l’égard de Paris dans le Sahel, étant quant à elle louée et applaudie.

Le Niger suit ainsi les traces du Mali et du Burkina Faso où il n’y a plus d’ambassadeur de France. Ces deux pays également dirigés respectivement depuis 2020 et 2022 par des militaires ayant pris le pouvoir par la force et confrontés à la violence jihadiste, se sont montrés solidaires des généraux de Niamey, se disant prêts à combattre au côté de l’armée nigérienne en cas d’intervention de la Cedeao.

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