Au Mexique, la nuit des ni morts ni vivants

Violence des narcos ou de l’Etat ? Une enquête choc de Federico Mastrogiovanni sur les disparitions forcées.

L’Argentine de la dictature militaire (1976-1983) a comptabilisé, suivant les sources, entre 9 000 et 30 000 disparus ; le Chili de Pinochet, de 2 000 à 3 000. Au Mexique, en 2013, le ministère de l’Intérieur (source on ne peut plus officielle) chiffrait à 27 000 les personnes enlevées qui n’ont plus donné signe de vie. Dans un pays où beaucoup de délits ne sont pas dénoncés, par peur de représailles, par méfiance envers les autorités, il faut sans doute multiplier plusieurs fois ce nombre pour approcher la réalité. Le Mexique actuel ne correspond sans doute pas à la définition d’une dictature, malgré de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux, mais il montre les caractéristiques d’un pays en guerre. Telle est la conclusion accablante du livre reportage de Federico Mastrogiovanni.

Journaliste italien installé depuis 2009 au Mexique, l’auteur pose un constat : les régions les plus soumises à la violence attribuée au narcotrafic sont aussi les plus riches en minerais et en hydrocarbures. Le lien entre les deux facteurs est le cœur même de son enquête. Le bassin de Burgos, qui concentre l’essentiel des réserves en gaz naturel, est à cheval sur quatre Etats du nord du pays, en proie aux homicides et aux disparitions forcées. Ce terme juridique désigne un enlèvement «commis sur intervention, directe ou non, par action ou passivité, de fonctionnaires publics» (policiers, militaires), écrit Mastrogiovanni. La victime est rarement retrouvée, les autorités nient toute implication et ne se donnent pas la peine d’enquêter sur un délit qu’elles expliquent par l’appartenance supposée (et jamais prouvée) de la victime au crime organisé. Un scénario que le journaliste démonte en rencontrant de rares survivants de rapts, en suivant la quête inlassable de parents dont une fille ou un fils s’est volatilisé. Certains ont payé de leur vie leur besoin de savoir.

Qui sont les (...)

Lire la suite sur Liberation.fr

Souffrances au long cours
Libé week-end
Les prostituées couchées par écrit
Débats
Signature