Au Liban, un humoriste convoqué pour des blagues sur les militaires et le Coran
Le jeudi 24 août, l’humoriste libanais Nour Hajjar a été interrogé pendant plusieurs heures par la police militaire pour “un de ses sketchs dans lequel il aborde les difficultés économiques auxquelles sont confrontés les membres de l’armée libanaise”, rapporte le média libanais Megaphone, hostile au pouvoir, sur son compte Instagram.
L’armée libanaise, largement respectée par la population locale, est touchée de plein fouet par la crise économique inédite que traverse le Liban. Malgré des aides internationales ponctuelles, la chute vertigineuse de la monnaie nationale – qui a perdu 98 % de sa valeur depuis 2019 – a plongé ses dizaines de milliers de soldats dans une extrême précarité. Dans le sketch en question, Nour Hajjar parle de soldats contraints de cumuler des emplois pour pouvoir joindre les deux bouts, et qui choisissent en l’occurrence le métier de livreur à domicile au sein d’une compagnie locale.
“Vous avez remarqué que tous les [coursiers de] Toters sont dans l’armée, demande-t-il. Tu t’imagines si Israël frappe [le Liban] et que toute l’armée est à Toters ? On verra 30 mobylettes arriver à la frontière ! Une seule roquette et on éclabousse Israël avec de la sauce moutarde et miel !”
“Incitation à la guerre civile”
Soumis à un interrogatoire pendant plusieurs heures, l’humoriste a fini par être relâché. Des responsables d’Awk.word, une communauté de stand-uppeurs, ont également été interrogés, rapporte Megaphone.
Mais alors que la page de cette affaire semblait se refermer, la plus haute institution religieuse sunnite a demandé l’ouverture d’une information judiciaire contre l’humoriste pour “incitation à la guerre civile”. Dans le sketch visé, l’humoriste singeait notamment “le comportement de sa mère lors de cérémonies religieuses”, explique le média. Il laissait ainsi entendre qu’elle réclamait toujours “le best of du Coran” aux cheikhs. Nour Hajjar fait l’objet, ce mardi 29 août, d’un interrogatoire mené par le procureur général près la Cour de cassation, le juge Ghassan Oueidate, au Palais de justice de Beyrouth. Ce dernier a ordonné en fin d’après-midi son arrestation.
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