Au Festival de Cannes, « Diamant Brut » aborde le fantasme de la téléréalité, et ça ne fait pas franchement rêver

Pyramide Distribution
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FESTIVAL DE CANNES - Pour une Nabilla Vergara, combien de jeunes filles qui ne deviendront jamais millionnaires et n’iront jamais s’installer à Dubaï ? Agathe Riedinger présentait ce mercredi 15 mai au Festival de Cannes Diamant Brut, son premier film, sélectionné en compétition officielle aux côtés, par exemple, de Megalopolis de Francis Ford Coppola. Le long métrage que nous avons vu à Cannes fait un portrait d’une jeune femme obsédée par l’idée de devenir une star de la téléréalité, et d’une industrie cruelle.

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Liane a 19 ans, et vit à Fréjus (Var). Son quotidien est morose : vols à l’étalage dans les magasins, journées passées à scroller sur le canapé dans une maison délabrée avec sa mère démissionnaire et sa petite soeur. Ses quelques moments d’évasion, elle les a avec ses amies, et quand elle poste pour sa « petite » communauté. Lorsque la directrice de casting de l’émission de téléréalité Miracle Island l’appelle pour la rencontrer, sa vie bascule.

Pour Liane, la possibilité d’une porte de sortie s’ouvre. Et cela suffit à rendre la jeune femme complètement obnubilée par cette idée. Car Liane en est sûre : participer à une émission de téléréalité, c’est la garantie de gagner des followers, d’agrandir sa communauté, de se remplir les poches pour quitter la misère. « Du point de vue des candidats, la téléréalité est souvent un moyen de s’en sortir. Elle peut être une alternative au chômage pour qui n’a que peu d’accès aux études ou à l’emploi, pour qui souffre d’une absence de reconnaissance sociale et affective », explique la réalisatrice dans les notes de production. Pour Liane, il y a de ça, mais pas seulement. La téléréalité est aussi un moyen d’être aimée.

La téléréalité, une échappatoire

Rapidement, dans le film d’Agathe Riedinger, il devient évident que le désir profond de la jeune femme n’est pas la richesse. Liane le dit elle-même, « être belle signifie être regardée, donc être désirable, donc être aimée ». Elle veut briller, être vue par le plus grand nombre, dans l’espoir, surtout, que sa mère la regarde enfin.

Conséquence de l’absence de reconnaissance maternelle, Liane manque cruellement de confiance en elle. Pourtant, elle affiche au reste du monde exactement le contraire. À ses abonnés, pour commencer, à qui elle cache tout le mal-être qu’elle ressent. Mais à aussi à ses amies qu’elle rejette, et même à ce garçon lui aussi brisé par la vie, qui ne demande qu’à la protéger justement.

Au-delà de son besoin d’être aimé, Liane pense que la téléréalité va lui permettre de « montrer qui elle est ». Mais le problème, c’est qu’elle l’ignore. Maquillage outrancier, strass à volonté, rajouts capillaires et chirurgie esthétique sont autant de pièces qui constituent la carapace impénétrable de la jeune femme, réhaussée de sa violence et de sa vulgarité verbale.

Devenir une icône adulée

À aucun moment, dans le long métrage, le spectateur ne voit d’images d’émissions de téléréalité. Tout se passe de l’autre côté de la caméra. « Entendre sans voir permettait de créer le mystère, la puissance que Liane confère à la téléréalité », précise Agathe Riedinger. Ne sont entendues que quelques phrases d’émissions, ainsi que des collaborations commerciales d’influenceuses postées sur les réseaux sociaux.

Et Liane se met en danger physiquement et émotionnellement pour faire coller l’image que lui renvoie la téléréalité, avec son miroir déformé. Elle est dans une démarche de croisade quasi christique pour accéder au statut d’icône que peuvent avoir les Kim Kardashian, Nabilla Vergara et autre Jessica Thivenin pour des millions de personnes. D’ailleurs, la religion est très présente dans le long métrage, sorte de point d’ancrage pour la jeune femme. Si elle y croit, forcément, ça va marcher. Et pour cela, elle est prête à tout.

L’émission Miracle Island (dont le nom n’a pas été choisi au hasard) offrira-t-elle à Liane le salut qu’elle recherche ? Diamant Brut illustre en tout cas que la route vers la célébrité est un chemin de croix, sans aucune garantie de succès.

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