Au Festival de Cannes 2024, le film « Bird » d’Andrea Arnold enveloppe de grâce un monde de violence

Nykiya Adams incarne Bailey dans le film « Bird » d’Andrea Arnold.
Atsushi Nishijima Nykiya Adams incarne Bailey dans le film « Bird » d’Andrea Arnold.

FESTIVAL DE CANNES - Un moment suspendu dans le temps. La sélection des films en compétition à Cannes réserve toujours des surprises aux spectateurs. Ce vendredi 17 mai, nous avons vu Bird d’Andrea Arnold au Festival de Cannes. Le long-métrage, avec notamment Barry Keoghan au casting, nous a totalement happés. Pendant deux heures, on a oublié qu’on était sur la Croisette, et même qu’on était dans une salle de cinéma.

Cannes 2024 : « Le Deuxième Acte » de Quentin Dupieux, une satire sur le cinéma très drôle, mais pas que

Lors de sa projection officielle le 16 mai, le film a reçu une standing ovation de 11 minutes. Et cela ne nous étonne pas du tout. Bird suit le destin de Bailey (Nykiya Adams), une adolescente de 12 ans qui vit dans un squat avec son demi-frère Hunter et son père Bug incarné par Barry Keoghan, notamment révélé dans Saltburn.

Ce dernier, le corps recouvert de tatouages représentant des insectes, est obnubilé par son mariage qui approche, et l’argent qu’il pense obtenir grâce à un crapaud produisant de la bave hallucinogène. La jeune fille est livrée à elle-même et cherche à s’évader, à grandir plus vite qu’il ne le faudrait.

Un jour, elle fait la rencontre du mystérieux Bird (Franz Rogowski). Le jeune homme, qui semble n’avoir aucune attache, est à la recherche de ses racines. Bailey va se laisser apprivoiser, et en aidant cet étrange étranger, retrouver le sens de la famille. Bird est l’histoire d’une rencontre, celle de Bailey et Bird, mais aussi celle de la jeune fille avec la femme qu’elle va devenir.

Le long-métrage d’Andrea Arnold (à qui on doit également Fish Tank) nous place en position d’équilibriste, en permanence sur un fil qui balance entre plusieurs émotions parfois contradictoires. Parenthèse poétique qui vire vers le fantastique dans le dernier tiers, Bird nous prend par la main de force, mais avec douceur, grâce notamment à une réalisation caméra à l’épaule, et on se laisse entraîner avec plaisir.

Bird, un moment suspendu dans le temps

Les personnages principaux et secondaires, tous des laissés-pour-compte mis au ban de la société, deviennent attachants, profondément joyeux malgré leurs fêlures. Le personnage de Bug est un rayon de soleil qui irradie tant bien que mal sur sa famille brisée. Celui de Bailey est un papillon dont on suit les différents stades d’éclosion. Et celui de Bird, une ode à la différence, à la liberté et à la singularité. La performance de Franz Rogowski, qu’on avait notamment vu dans Passages avec Adèle Exarchopoulos, est époustouflante de réalisme, chaque mouvement de son corps rappelant ceux d’un oiseau.

Pour renforcer un peu plus cette impression de monde onirique, avec ses images, Andrea Arnold a métamorphosé ce décor décati en lieu presque fantastique. Bird se déroule dans la banlieue d’une petite commune au bord de la mer. Une banlieue où la pauvreté est omniprésente, où les enfants traînent dans les rues et où les détritus jonchent les jardins. Mais où les tags et autres mots gravés dans les cages d’escalier sont des messages d’espoir. Une invitation à voir de la beauté là où elle n’est pas apparente. La violence est présente, parfois même oppressante, mais elle n’étouffe pas. Et elle est nécessaire pour nous maintenir sur ce fil d’émotions.

On est ressortis de la salle avec les joues mouillées de larmes, et l’impression d’avoir fait un voyage merveilleux et doux qu’on aurait aimé voir durer un peu plus longtemps.

À voir également sur Le HuffPost :

Au Festival de Cannes, « Diamant Brut » aborde le fantasme de la téléréalité, et ça ne fait pas franchement rêver

Festival de Cannes : Judith Godrèche mains sur la bouche avant la projection de son film « Moi aussi »