Premier tour de l'élection présidentielle au Congo

par Aaron Ross BRAZZAVILLE (Reuters) - Les électeurs congolais étaient appelés aux urnes dimanche pour le premier tour de l'élection présidentielle que Denis Sassou-Nguesso, qui brigue un troisième mandat consécutif, aborde en position de grand favori. L'opposition, qui se présente en ordre dispersé, a dénoncé les modalités d'organisation du scrutin qui se déroule dans un contexte tendu. Le gouvernement a ordonné samedi aux opérateurs de téléphonie de suspendre leurs services pour des raisons de sécurité. L'opposition y voit une manoeuvre pour compliquer la tâche des scrutateurs. Le gouvernement a également interdit l'usage de véhicules motorisés dans l'ensemble du pays et des barrages ont été dressés dans la capitale, Brazzaville, pour faire respecter cette interdiction. A Mafouta, un quartier de la capitale, les bureaux de vote ont ouvert peu de temps avant l'horaire prévu, 06h00 (07h00 GMT), mais les opérations de vote ont très vite pris du retard. "Je veux que tout se passe bien. Je ne veux pas de guerre, ce qui se produit parfois après ces élections", a déclaré Damien Kiongasi, venu de Paris pour voter. Denis Sassou-Nguesso a huit adversaires face à lui, dont cinq ont conclu un accord de retrait au second tour en faveur du premier arrivé, au cas où le président sortant serait mis en ballottage. Parmi ses adversaires figure le général en retraite Jean-Marie Mokoko, qui fut son conseiller à la sécurité. NOUVELLE CONSTITUTION Denis Sassou-Nguesso a dirigé le Congo de 1979 à 1992, année où il a été battu à la présidentielle par Pascal Lissouba. Il est revenu au pouvoir cinq ans plus tard au terme d'une guerre civile et a remporté les scrutins présidentiels de 2002 et de 2009. A 72 ans, il peut briguer un nouveau mandat, ramené de sept à cinq ans, grâce à la modification institutionnelle controversée qu'il a fait valider par référendum l'automne dernier. La Constitution ne limite plus à deux mandats l'exercice de la fonction suprême et a levé les restrictions d'âge imposées aux candidats. Cette élection marque un "progrès pour notre démocratie", a-t-il déclaré en votant dans son bureau de vote de Brazzaville, ajoutant que le scrutin se déroulait à sa connaissance dans le calme. Ses adversaires jugent que la richesse pétrolière du pays n'a profité qu'à une petite élite. La moitié de la population totale du pays (4,5 millions d'habitants) vit dans la pauvreté. L'opposition a prévenu vendredi qu'elle avait observé des préparatifs en vue d'une fraude massive, des électeurs ayant notamment été inscrits dans plusieurs bureaux de vote différents, d'autres bénéficiant de plusieurs cartes d'électeurs. A Mafouta, bastion de l'opposition, des électeurs patientant dans la file d'attente déclaraient dimanche matin avoir constaté que les listes d'émargement comportaient les noms d'électeurs décédés depuis des années. Un journaliste de Reuters a de son côté vu trois noms inscrits à deux reprises, avec les mêmes dates de naissance et les mêmes filiations. "Je ne suis pas optimiste. J'ai vu que nos voix ont été volées. Les véritables résultats ne seront pas communiqués", a affirmé Boclelon Ganga, un Congolais de 28 ans. Pour de nombreux observateurs, la victoire du président sortant est plus que probable. "Il va utiliser l'appareil d'Etat", dit Joe Washington, président de la Fondation Ebina, un groupe d'opposition à Brazzaville. "Le résultat de l'élection est déjà connu", ajoute-t-il. (avec Emma Farge à Dakar; Guy Kerivel, Nicolas Delame, Eric Faye et Henri-Pierre André pour le service français)