Au Chili, le « non » massif pour remplacer la constitution héritée de Pinochet

People rejecting the new constitution draft celebrate after learning the results of the partial vote of the referendum, in Santiago, on September 4, 2022. - President Gabriel Boric vowed to continue working to reform the political landscape after Chileans on Sunday emphatically rejected a proposed new constitution to replace the one adopted during the Augusto Pinochet dictatorship. With more than 99 percent of votes counted, the reject camp led with almost 62 percent compared to just over 38 percent for those in favour. (Photo by Martin BERNETTI / AFP)

MARTIN BERNETTI / AFP

Les Chiliens célèbrent la victoire du « non » à la nouvelle constitution, le 4 septembre 2022.

CHILI - C’est « non ». Les Chiliens ont massivement rejeté dimanche 4 septembre la proposition de nouvelle constitution qui visait remplacer celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Le président Gabriel Boric a aussitôt annoncé sa volonté de relancer « un nouveau processus constitutionnel ».

Le verdict de ce référendum à vote obligatoire est sans ambiguïté et dépasse toutes les prédictions des instituts de sondage. Quelque 61,9 % des électeurs, soit plus de 7,8 millions de personnes, ont glissé le bulletin « je rejette », contre 4,8 millions (38,1 %) favorables à la mention « j’approuve », selon les résultats définitifs.

« L’aspiration au changement et à la dignité exige de nos institutions et acteurs politiques qu’ils travaillent avec plus d’engagement, de dialogue, de respect et d’affection, jusqu’à ce que nous arrivions à une proposition qui nous convienne à tous. Nous allons dans cette direction. Vive la démocratie et vive le Chili ! », a écrit le président sur Twitter.

Ce choix ne fait cependant que suspendre le processus de nouvelle Constitution entamé après le violent soulèvement populaire de 2019 réclamant plus de justice sociale, et rendait coupable de tous les maux du pays celle rédigée sous le régime militaire.

L’opposition conservatrice opposée au texte

« Je m’engage à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour construire un nouveau processus constitutionnel », a aussi solennellement déclaré après les résultats le président de gauche de 36 ans élu en décembre.

Depuis le palais présidentiel de la Moneda, il a lancé « un appel à toutes les forces politiques pour qu’elles fassent passer le Chili avant toute divergence légitime, et qu’elles se mettent d’accord le plus rapidement possible sur les délais et les contours » de ce nouveau processus « dans lequel, bien sûr, le Parlement devra être le principal protagoniste ».

Célébrant la « défaite pour les refondateurs du Chili », Javier Macaya, président du parti ultra-conservateur UDI, a dit lors d’une conférence de presse vouloir également « poursuivre le processus constitutionnel », comme s’y était engagée l’opposition durant la campagne pour faire barrage au texte proposé.

L’inscription de l’IVG dans la constitution a fait des vagues

Un premier référendum en octobre 2020 avait clairement appelé à la rédaction d’une nouvelle Loi fondamentale (79 %), et voir effacée l’ombre de Pinochet et d’un Chili laboratoire de l’ultra-libéralisme.

Mais le fruit d’une année de travail des 154 membres d’une Assemblée constituante, élus en mai 2021 pour rédiger la proposition, a semble-t-il trop bousculé le conservatisme d’une majeure partie de la société chilienne.

De nouveaux droits sociaux avaient pourtant été pensés pour équilibrer une société aux fortes inégalités sociales, en proposant de garantir un droit à l’éducation, à la santé publique, à une retraite ainsi qu’à un logement décent, pour ne plus les laisser aux seules mains du marché.

L’inscription dans le marbre du droit à l’avortement, un sujet qui fait débat dans le pays où l’IVG n’est autorisée que depuis 2017 en cas de viol ou de danger pour la mère ou l’enfant, ou encore la reconnaissance de nouveaux droits aux peuples autochtones, a crispé les débats souvent houleux dans une campagne baignée dans un climat de désinformation.

Vent de changement dans la jeunesse

L’ancienne présidente Michelle Bachelet, qui vient de quitter son poste de Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme à Genève, où elle a voté, et qui demeure très populaire dans son pays, a prévenu qu’en cas de rejet, « les demandes de Chiliens resteront insatisfaites ».

Comme elle, quelque 100 000 Chiliens installés à l’étranger étaient appelés à se prononcer dimanche, pour eux de manière volontaire. Cette volonté de changement perçue à l’étranger et dans la capitale Santiago, surtout dans la jeunesse qui a envahi les rues, a été balayée par l’immense rejet qu’inspirait le texte « dans le sud et le nord du pays », selon Marta Lagos, sociologue et fondatrice de l’institut de sondage Mori.

Ces deux régions connaissent de graves problèmes de violence et d’insécurité. Dans le sud, en raison de conflits autour de terres revendiquées par des groupes radicaux indigènes Mapuche et, dans le nord, en raison de l’afflux migratoire, des problèmes de pauvreté et de trafic d’êtres humains.

Selon elle, les tenants du « non » forment un groupe « très hétérogène » avec une forte fibre « populiste » alimentée par la « peur » de se voir dépossédés. Mais des voix de centre-gauche se sont également jointes aux protestations. « Personne n’avait prévu cet écart de plus de 20 points de pourcentage », a-t-elle écrit sur Twitter, qualifiant le résultat d’« échec retentissant ».

À voir également aussi sur le Huffpost : Un mystérieux trou de 25 mètres de diamètre inquiète au Chili

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