Au cœur de l’interdit

Un couple adultère en pleine révolution culturelle chinoise par Yan Lianke

Dur comme l’eau, que l’on peut considérer comme le premier vrai long roman que Yan Lianke ait écrit, est enfin sorti au Japon l’année dernière. En traduction japonaise, je veux dire. Il aura fallu attendre dix-huit ans. A chaque nouvelle parution d’un de ses livres dans ma langue, la question me tarabustait : comment avait-il commencé ? Pour moi qui partage avec lui ce métier d’écrivain, cette question était cruciale. Car, je ne vous apprends rien, c’est souvent là que tout se décide.

Eh bien, tous les traits de l’écriture de Yan Lianke, le cynisme politique débordant, l’humour paysan solidement enraciné, l’érotisme débridé, la violence de ses romans suivants, Servir le peuple,Bons Baisers de Lénine, ou les Chroniques de Zhalie, sont déjà dans Dur comme l’eau.

Alors que la Révolution culturelle ravage le pays, Gao Aijun quitte l’armée et rentre dans son village. Là, il tombe éperdument amoureux d’une femme mariée, Xia Hongmei. Cela ne l’empêche pas de vouloir se consacrer au succès de la Révolution et à la mise à bas de la mentalité ancienne. Bref, il a quelques ambitions. Xia Hongmei est d’ailleurs sur la même longueur d’onde. Tous deux se lancent à corps perdus dans l’action. Mais au cœur de la dévotion à la Cause, le désir sexuel montre le bout de son nez. En fait, nous sommes déjà loin de là… Xia Hongmei prend les devants et provoque Gao avec insistance, se montrant nue pour le décider. C’est Gao qui fait face à des difficultés : dysfonctionnements sexuels, gêneurs. L’établissement de relations de franche camaraderie prend un certain temps. A partir de là, on s’attendrait à un développement autour de la domination masculine, c’est une subtile réflexion politique qui vient.

Dans une scène typique de Yan Lianke, au moment où les sens sont en feu et l’érotisme atteint son acmé, un haut-parleur envoie une giclée de chant révolutionnaire. On perçoit l’ironie, bien entendu, mais aussi le signe que (...)

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