Au Brésil, l’assaut des pro-Bolsonaro ressemble fort à celui des pro-Trump... à une nette différence près

BRÉSIL - Ce sont des images qui rappellent sans conteste l’assaut du Capitole de Washington aux États-Unis, il y a deux ans. Dimanche 8 janvier 2023, des militants de l’ex-président brésilien, Jair Bolsonaro, ont pris d’assaut le Congrès à Brasilia.

Ils ont débordé la police, se sont infiltrés en brisant les vitres du bâtiment, ils ont saccagé les bureaux des parlementaires et sont allés jusqu’aux chambres du Parlement. Un manifestant s’est même assis sur le siège du président du Sénat. Mais contrairement aux militants trumpistes, ces bolsonaristes ne se sont pas arrêtés là et ont également envahi la Cour Suprême et le palais présidentiel, comme on peut le voir dans la vidéo en haut de l’article.

L’émeute, dont les images ont fait le tour du monde, a choqué bien au-delà des frontières du Brésil. Pourtant, ce n’est pas une surprise complète, tant l’atmosphère est survoltée dans le pays. Depuis la victoire de Luiz Inácio Lula da Silva à la présidentielle, des militants de Jair Bolsonaro manifestent devant des casernes militaires et réclament l’intervention de l’armée pour empêcher Lula de revenir au pouvoir pour un troisième mandat.

« Ce sont des gens qui, comme les militants de Trump lors de l’assaut du Capitole, sont persuadés que les élections ont été truquées et qui sont persuadés d’être dans leurs bons droits. On a donc des rhétoriques similaires. Ce sont aussi des gens qui ne s’informent que par certaines plateformes, certains réseaux sociaux », explique ainsi Juliette Dumont, maîtresse de conférences en Histoire contemporaine à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine. « Et lorsqu’il y a eu cet assaut au Capitole, Bolsonaro avait apporté son soutien à Trump et à ceux qui avaient pénétré dans le bâtiment », rappelle-t-elle.

Trump et Bolsonaro, des idéologies similaires

Tout comme Donald Trump qui conteste - toujours - les élections de 2020, ce discours de fraude électorale est aussi alimenté par le parti de Jair Bolsonaro, qui remet notamment en cause la fiabilité du vote électronique. Et tout comme l’ancien président américain avec Joe Biden, l’ancien président brésilien n’a jamais reconnu la victoire de Lula. Jair Bolsonaro s’est d’ailleurs envolé pour la Floride aux États-Unis, deux jours avant l’investiture de son successeur, refusant de lui remettre l’écharpe présidentielle.

C’est d’ailleurs Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump qui a appelé Jair Bolsonaro à ne pas reconnaître les résultats de l’élection, comme l’explique cet article du Monde. Les deux anciens présidents ont de nombreux points communs idéologiques puisés à l’extrême droite. Au point ou le Brésil de Bolsonaro a semblé imiter son voisin du nord. « C’est la première fois au Brésil qu’on a un alignement total sur les États-Unis », insiste Juliette Dumont. Leurs deux mandats ont été marqués par des propos racistes, sexistes et homophobes et tous deux sont aussi de fervents défenseurs du port d’armes.

De retour à Brasilia après le coup de force manqué, Lula a déclaré que le « discours » de son prédécesseur avait « encouragé » les « vandales fascistes ». Des accusations que conteste Jair Bolsonaro. Dans une série de tweets, il a condamné sans fermeté « les déprédations et invasions de bâtiments publics ». Mais il a aussi « rejeté les accusations, sans preuve » de son successeur.

Le rôle trouble de la police militaire

Une différence nette apparaît néanmoins avec le coup de force de Washington. Certes, les forces de l’ordre ont repris le contrôle du palais présidentiel, du Congrès et de la Cour suprême quatre heures après qu’ils ont été envahis. Plus de 300 personnes ont été interpellées et le parquet général a demandé l’ouverture immédiate d’investigations pour établir « la responsabilité des personnes impliquées » dans l’attaque des bâtiments officiels. Mais l’un des enjeux de l’enquête à venir va porter sur le rôle de la police militaire dans cet assaut : ont-elles été dépassées... ou ont-elles été passives, voire complices ? Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent par exemple des policiers prenant des photos de l’assaut ou discutant avec les manifestants.

Plusieurs députés brésiliens ont également mis en doute le travail des services de sécurité et de la police fédérale, les accusant de complicité avec les manifestants. Les membres du gouvernement de la région de Brasilia ont également été mis en cause pour leur inaction. Et très rapidement, la situation a d’ailleurs contraint le gouverneur de la région de Brasilia, Ibaneis Rocha, à annoncer le limogeage d’Anderson Torres, ministre de l’intérieur (appelé secrétaire à la Sécurité Publique), avant d’être lui-même démis de ses fonctions par la justice. Tous deux ont été des alliés politiques de Jair Bolsonaro.

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