Attention à ces vidéos qui prétendent que les minéraux présents dans l'eau sont des "poisons"

Début 2024, des grandes marques dont Nestlé ont été épinglées pour des pratiques frauduleuses concernant le traitement des eaux en bouteille. Dans ce contexte, des vidéos prétendant que les minéraux dans les eaux seraient des "poisons" pour les humains car ils ne seraient pas "assimilables" et "bloquent les reins" circulent sur les réseaux sociaux. Ces rumeurs, relayées depuis des années sur internet parfois à des fins mercantiles, sont trompeuses et mélangent à tort des concepts scientifiques en attisant des inquiétudes, ont expliqué plusieurs chercheurs ainsi que l'Anses auprès de l'AFP. Les eaux utilisées en France font l'objet de nombreuses réglementations pour en garantir leur qualité, et les minéraux, dans les eaux aussi bien que via d'autres aliments, sont par ailleurs indispensables au corps humain.

"Les minéraux dans l'eau sont des poisons !!! J'apporte ici la contradiction au mensonge que répète (sic) encore beaucoup trop de personnes, c'est à dire (sic) qu'il faudrait boire des minéraux...", indique la description d'une vidéo Facebook partagée plusieurs centaines de fois depuis le 12 juin.

La même vidéo a aussi été diffusée sur TikTok par un compte du même nom, "les pieds à la terre", qui fait en parallèle la promotion via son site de "purificateurs d'eau" à "osmose inverse", vendus à plus de 1.400 euros l'unité.

L'utilité et les effets sur la santé d'eau filtrée par de tels appareils avaient déjà été pointés du doigt par l'association 60 Millions de consommateurs en 2018.

"Buvez les minéraux dans l'eau, c'est le plus grand mensonge de l'Histoire", commence la personne qui s'exprime dans la vidéo, développant : "les minéraux sont inassimilables parce qu'ils sont inorganiques, voilà. Ces minéraux dans l'eau sont des poisons".

Elle assure ensuite que puisque l'humain, "hétérotrophe", est incapable d'assimiler des minéraux et que seuls les végétaux, "êtres autotrophes (...) ont la capacité de synthétiser la matière minérale", "les minéraux dans l'eau sont des poisons" pour les humains, et qu'il "a été démontré scientifiquement que ces minéraux n'apportent rien, au contraire, et ça vous bloque les reins".

<span>Capture d'écran prise sur Facebook le 24 juin 2024</span>
Capture d'écran prise sur Facebook le 24 juin 2024

D'autres vidéos diffusées ces derniers mois, notamment sur TikTok, reprennent des allégations semblables prétendant que l'être humain ne peut "assimiler" les minéraux des eaux. De telles rumeurs sont relayées depuis des années sur internet, notamment sur des sites disant prôner des modes d'alimentation plus "sains", ou vendant des appareils filtrants.

Si des entreprises, dont Nestlé qui puise en France l'eau des marques Perrier, Vittel, Hépar et Contrex, ont été, épinglées début 2024 pour avoir utilisé des traitements de désinfection interdits sur les eaux minérales, soulevant des préoccupations auprès des consommateurs, les assertions selon lesquelles les minéraux seraient "inassimilables" sont trompeuses et présentent des incohérences scientifiques, ont relevé plusieurs experts auprès de l'AFP.

Un raisonnement qui n'a rien de scientifique

D'abord, "le terme 'minéral' est utilisé du début à la fin mais n'est jamais défini : en chimie 'classique', les minéraux et composés minéraux ne contiennent pas de carbone ; à l'inverse, les composés organiques (naturels et synthétiques) contiennent du carbone", relève le professeur Pascal Houillier, néphrologue au département de physiologie de l'unité des maladies rénales et métaboliques de l'hôpital Georges Pompidou et chercheur à l'Inserm, auprès de l'AFP le 21 juin.

Le message des vidéos laisse aussi à penser que les minéraux seraient "assimilables" par les êtres humains uniquement dans certaines circonstances, si ces derniers sont absorbés via des plantes. Mais il n'y a pas de raison d'opposer les minéraux absorbés via la consommation d'eau ou via d'autres aliments, expliquent les chercheurs interrogés par l'AFP.

"Un élément minéral est par définition non organique, puisque c'est la définition de la chimie. Ainsi, qu'un minéral (calcium, sodium...) soit porté par du fromage, de l'eau ou une plante, cela reste toujours un minéral", illustre Yves Lévi, professeur émérite au sein de l'équipe des "Processus Ecologiques et Pressions Anthropiques" à l'université Paris-Saclay, le 21 juin à l'AFP.

<span>De l'eau du robinet, photo prise le 28 août 2022 à Toulouse</span><div><span>Lionel BONAVENTURE</span><span>AFP</span></div>
De l'eau du robinet, photo prise le 28 août 2022 à Toulouse
Lionel BONAVENTUREAFP

Ensuite, les vidéos utilisent aussi à tort les termes "hétérotrophe" et "autotrophe", qui décrivent des modes de nutrition des êtres vivants en biologie, pour prétendre que les humains ne pourraient pas assimiler des minéraux. Mais il s'agit d'une mauvaise compréhension de ces concepts, selon les experts interrogés par l'AFP.

La plupart des plantes sont effectivement autotrophes (c'est-à-dire qu'elles sont captables de synthétiser, ou d'élaborer, la matière organique dont elles ont besoin, à partir de matière minérale notamment) et les animaux et êtres humains sont hétérotrophes (c'est-à-dire qu'ils n'effectuent pas la synthèse de la matière organique dont ils ont besoin).

"Seuls les végétaux (et peut-être certains organismes photosynthétiques) sont autotrophes car ils fabriquent de la matière organique sans en consommer, à partir de lumière, de CO2, d'eau et de minéraux grâce à la photosynthèse. Les animaux sont tous hétérotrophes, ils ont besoin de matières organiques (sucres, lipides, protéines) pour vivre. Ceci ne veut pas dire qu'on peut se passer de minéraux", développe Gilles Crambert, chercheur CNRS au laboratoire Métabolisme et physiologie rénal du Centre de recherches des Cordelier.

La matière synthétisée par des plantes est par ailleurs bien de la matière organique, et non minérale comme l'affirme le raisonnement avancé dans la vidéo : "les végétaux ne sont pas capables de synthétiser de la matière minérale puisqu'ils puisent dans l'environnement des substances minérales", explicite Laurent Miclo, professeur et chercheur de l'université de Lorraine au sein de l'unité "Composés Alimentaires : Biofonctionnalités et Risques Neurotoxiques" (Calbinotox).

"Les végétaux vont synthétiser de la matière organique à partir de matière minérale, contrairement à l'être humain qui ne peut pas synthétiser toute la matière organique dont il a besoin à partir de matière minérale. Les minéraux des végétaux sont donc des minéraux de l'environnement venant du sol, de l'eau, ...", abonde-t-il, le 21 juin à l'AFP.

"Le narrateur place deux mots scientifiques (autotrophe, hétérotrophe) pour faire croire qu'il maîtrise une problématique scientifique. En vérité, nous sommes face à un tissu d'inepties", déplore le chercheur.

Il souligne par ailleurs que "faire croire que les minéraux des plantes sont systématiquement plus assimilables est faux. L'acide phytique, synthétisé par certaines plantes, contient du phosphore, phosphore inassimilable par l'être humain puisqu'il n'a pas l'enzyme permettant de métaboliser l'acide phytique. Il en est de même pour l'acide oxalique présent dans de nombreuses plantes. Des taux importants d'acide oxalique sont par ailleurs toxiques pour le système rénal".

Pascal Houillier note aussi que la vidéo "contient une contradiction interne majeure : si les minéraux ne sont 'pas absorbables' par l'intestin, on voit mal comment ils pourraient 'bloquer' les reins".

<span>Une jeune pousse de maïs dans le champ de Pas-de-Jeu, dans l'ouest de la France, prise le 5 mai 2014</span><div><span>GUILLAUME SOUVANT</span><span>AFP</span></div>
Une jeune pousse de maïs dans le champ de Pas-de-Jeu, dans l'ouest de la France, prise le 5 mai 2014
GUILLAUME SOUVANTAFP

"Pas de vie sans minéraux"

Tout cela ne remet par ailleurs pas en cause le fait que les êtres humains puissent absorber des minéraux en se nourrissant, relèvent les chercheurs interrogés par l'AFP, rappelant que les minéraux sont essentiels aux êtres humains.

"Les minéraux sont indispensables dans nos apports alimentaires car le corps en a absolument besoin pour fonctionner et se construire : par exemple, la construction des os chez l'embryon, puis de la naissance jusqu’à l'âge adulte exige du calcium", abonde Yves Lévi.

"Les humains comme tous les vertébrés intègrent des minéraux dans leur os qui sont constitués de calcium, de phosphate et de magnésium. Nous ne sommes pas capables de synthétiser ces minéraux, le fait qu'ils se trouvent dans nos os est bien la preuve qu'on les assimile, en particulier au moment de la croissance. Il en va de même pour le potassium qui est le minéral principal contenu dans toutes nos cellules. Ainsi, par exemple au cours de la gestation, lorsqu'on construit un enfant (un groupe important de cellules), la femme enceinte assimile le potassium qui est transféré au foetus. Idem pour les sportifs qui augmentent leur masse musculaire (d'où les boissons 'électrolytiques')", développe aussi Gilles Crambert.

"Il n'y a pas de vie sans minéraux. Pour prendre quelques exemples, un adulte (en bonne santé) contient en moyenne une centaine de grammes de sodium, un kilo de calcium, 140 grammes de potassium, 24 grammes de magnésium, etc. Toutes ces molécules sont des éléments du tableau périodique, ce sont des minéraux sans lesquels la vie est impossible", explique aussi Pascal Houillier.

"Nous ne savons effectivement pas synthétiser ces minéraux, dont nous avons besoin : le seul moyen que nous avons de nous procurer ce dont nous avons besoin est de les apporter par les aliments et les boissons et de les absorber au travers de la muqueuse intestinale", détaille-t-il, ajoutant que cette dernière "exprime un grand nombre de molécules différentes qui sont précisément là pour permettre l'absorption de ces minéraux ; ces molécules sont très spécialisées : celles qui permettent l'absorption du calcium ne laissent pas entrer ni le sodium ni le magnésium, etc ; celles qui permettent l'absorption du sodium ne transportent pas le calcium etc".

Le spécialiste précise par ailleurs qu'un "minéral n'est absorbable que s'il n'est pas lié à d'autres molécules. Et peu importe que le minéral en question soit apporté dans le l'eau, du lait ou des aliments : il doit être séparé des autres composés pour être absorbé".

Par ailleurs, au niveau moléculaire, l’absorption de molécules organiques nécessite la présence de minéraux. Ainsi, nos cellules possèdent des protéines transporteurs de sucre qui fonctionnent grâce au sodium.

L'Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses) précise aussi le 25 juin auprès de l'AFP que "l'assimilation des minéraux, c'est-à-dire leur utilisation par l'organisme à des fins physiologiques, dépend de leur biodisponibilité", c'est-à-dire la quantité et la vitesse à laquelle une substance est absorbée, qui est conditionnée par plusieurs facteurs.

Parmi ceux-ci figurent : "les formes d'apports (par exemple, le fer d'origine végétale -fer non héminique- est moins bien absorbé que le fer d'origine animale -fer héminique-) ; des facteurs pouvant accroître l'absorption intestinale (par exemple, la vitamine D augmente l'absorption du calcium) ; et des facteurs pouvant réduire l'absorption intestinale (par exemple, le cuivre et les phytates réduisent l'absorption du zinc)".

<span>Des bouteilles d'eau minérale de la source "Les Abatilles", prise à Arcachon en août 2015</span><div><span>NICOLAS TUCAT</span><span>AFP</span></div>
Des bouteilles d'eau minérale de la source "Les Abatilles", prise à Arcachon en août 2015
NICOLAS TUCATAFP

Plusieurs études se sont par ailleurs intéressées à la biodisponibilité des minéraux présents dans les eaux par le corps humain, et ont bien conclu que ce dernier parvenait à les absorber.

Cette étude (archivée ici) publiée en juillet 2023 sur les apports de calcium des eaux minérales indique par exemple que "la consommation d'eau minérale riche en calcium peut contribuer de façon significative à l'apport quotidien en calcium, en particulier pour les personnes souffrant d'une intolérance au lactose ou qui suivent un régime à base de plantes".

Une autre étude (archivée ici) parue en 2017 qui a comparé la biodisponibilité du calcium de différentes eaux minérales, d'un supplément et de lait, et a conclu que "l'utilisation d'eau minérale avec des hautes concentrations de calcium constitue en une source de calcium sans calories qui permet d'augmenter l'apport de calcium".

Cette troisième étude publiée en 2011 (archivée ici) par des chercheurs dont certains étaient affiliés à des centres de recherches de Nestlé s'est aussi intéressée à l'apport en magnésium des eaux, concluant qu'une "consommation régulière d'eau au cours d'une journée est une façon efficace d'augmenter la biodisponibilité du magnésium à partir d'eau minérale riche en magnésium".

Dans une note (archivée ici) publiée en 2006, un groupe de travail de l'Académie de médecine sur l'utilisation des eaux minérales notait aussi que "les eaux riches en magnésium et surtout en calcium" peuvent être "utiles pour prévenir et traiter l'ostéoporose sans apport de calories, en cas d'intolérance au lactose ou de consommation insuffisante de produits laitiers (enfants, femmes enceintes, personnes âgées…)".

"Ainsi, affirmer que les minéraux sont des poisons et de plus que les minéraux dans l'eau sont des poisons relève du mensonge dangereux et de la mise en danger des populations", conclut Yves Lévi.

Les apports en minéraux nécessaires aux humains

Il existe ainsi des recommandations concernant les apports en minéraux dont les humains ont besoin, dont le détail est consultable sur le site de l'Anses (lien archivé ici) par exemple. Et un déficit d'apport en certains minéraux peut conduire à des carences, note d'ailleurs l'Anses.

Concernant le calcium par exemple, l'agence note que "principales sources alimentaires de calcium sont les produits laitiers, les légumineuses, les fruits à coque, les produits céréaliers, certains légumes-feuilles (choux, blettes, épinards, etc.), les fruits de mer et certaines eaux dures riches en calcium et magnésium".

Néanmoins, la consommation de certaines eaux minérales (composées de certains minéraux en particulier) peut être déconseillée à certaines personnes dans des cas particuliers.

Cela peut être le cas de personnes déjà sujettes à des calculs rénaux à base de calcium, à qui il peut être recommandé de ne pas consommer d'eaux minérales à fortes teneurs en calcium, note par exemple Yves Lévi.

"Mais il y a aussi des calculs rénaux à base d'oxalates très présents dans certains légumes comme les épinards ou l'oseille", à qui ces aliments peuvent donc être déconseillés, note-t-il.

Gilles Crambert confirme que si l'eau minérale n'est "certainement pas" un "danger" pour la population générale, mais qu'il "peut y avoir certains contextes pathologiques pour lesquels certaines eaux pourraient être déconseillées car trop riche en certains minéraux", citant notamment "les patients atteints de maladie rénale chronique sous dialyse [qui] doivent éviter d'ingérer par 'eau ou la nourriture trop de minéraux car leurs reins ne sont pas capables de les excréter".

Le chercheur note aussi que l'expression "bloquer les reins"  utilisée dans la vidéo "ne veut pas dire grand chose".

Dans sa note (archivée ici), l'Académie de médecine mentionnait aussi que "les eaux fortement minéralisées peuvent être néfastes, notamment celles riches en sodium, qui peuvent rendre inopérant un régime hyposodé", et sont ainsi contre-indiquées chez certaines personnes, notamment celles atteintes "d'insuffisance cardiaque ou rénale" ou d'"œdèmes et lors des corticothérapies prolongées".

L'Anses précise aussi auprès de l'AFP qu'il "existe des limites supérieures de sécurité au-delà desquelles les minéraux vont présenter des effets indésirables. Ainsi au-delà de 250 mg/j, le magnésium aura un effet laxatif", soulignant néanmoins qu'"en deçà de ces limites, lorsqu'elles existent, il n'y a pas de toxicité pour les micronutriments que sont les minéraux alimentaires".

Les réglementations liées aux eaux

En France, les eaux du robinet et les eaux minérales et leur qualité sont réglementées (lien archivé ici) : le Code de la santé publique précise et encadre leur conditionnement et leur qualité.

Ainsi, comme le rappelle l'Anses sur son site (lien archivé ici), "l'eau du robinet est le produit alimentaire le plus contrôlé" en France.

Elle provient principalement d'eaux souterraines ou d'eaux de surface et subit un traitement "afin de respecter en permanence les limites ou références de qualité d’une soixantaine de paramètres - microbiologiques, physico-chimiques, radiologiques et organoleptiques" fixées par le Code de la santé publique (lien archivé ici), indique l'Anses.

Les eaux en bouteille, eaux minérales naturelles ou eaux de source sont quant à elles "exclusivement des eaux d'origine souterraine et doivent être microbiologiquement saines. Elles ne peuvent faire l'objet d'aucun traitement de désinfection en utilisant du chlore par exemple. Comme leur nom l'indique, les eaux minérales naturelles en bouteille contiennent des minéraux et, pour certaines, avec des concentrations plus grandes que l'eau du robinet".

"Selon leur composition, certaines eaux minéralisées peuvent induire des effets sur la santé et être recommandées pour des besoins particuliers : les eaux sulfatées ont par exemple un effet laxatif, certaines améliorent l'apport en calcium, etc.  Par ailleurs, certaines limites de qualité fixées pour les eaux minérales naturelles sont différentes de celles fixées pour l'eau du robinet. C'est le cas notamment du fluor avec une valeur plus élevée pour les eaux minérales naturelles", précise encore l'Anses sur son site.

L'eau minérale en bouteille fait néanmoins l'objet de critiques récurrentes de la part d'associations concernant son impact sur l'environnement (à travers la pollution plastique, et la présence de microplastiques dans l'eau) et son prix - elle est vendue en moyenne plus de 100 fois plus cher que l'eau du robinet.

<span>Une personne remplit son chariot de bouteilles dans un supermarché à Gérardmer, dans l'est de la France, le 3 août 2022</span><div><span>SEBASTIEN BOZON</span><span>AFP</span></div>
Une personne remplit son chariot de bouteilles dans un supermarché à Gérardmer, dans l'est de la France, le 3 août 2022
SEBASTIEN BOZONAFP

Un contexte de préoccupation au sujet de la qualité de l'eau

Les fausses allégations véhiculées dans ces vidéos sur les minéraux circulent cette année dans un contexte particulier, alors que les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par la qualité de l'eau, y compris en bouteilles, après des révélations ces derniers mois de pratiques frauduleuses de grandes marques (lien archivé ici).

Nestlé Waters, filiale française du géant suisse de l'agroalimentaire Nestlé - qui puise en France l'eau des marques Perrier, Vittel, Hépar et Contrex - avait reconnu le 29 janvier 2024 dans la presse avoir eu recours à des traitements de désinfection interdits (lampes UV, charbon actif) sur les eaux minérales pour maintenir leur "sécurité alimentaire".

Elle avait ainsi tenté de désamorcer les révélations, le lendemain, du Monde et de Radio France qui ont eu accès à des documents officiels suggérant que Nestlé et d'autres entreprises avaient enfreint les règles ou louvoyé face à la dégradation de la qualité des eaux souterraines vendues comme des eaux "minérales naturelles" ou "de source", pour lesquelles la désinfection est interdite.

Dans un rapport de 2022 consulté par l'AFP, une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) estimait qu'en France, "près de 30%" des marques d'eau conditionnées "subiss[ai]ent des traitements non conformes". Elle ajoutait qu'il s'agissait d'une fourchette basse, vu que de telles pratiques sont "délibérément dissimulées".

La mission n'avait "pas de doute" sur le fait "que l'ensemble des minéraliers soient concernés" au bout du compte.

Deux enquêtes pour tromperie ont été lancées dans la foulée, l'une par le parquet d'Epinal concernant Nestlé Waters et l'autre par celui de Cusset (Allier) concernant le groupe Alma, qui produit les eaux Cristaline, St-Yorre ou bien encore Vichy Célestins. L'association de consommateurs Foodwatch a également porté plainte au tribunal judiciaire de Paris en visant Nestlé, Alma mais aussi le gouvernement à qui elle reproche sa "complaisance".

<span>Des bouteilles de Perrier, Saint-Yorre, Vichy Celestins, Vittel, Cristaline, Contrex et Hepar photographiées en février 2024</span><div><span>JOEL SAGET</span><span>AFP</span></div>
Des bouteilles de Perrier, Saint-Yorre, Vichy Celestins, Vittel, Cristaline, Contrex et Hepar photographiées en février 2024
JOEL SAGETAFP

"Globalement, le contrôle sanitaire des eaux conditionnées révèle un niveau de conformité élevé et les signalements documentés de toxi-infections alimentaires collectives (…) sont très rares", selon le rapport de l'Igas de 2022.

Le document relève tout de même que lorsque des traitements non conformes "ont été mis en place pour pallier un défaut de qualité de la ressource, leur retrait est de nature à engendrer un risque sanitaire".

C'est, semble-t-il, ce qui s'est passé sur la source Perrier à Vergèze, dans le Gard, depuis que Nestlé s'est mis en conformité avec la réglementation : en avril 2024, deux millions de bouteilles de la marque d'eau gazeuse Perrier, filiale de Nestlé, on été détruites à la demande des services de l'Etat après la découverte de bactéries "d'origine fécale" (archive).

Fin mai, l'AFP s'était penchée sur d'autres assertions trompeuses concernant la qualité de l'eau en bouteille étaient devenues virales sur les réseaux sociaux, où des internautes avaient assuré que de l'eau Cristaline aurait été responsable de la mort d'un enfant à Mayotte.