Attentat de Magnanville : ces “bras cassés” qui nous tuent

A chaque fois, c’est pareil. On avait vu les terroristes quelques années plus tôt. Ils avaient “l’air de paumés”, pas très dangereux quoi. Mais c’est nous qui sommes paumés à rester dans des archétypes qui nous empêchent de voir le danger avant.

Ils sont avocats, juges, spécialistes du renseignement, journalistes. À chaque attentat, ils racontent la même histoire. “Oui, on les avaient vus à l’époque”. Une audition, un procès pour association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste. La ritournelle est toujours la même.

Combien de temps cela va-t-il durer ?

Larossi Abballa avait été jugé et condamné avec d’autres en 2013. “Ils avaient l’air paumés”, disait d’un ton un peu méprisant un avocat présent lors du procès ce matin sur ITELE. “De vrais bras cassés (…), non rien d’alarmant, ils n’étaient pas organisés”. “Un petit con à l’intelligence d’un cendrier vide”, disait encore l’avocat de Salah Abdeslam. En somme, “c’était pas ben Laden”.

Ça va durer combien de temps ? Pendant combien de temps encore va-t-on masquer l’incapacité à voir le danger à temps, les ratés de nos services de renseignements ou de surveillance, la mansuétude de notre appareil judiciaire, derrière ces âneries ? Parce que messieurs, au final, vos “bras cassés” nous tuent.

Tous les mouvements terroristes sont artisanaux

Non, il n’est pas nécessaire d’être un prix Nobel pour être un combattant déterminé, pour égorger et tuer. Les soldats d’élites du monde entier n’ont pas 150 de QI. On ne leur demande pas ça d’ailleurs. L’État islamique ne l’exige pas non plus de ses recrues. “Une intelligence d’un cendrier vide” comme celle d’Abdeslam suffit largement.

Non, il n’est pas nécessaire d’être hyper organisé comme Spectre dans James bond pour être dangereux. Tous les mouvements terroristes sont artisanaux. L’IRA, L’ETA, les Brigades rouges, la Bande à Baader, les GIA, Al Qaida improvisent, bricolent. Pourquoi ? Parce qu’ils sont clandestins tiens donc ! On attend quoi ? Qu’ils montent une boite de logistique, déposent un numéro de Siret et s’inscrivent au registre du commerce pour les considérer comme sérieux ?

Cinq ans d’obsession à cet âge, ça reste ancré au fond

Et puis non, quand à 20 ans, on décide de monter une filière de recrutement pour Al-Qaïda au Pakistan, on n’est pas paumé. Parce que c’est loin d’être évident. On est beaucoup plus paumé quand on deal du shit au coin de la rue pour se payer des fringues.

Les apprentis djihadistes ont déjà fait beaucoup de chemin quand ils en sont comme Abballa à se faire arrêter et juger en 2013. Ça fait même 5 ans qu’il ne rêve que d’une chose : aller en Afghanistan et faire la guerre. 5 ans d’obsession à cet âge, ça ne disparait pas avec un petit mea culpa, ça reste ancré au fond. Al-Qaïda ne voulant pas, on va alors voir vers l’EI et la Syrie. Si l’on n’arrive pas à décrocher son billet pour Raqqa, on demande à passer à l’acte à Magnanville.

Vouloir à toute force minimiser la dangerosité de ces appentis djihadistes est irresponsable. Cela permet juste de masquer les lacunes des uns et des autres et d’entretenir la psychose du loup solitaire. « Ils sont partout. N’importe qui peut passer à l’acte». Et bien non, justement. Depuis 2 ans, les terroristes qui ont frappé avaient tous un passé d’apprentis djihadistes. La plupart étaient passé dans les radars des autorités. Alors arrêtons d’entretenir des peurs diffuses et regardons le danger en face quand il se présente. Même s’il ressemble à “des bras cassés”.