Attaque au couteau à Lyon: pourquoi les OQTF sont-elles peu appliquées?

L'homme qui a blessé quatre personnes dimanche lors d'une attaque au couteau dans le métro de Lyon était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) depuis 2022. L'information a été rapidement confirmée par la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfète du Rhône. Comment expliquer alors que cette mesure visant cet homme, un ressortissant marocain de 27 ans, n'ait pas été appliquée?

"Il était sous le coup d’une OQTF assez ancienne, qui date de 2022, et prise, à l’époque, par la préfecture de la Vienne. Ensuite, il a eu plusieurs passages en hôpitaux. Et tout ceci reste à éclaircir", relève Fabienne Buccio.

La garde à vue du suspect a été levée ce lundi 27 mai au matin pour cause d'incompatibilité médicale. Son transfert dans une unité psychiatrique a été ordonné. "L’état psychiatrique fait parti des nombreux critères qui font que les OQTF ne sont pas appliquées", relève Me Dylan Slama, avocat pénaliste. A Lyon, le suspect a déclaré aux enquêteurs être "poursuivi par la mafia".

Peu d'OQTF exécutées

L'attaque de Lyon, celle de la synagogue de Rouen... Dans plusieurs affaires récentes, le mis en cause était sous OQTF. Selon les dernières données disponibles, entre 2018 et 2022, plus de 100.000 OQTF ont été prononcées par an. En 2021, il y en a eu 125.450, en 2022, 134.280.

Le candidat Macron avait promis que 100% de ces OQTF seraient exécutées. Mais preuve en est que la promesse de campagne n'a pas été réalisée. En 2022, le ministre de l'Intérieur évoquait certes une hausse des expulsions, s'élevant à 25% des mesures prononcées.

Dernièrement, Gérald Darmanin a adressé un télégramme aux préfets pour accélérer l'expulsion des étrangers délinquants.

Les chiffres des expulsions sont pourtant très variables, notamment en fonction des nationalités des personnes placées sous OQTF. "Pour pouvoir expulser quelqu’un, il faut un laissez-passer consulaire", rappelle Me Dylan Slama. "Là aussi on sait qu’il y a des difficultés dans les pays."

Depuis plusieurs mois, un bras de fer s'était installé entre la France et le Maroc. Paris avait réduit le nombre d'octrois de visas, assurant que Rabat restreignait le nombre de laissez-passer consulaires. Un accord a finalement été trouvé en novembre dernier.

"L’exécution des OQTF repose en grande partie, certes, sur l’identification des personnes, on y arrive, nos services en sont capables. Mais surtout sur l’accord du pays source pour pouvoir reprendre son ressortissant", abonde François-Noël Buffet, sénateur Les Républicains du Rhône.

Peu de places en centres de rétention administrative

Un autre problème pour l'application des OQTF, prise par les préfets, repose sur les moyens de prise en charge de ces étrangers. Il existe des OQTF avec obligation de quitter le territoire dans les 48 heures. Lorsqu'elles sont prononcées, la personne sous le coup de la mesure est placée en centre de rétention administrative (CRA). Il existe également des OQTF avec obligation sous 30 jours, susceptibles d'appels et de recours. En attendant, les personnes sont libres.

A celà s'ajoute le nombre de place en centre de rétention administrative. Depuis 2017, 500 places de CRA ont déjà été créées ou réouvertes pour atteindre aujourd’hui 2.000 places de rétention disponibles. Le gouvernement table sur 3.000 places de rétention d'ici 2027, avec l’ouverture de nouveaux centres de rétention administrative (CRA) de 140 places chacun.

"Il y a une évolution législative qu’il faut avoir sur ce point", estime François-Noël Buffet. "On ne peut pas avoir des gens dans la nature, étranger en situation irrégulière, de surcroît sous OQTF, et avec un problème psychiatrique." Les sénateurs avaient en effet ajouté un nouvel article à la loi Immigration, comprenant deux dispositifs.

Il prévoyait de contraindre les États peu coopératifs à délivrer des laissez-passer consulaires en restreignant la délivrance des visas long-séjour et à moduler des aides au développement accordées à ces pays. L'article a été retoqué par le Conseil constitutionnel.

Article original publié sur BFMTV.com