Attaque à Paris : le suivi psychiatrique du suspect au coeur des investigations

Armand R., fiché S, a été arrêté samedi 2 décembre au soir, après avoir tué à Paris un touriste germano-philippin à coups de couteau et s'en être pris à deux autres personnes. Déjà condamné en 2018 pour un projet d'attaque, il était suivi pour des troubles psychiatriques "importants", selon Gérald Darmanin.

Né en France en 1997 de parents iraniens, Armand R., 26 ans, a été arrêté dans la soirée ce samedi 2 décembre, après avoir tué un touriste germano-philippin à coups de couteau, et avoir blessé deux autres personnes au marteau, non loin de la Tour Eiffel.

Le jeune homme avait déjà été interpellé par le renseignement intérieur (DGSI) en 2016 pour un projet d'attaque à La Défense, un quartier d'affaires à l'ouest de Paris. En 2018, il avait été condamné à cinq ans de prison dont un avec sursis, et en était sorti en 2020.

Fiché S, il avait été placé sous contrôle judiciaire et sous Micas, un dispositif administratif assorti de mesures comparables à celles d'un contrôle judiciaire, et visant à prévenir des actes de terrorisme.

Un traitement médical en prison, arrêté à sa sortie

Depuis l'attaque, les éléments autour du profil d'Armand R. se précisent, notamment son profil psychologique. Lors d'une conférence de presse, peu après son passage à l'acte, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a révélé que l'assaillant était connu pour islamisme radical et des "troubles psychiatriques importants".

Selon une source proche de l'enquête à BFMTV, l'assaillant souffre de troubles psychiatriques lourds, et présente un profil psychotique. Alors qu'il était en prison, il bénéficiait d'un traitement médical, qui s'est poursuivi à sa sortie.

Des éléments confirmés ce dimanche 3 décembre par Aurélien Rousseau, ministre de la Santé. "On a les premiers éléments, où il a (ce) suivi, puis il s'est installé dans un autre département. On est en train de reconstituer la suite des éléments", a précisé le ministre, en soulignant qu'il était encore "trop tôt" pour avoir l'ensemble des informations.

Des rapports positifs des médecins

En mars 2022, en accord avec son médecin, il aurait cessé de prendre son traitement médicamenteux, composé d'un neuroleptique atypique, a appris BFMTV de source policière. Le 19 septembre 2022, d'après la même source, le juge d'application des peines avait ordonné une injonction de soins.

Le médecin coordonnateur, dans ses rapports successifs, a quant à lui indiqué qu'il n'y avait aucune nécessité de reprendre un suivi médicamenteux. "Il avait un suivi qui n'était pas un suivi où il devait être hospitalisé, il devait suivre un traitement", a relevé le ministre de la Santé.

Le rapport de fin de l'injonction de soins a conclu à l’archivage de la mesure, avec, pour Armand R. la nécessité de respecter l’obligation de travail dans la même entreprise depuis 2020, les soins conformes aux injonctions médicales, le respect des rendez-vous. Le dernier rapport, daté du 21 avril 2023, expliquait qu'aucune dangerosité d’ordre psychiatrique n’était identifiée chez le jeune homme.

Le suivi médical au cœur des investigations

Le suivi médical d'Armand R., décrit comme un homme au "profil très instable, très influençable", sera sans doute l'un des points centraux de l'enquête.

"Il a été suivi en prison, il a pris son traitement parce qu'il n'avait pas le choix (...) à sa sortie, il a arrêté son traitement, parce que pour lui, il n'est peut-être pas malade et la maladie progresse à bas bruit", a souligné Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne et consultante BFMTV.

Pour la psychologue, ce type de personnalité, "pathologique", "rend la radicalisation plus facile. Il y a une part de suggestivité chez ces personnes-là, il y a une influence, une emprise qui est possible".

"Comme souvent dans ces affaires, s'entremêlent une idéologie, une personnalité influençable et malheureusement la psychiatrie. Même si on a largement renforcé depuis quelques années les liens entre psychiatres et les autorités qui suivent ces personnes radicalisées, ça ne nous permet pas de savoir quel est le jour et l'heure du passage à l'acte", a de son côté souligné Aurélien Rousseau.

Un état compatible avec la garde à vue

Si le trouble du discernement du suspect est retenu, il pourrait être hospitalisé, sans être incarcéré. "Se servir du diagnostic psychiatrique est difficile à entendre", admet Johanna Rozenblum. Mais la psychologue rappelle que "la maladie psychiatrique crée parfois de la déréalisation, de la dépersonnalisation, les gens sont en dehors de la réalité, donc on n'estime qu'ils ne sont pas responsables de leurs actes."

Toutefois, pour Patrick Pelloux, médecin urgentiste et premier médecin à être intervenu sur les lieux de l'attaque, "il faut éviter de dire systématiquement, quand il y a des attentats, que c'est de la faute de la psychiatrie". "Il y a la détermination du terroriste (...) c'est très structuré, il a bien réfléchi", a-t-il souligné.

Après son interpellation, "il y a eu un examen pratiqué (...) qui a déclaré qu'il était compatible avec la garde à vue", a par ailleurs rappelé, au micro de BFMTV, Mathieu Valet, porte-parole du syndicat indépendant des commissaires de police.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - L'assaillant du pont Bir Hakeim, mélange d'islamisme radical et de troubles psychiatriques