Assurance chômage: des réticences au sein de l'aile gauche de la macronie

L'aile gauche de la macronie multiplie les mises en garde contre le projet du gouvernement de réduire la durée d'indemnisation des chômeurs, estimant, à l'image du président de la commission des Lois de l'Assemblée Sacha Houlié, que ce n'est "pas la bonne voie".

À peine les plaies de la loi immigration se referment-elle que l'exécutif et sa majorité semblent ouvrir un nouvel épisode de divisions. L'objet des désaccords: la nouvelle réforme de l'assurance chômage envisagée par Gabriel Attal, qui devrait prévoir une réduction de "plusieurs mois" de la durée d'indemnisation des chômeurs, actuellement de 18 mois pour les moins de 53 ans, sans aller en dessous de 12 mois.

Une annonce qui intervient en plein contexte de dérapage dans les comptes publics, puisque la France a accusé un déficit de 5,5% du PIB en 2023, soit bien plus que les 4,9% initialement prévus.

Houlié estime qu'il s'agit d'une "mesure d'économie"

Mais "soyons clairs : ce n'est pas une réforme financière. Nous ne la faisons pas pour faire des économies mais pour parvenir au plein emploi, c'est-à-dire 5% de taux de chômage", a assuré samedi à Ouest-France le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. "On ne s'en prend pas aux chômeurs", a-t-il encore promis.

Cette lecture a cependant été vivement contestée dimanche par Sacha Houlié, sur le plateau du Grand Jury RTL/Le Figaro/M6. "Si nous réduisons la durée d'indemnisation, à quelles fins le faisons-nous? Une mesure d'économie. Est-ce que je pense qu'il faut faire une mesure d'économie sur les chômeurs aujourd'hui? Je ne le pense pas", a-t-il déclaré.

L'élu de la Vienne a fait valoir que l'exécutif avait déjà réformé par deux fois l'assurance chômage, en 2019 et 2023, en mettant notamment en place une mesure de "contracyclicité", c'est-à-dire que les conditions d'indemnisation se durcissent quand le chômage baisse, et s'assouplissent quand il augmente.

"Est-ce qu'il faut une nouvelle réforme sur ce sujet alors même qu'on constate que le chômage ne baisse plus", s'est-il interrogé, estimant que les "règles" étaient déjà "sévères".

"À partir du moment où je constate que ce n'est pas le retour à l'emploi qui est la motivation, que ce sont des économies qui sont recherchées, je dis que ce n'est pas la bonne voie", a-t-il insisté.

Clément Beaune prend également ses distances

Selon le président de la commission des Lois, plusieurs cadres de la majorité tiennent la même ligne face au projet du gouvernement, citant notamment le président de la commission des Affaires économiques Stéphane Travert, le vice-président du groupe Renaissance Marc Ferracci, ou encore la députée de Paris Astrid Panosyan-Bouvet. Tous des marcheurs de la première heure.

Ainsi Astrid Panosyan-Bouvet a-t-elle estimé vendredi que "réduire la durée de l'indemnisation chômage des seniors serait injuste". "Ce n'est pas à la hauteur du problème du taux d'activité des seniors dans notre pays", a-t-elle plaidé sur X, jugeant que "l'urgence n'est pas de réformer l'assurance chômage, mais de rendre attractifs les métiers qui ne le sont pas (...) et lever les freins centraux à l'emploi".

De son côté, Marc Ferracci, autrefois conseiller au ministère du Travail, a considéré que la "priorité" était de "toucher au critère de l'éligibilité", c'est-à-dire le nombre de mois travaillés pour être indemnisé. "Après, si le gouvernement veut toucher à la durée, il aura l'occasion de le faire", a-t-il évacué jeudi sur France 2.

Dimanche, un autre tenant de l'aile gauche a pris ses distances: Clément Beaune, ancien ministre des Transports, écarté du gouvernement en janvier après avoir exprimé ses réserves sur la loi immigration.

"Nous devons être prudents et cohérents", a-t-il souligné sur France Info, appelant à être "plus protecteur" car "le marché du travail va moins bien". M. Beaune a aussi reconnu qu'il existait un risque de précariser les plus fragiles "si on allait vers des paramètres qui sont trop durs".

Si Gabriel Attal va désormais laisser la main aux partenaires sociaux, chargés de mener les négociations, pour une entrée en vigueur "d'ici à l'automne", il devra dans le même temps mener un travail de conviction au sein de ses propres troupes. Afin de ne pas ajouter la menace d'un front politique au front social.

Article original publié sur BFMTV.com