Les assises contre les dérives sectaires s’attaquent aux « micro-influenceurs » et aux « gourous 2.0 »

En 2021, l’institution a reçu un nombre de signalements record, autour de 4 000, ce qui représente une hausse « significative » (33%) des saisines.
En 2021, l’institution a reçu un nombre de signalements record, autour de 4 000, ce qui représente une hausse « significative » (33%) des saisines.

ASSISES - Ce sont les premières assises nationales consacrées aux dérives sectaires organisées en France. Pour Sonia Backes, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, il s’agit d’un véritable « enjeu de santé publique », tant le contexte de ces dernières années, avec la pandémie de Covid, « a favorisé une orientation inquiétante de ces pratiques vers le domaine de la santé, du bien-être et de l’alimentation », a-t-elle affirmé ce jeudi 9 mars lors de l’ouverture des assises.

Ce jeudi et vendredi 10 mars au ministère de l’intérieur, l’objectif de ces assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires est de définir une feuille de route sur dix ans pour lutter contre les « entrepreneurs sectaires », qui se sont multipliés sous l’effet de la crise sanitaire et par le biais des réseaux sociaux.

Publié début novembre, le dernier rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) indiquait que la France avait fait face à « un accroissement inédit des agissements à caractère sectaire ». En 2021, l’institution a ainsi reçu un nombre de signalements record, autour de 4 000, ce qui représente une hausse « significative » (33 %) des saisines.

« Une hausse de 86 % en cinq ans »

Mais ce ne serait que la partie émergée de l’iceberg, pour Christian Gravel, son président, interrogé sur franceinfo ce jeudi 9 mars. « C’est une hausse de 86 % en cinq ans », souligne-t-il, ajoutant que « la plupart des victimes n’ont pas conscience, par définition qu’elles sont victimes d’emprise mentale par des entrepreneurs sectaires, par des délinquants ou des criminels sectaires ».

Pour lui, des « centaines de milliers » de Français seraient concernés, directement ou non. Le climat anxiogène qu’a créé la pandémie de Covid-19 a amplifié la multiplication des « prédateurs ». « À chaque fois qu’il y a une crise, les mouvements sectaires profitent des failles, observe dans La Croix Pascale Duval, porte-parole de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi). Avec le Covid, il y avait un terreau favorable aux discours sur la peur de l’inconnu, de la modernité et des traitements. »

La Miviludes a, dans son rapport notamment, relevé la hausse de dérives liées à la santé, avec ceux qu’elle qualifie de « gourous 2.0 », qui se trouvent à la tête de groupes « mobiles, changeants et impalpables », caractéristiques d’un phénomène sectaire « à l’état gazeux ».

« La démultiplication de micro-influenceurs sectaires »

Pour Christian Gravel, la révolution numérique et l’essor des réseaux sociaux ont clairement favorisé « la démultiplication de micro-influenceurs sectaires ». « Ils s’inscrivent toujours dans les mêmes logiques, en vous vendant du bonheur, en vous vendant des recettes miracles, notamment lorsque vous êtes confronté à la maladie », décrit-il toujours sur franceinfo.

« Ils utilisent les réseaux sociaux pour répandre leurs mensonges et gagner de plus en plus d’adeptes, a souligné la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté dans son discours d’ouverture. On peut même en considérer certains, vu leur niveau d’audience, comme étant hélas des influenceurs. »

Une multitude d’acteurs concernés – associations, professions de santé, experts et personnalités qualifiées, plateformes numériques - ont été invités à participer à ces assises. Trois tables rondes ont lieu ce jeudi autour de l’accompagnement des victimes, des « marchands de bonheur, de bien-être et de soin » et sur les liens entres complotisme et dérives sectaires. Puis, vendredi se tiendront des travaux en commission, dont les conclusions serviront à l’élaboration concrète de la feuille de route.

« Non, la naturopathie, le crudivorisme, ou encore le “jeûne hydrique”, rien de tout ça ne guérit le cancer, ni aucune autre maladie grave d’ailleurs, a rappelé la ministre. Il faut le dire et le redire, ces dérives en matière de santé conduisent parfois jusqu’à la mort. »

En janvier dernier, le naturopathe Éric Gandon avait par exemple été mis en examen pour homicide involontaire, abus de faiblesse, mise en danger de la vie d’autrui et exercice illégal des professions de médecin et pharmacien. Le praticien et son fils étaient mis en cause après des décès survenus à la suite de jeûnes prolongés qu’ils avaient organisés lors de « cures hydriques ».

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