Assassinat de Narumi Kurosaki : le procès hors-normes de Nicolas Zepeda s'ouvre ce lundi à Besançon

Le Chilien de 31 ans est accusé d'avoir assassiné son ex-petite amie japonaise à Besançon en 2016. Les parties civiles espèrent que son procès fera la lumière sur la disparition de la jeune femme, dont le corps n'a jamais été retrouvé.

Plus de cinq ans se sont écoulés depuis la disparition de Narumi Kurosaki, et toujours aucune trace de la jeune femme. Pas de dépouille pour confirmer son décès, laissant encore à ses proches un mince espoir de revoir un jour l'étudiante japonaise toujours en vie.

Ce lundi s'ouvre à Besançon le procès de Nicolas Zepeda, son ex-petit ami chilien, accusé d'être l'auteur de son assassinat. Une audience qui doit s'étendre sur deux semaines et dont les journées devraient être "extrêmement denses, avec beaucoup de témoins, d'experts et d'enquêteurs", commente auprès de BFMTV.com Me Randall Schwerdorffer, avocat d'Arthur del Piccolo, le petit ami français de Narumi Kurosaki qui s'est constitué partie civile.

À cela s'ajoute le tour international qu'a pris l'affaire très tôt, avec le possible assassinat d'une étudiante japonaise par un Chilien sur le sol français. Des interprètes seront donc présents pour traduire instantanément les débats.

"C'est tout à fait exceptionnel. J'ai entendu dire qu'au Japon, l'affaire était aussi suivie que l'a été l'affaire Daval en France", poursuit l'avocat, qui a justement défendu Jonathan Daval, condamné en 2020 à 25 ans de prison pour le meurtre de son épouse Alexia Fouillot.

De nombreux journalistes français, chiliens et japonais doivent suivre ce procès depuis des salles du tribunal spécialement aménagées. Présumé innocent, Nicolas Zepeda a toujours clamé qu'il n'avait rien à voir avec la disparition de son ancienne compagne.

Nicolas Zepeda, le dernier à avoir vu l'étudiante

S'il a très rapidement été dans le viseur des autorités, c'est que le Chilien, âgé de 26 ans à l'époque des faits, est le dernier à avoir vu Narumi Kurosaki. L'étudiante japonaise, installée depuis quelques mois à Besançon pour apprendre le Français, disparaît dans la nuit du 4 au 5 décembre 2016. Alors qu'ils se sont séparés quelques semaines plus tôt, le Chilien dira avoir croisé son ex-petite amie alors qu'il était parti voyager en Europe.

Le dimanche 4 décembre, à 16 heures, il vient la chercher à la fin de son cours de danse, à bord d'une voiture qu'il a louée. Le soir, ils dînent dans un restaurant à Ornans, à une trentaine de kilomètres de Besançon, puis regagnent la résidence universitaire où loge la jeune femme vers 23 heures.

Plus tard, des étudiants des chambres voisines déclareront avoir entendu des cris angoissés venant d'une femme, ce que Nicolas Zepeda décrira, lui, comme des cris de plaisir, affirmant qu'ils ont eu un rapport sexuel ce soir-là.

"Elle doit payer pour ce qu'elle a fait"

Ce qui mène plus précisément les enquêteurs sur la piste du Chilien, hormis sa présence à Besançon, ce sont aussi les rapports troublés qu'ils ont entretenu à la fin de leur relation. Nicolas Zepeda aurait très mal accepté leur rupture, jusqu'à proférer des menaces l'encontre de la jeune femme, comme le rapporte une vidéo dévoilée au Japon, début 2017.

"Elle ne peut pas continuer à faire ce type d'erreurs avec quelqu'un qui l'aime. [...] Elle doit regagner la confiance et payer un petit peu pour ce qu'elle a fait", déclare-t-il dans cet enregistrement, sur un ton posé.

Lors d'échanges téléphoniques que les enquêteurs ont pu consulter, il demande à Narumi de supprimer de sa liste d'amis sur Facebook plusieurs garçons, dont Arthur del Piccolo, avec qui elle avait commencé à se rapprocher en France.

Au-delà de ce possible mobile, d'autres constats renforcent les soupçons. Le véhicule de location de Nicolas Zepeda est capté par la vidéosurveillance de la résidence universitaire le 1er décembre, soit trois jours avant qu'il ne prenne contact avec Narumi Kurosaki.

Pendant ce temps-là, le Chilien a notamment acheté un bidon de produit inflammable et s'est rendu dans une zone forestière où il retournera après la disparition de la jeune femme.

Départ volontaire, suicide... des pistes peu crédibles pour les enquêteurs

Pour les enquêteurs, Nicolas Zepeda aurait tout mis en place pour faire croire à un départ volontaire de l'étudiante, notamment en envoyant à ses parents des messages par le biais des réseaux sociaux dans un Japonais approximatif. Mais d'autres détails ne trompent pas, affirment-ils. Le portefeuille de Narumi, son ordinateur et son manteau sont restés dans la chambre. N'ont disparu qu'une valise, son téléphone, son passeport et une couverture.

La piste d'un suicide semble également peu crédible, selon les avocats des parties civiles, la jeune femme ayant un environnement stable et de nombreux projets.

Arthur del Piccolo, le petit ami français de l'étudiante, a lui aussi reçu des messages, les jours suivant la disparition. Dans ceux-ci, Narumi lui annonce qu'elle souhaite mettre un terme à leur relation, ce qui étonne le jeune homme puisqu'ils avaient notamment fait des projets pour les fêtes de fin d'année.

"Il a vécu une rupture avant de découvrir que ce n'était pas elle, puis il a appris sa disparition. Ça a été dur pour lui, il était très amoureux de cette jeune femme", raconte Me Randall Schwerdorffer, son avocat.

Un détail finit par lui mettre la puce à l'oreille: au cours de ces échanges, Narumi Kurosaki lui dit qu'elle partait au consulat du Japon à Lyon pour un problème de passeport. Or, c'est à Strasbourg qu'elle aurait dû se rendre pour ce genre de démarches.

L'extradition vers la France, un parcours du combattant

Les éléments que les enquêteurs ont recueillis leur permettent rapidement de confirmer leurs suspicions au sujet de Nicolas Zepeda. Mais à ce moment-là, encore faut-il pouvoir interroger le suspect, qui a regagné son pays natal le 13 décembre.

Les autorités françaises délivrent un mandat d'arrêt international dix jours plus tard... avant de se heurter au refus de la justice chilienne de placer le jeune homme en détention provisoire. Même coup d'épée dans l'eau en ce qui concerne la demande d'extrader le suspect en France, restée lettre morte.

Il faudra de nombreuses demandes et le déplacement du procureur de la République de Besançon à Santiago avant que la justice chilienne n'accepte finalement que le jeune homme soit extradé vers la France. Après des retards liés notamment à la pandémie de Covid-19 et à la suspension des vols internationaux, il arrive finalement à Besançon le 23 juillet 2020, ouvrant la voie à son renvoi devant les Assises du Doubs.

Durant ses auditions à Besançon, il soutiendra à plusieurs reprises son innocence, disant espérer que l'enquête finisse par dévoiler le véritable coupable. Une ligne qu'il devrait tenir pendant son procès, d'après sa défense, contactée par BFMTV.com. D'après elle, le Chilien reste "déterminé" et prêt à maintenir le "récit précis, circonstancié et vérifiable" qu'il a déjà soutenu auprès des enquêteurs durant l'instruction. Il sera représenté par Me Jacqueline Laffont et Me Julie Benedetti.

"On est face à un dossier à trous", estime la défense

"On continue à dire qu'on est face à un dossier à trous, qui pose beaucoup plus de questions qu'il n'apporte de réponse", poursuit la défense, pointant une absence de mobile concret et des circonstances toujours floues sur ce qu'il est arrivé à Narumi Kurosaki.

Des ombres sur le dossier qui interrogent également les parties civiles, puisque les recherches pour retrouver le corps de la jeune femme n'ont jamais abouti. "Il y a une réelle souffrance, pour Arthur comme pour la famille de Narumi, liée à l'absence de corps", affirme Me Randall Schwerdorffer. Contactée, l'avocate des parents de la jeune femme, Me Sylvie Galley, ne souhaite pas s'exprimer avant l'ouverture du procès, répondant à une demande de ses clients.

"L'autre question qui se pose, c'est la logique de la venue de Nicolas Zepeda en France. Il n'est pas clair sur ce point. Il y a encore des zones d'ombre dans ce dossier, mais c'est lui qui les a créées", soutient l'avocat, ajoutant que l'accusé s'est déjà contredit dans ses déclarations.

Le verdict sera rendu au terme des deux semaines de procès, le 12 avril prochain. Présumé innocent, Nicolas Zepeda pourrait écoper de la sanction la plus sévère en France, la réclusion à perpétuité, si les jurés estiment que les faits sont suffisamment caractérisés pour le reconnaître comme coupable de l'assassinat de Narumi Kurosaki.

Article original publié sur BFMTV.com

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