Arrêts maladie non remboursés : la piste de la Cour des comptes inquiète les médecins

La Cour des comptes a chiffré les économies qu'entrainerait l'arrêt de l’indemnisation des arrêts de travail de moins de huit jours. Une phrase qui a fait vivement réagir.

Le rapport de la Cour des comptes a fait l'effet d'une bombe, et ne convainc pas les médecins (Photo d'illustration / Getty Images)
Le rapport de la Cour des comptes a fait l'effet d'une bombe, et ne convainc pas les médecins (Photo d'illustration / Getty Images)

Le rapport de la Cour des comptes a fait l'effet d'une bombe. Dans un rapport sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale, la Cour des comptes chiffre les économies qu’apporteraient différentes mesures.

Parmi celles chiffrées, l'une a particulièrement retenu l'attention, et vivement fait réagir : celle de l’arrêt de l’indemnisation des arrêts de travail de moins de huit jours, alors que la Cour des comptes constate une très forte augmentation du coût pour la Sécurité sociale : +56 % depuis 2017. Une hypothétique mesure redoutée par les médecins.

"Il peut y avoir des réponses comme la baisse du temps de travail, l'amélioration de la qualité du travail, mais la réponse ne peut pas être d'arrêter d'indemniser les arrêts de moins de huit jours. À l'inverse, il faudrait minimiser voire supprimer le délai de carence car pour des patients qui ont des difficultés financières au quotidien, c'est un frein à l'arrêt de travail, qui est quelque chose pour lequel ils cotisent et qui est régulièrement justifié", déplore Michaël Rochoy, médecin généraliste dans le Pas-de-Calais.

Derrière une possible mise en application de cette mesure, les craintes à plus long terme des médecins. "Un patient qui est malade sept jours, qui ne va pas être indemnisé, va aller travailler et quand il sera arrêté, ce sera six à neuf mois. Alors qu'en l'arrêtant quatre à cinq jours, il peut reprendre le travail ensuite. Cette mesure coûterait cher en réalité car cela va aggraver l'état de santé général de la population", déplore le docteur Moktaria Alikada, secrétaire de Médecins Pour Demain et médecin généraliste dans le Rhône.

En 2022, la durée moyenne des arrêts longs est de 97 jours. 64% des entreprises ont connu au moins un arrêt long dans les 12 derniers mois notamment dans les secteurs de l’industrie, du BTP et de la santé. Cet allongement est en partie lié au vieillissement de la population active. 17% des arrêts qui sont prescrits aux seniors sont des arrêts longs, contre 14% en moyenne. L’allongement des arrêts longs est également dû à l’augmentation des arrêts pour motifs psychologiques qui sont en moyenne deux fois plus longs que les autres.

Le docteur Michaël Rochoy distingue trois types d'arrêt de travail qu'il prescrit à ses patients : les arrêts courts pour les maladies de type grippe gastro ou sinusite, d'autres plus longs pour les troubles-musculo-squelettiques, les dépressions ou les épuisements professionnels qui peuvent toutefois être longs si le poste n'est pas adapté, et les plus longs pour des affections de longue durée.

"S'ils veulent moins d'arrêt de travail, qu'ils commencent par faire ce qu'ils avaient annoncé sur la qualité de l'air intérieure, il y aurait moins de personnes contaminées par les différentes maladies aéroportées et moins de grippes par exemple, donc moins d'arrêt maladie", lance le docteur Jérôme Marty, président du syndicat UFML-s. Le premier motif d'augmentation des arrêts maladie sont les maladies chroniques liées au vieillissement des travailleurs.

Face à la polémique, la Cour des comptes a tenu à préciser qu'elle recommande de "modifier les paramètres de l’indemnisation des arrêts de travail, notamment en vue de mieux en répartir la charge entre la sécurité sociale, les entreprises et les assurés, à l’issue d’une concertation avec les partenaires sociaux", mais que pour cela, elle "ne privilégie aucune mesure en particulier, mais chiffre les économies qu’apporteraient différentes mesures.

Ces derniers mois, le gouvernement a lancé la chasse aux abus des arrêts de travail. Une lutte contre la fraude qui ne serait pas majeure, puisque toujours selon la Cour des comptes, elle permettrait une économie annuelle de 50 millions sur 12,6 milliards d'euros.