Arnaud Montebourg fustige la réduction "dogmatique" des déficits
PARIS (Reuters) - Au moment où l'exécutif français dit vouloir "maintenir le cap" de sa politique économique et doit annoncer des mesures la semaine prochaine, Arnaud Montebourg, le ministre de l'Economie, appelle samedi dans Le Monde à faire passer au second plan la réduction "dogmatique" des déficits et estime que les choix ne sont pas "figés". François Hollande a confirmé mercredi son choix d'une politique de l'offre conforme aux recommandations internationales et a annoncé un prochain geste fiscal en faveur des contribuables les plus modestes. Pour Arnaud Montebourg, "il faut donner la priorité à la sortie de crise et faire passer au second plan la réduction dogmatique des déficits, qui nous conduit à l'austérité et à la montée continue du chômage". "On a aidé les entreprises, il est urgent d'aider les ménages", ajoute-t-il dans l'entretien publié par Le Monde. "Nous pourrions par exemple imaginer d'intensifier les baisses d'impôts concernant les classes moyennes et les classes populaires." "Les choix politiques ne sont pas figés", conclut Arnaud Montebourg. "Il y a toujours une alternative." François Hollande, qui a promis des annonces "dès la semaine prochaine" dans quatre domaines - le logement, la concurrence et les professions réglementées, la simplification et l'investissement -, a pourtant réaffirmé cette semaine sa volonté de "maintenir le cap" des réformes tout en "forçant l'allure". "Si je pensais que ma politique n'allait pas porter ses fruits, j'en aurais changé", a ainsi déclaré le chef de l'Etat jeudi soir lors d'une rencontre avec des journalistes à Saint-Denis-de-la-Réunion. Une ligne dont semble se démarquer Arnaud Montebourg, qui dit s'employer à être "le porte-parole de ceux, si nombreux, qui appellent à faire évoluer nos choix politiques dans la zone euro". "POSTE DE COMBAT" "Aujourd'hui, la réduction à marche forcée des déficits est une aberration économique car elle aggrave le chômage, une absurdité financière car elle rend impossible le rétablissement des comptes publics, et un sinistre politique car elle jette les Européens dans les bras des partis extrémistes qui veulent détruire l'Europe", dit-il à la veille de sa traditionnelle Fête de la rose à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), où des députés socialistes "frondeurs" ont été conviés. En déplacement aux Comores, François Hollande a joué samedi la carte de l'apaisement. "Je souhaite que nous puissions convaincre nos partenaires européens de donner priorité à la croissance", a-t-il dit à la presse. "Tous ceux qui portent cette idée sont les bienvenus et c'est la position de tout le gouvernement." Le ministre de l'Economie assure d'ailleurs dans Le Monde ne pas se situer dans l'hypothèse d'une démission. "Je suis à mon poste de combat pour faire évoluer des politiques qui méritent d'être changées." Pour le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé, tenant d'un retour aux affaires des Verts et d'une réorientation de la politique économique, cela démontre "qu'on peut critiquer et faire des propositions en restant au gouvernement". Sur les 50 milliards d'euros d'économies prévus en trois ans, Arnaud Montebourg dit défendre la règle des "trois tiers" : un tiers pour réduire le déficit, un autre pour le soutien des entreprises et un dernier consacré aux ménages. Le ministre de l'Economie appelle par ailleurs à "hausser le ton" avec l'Allemagne qui est d'après lui "prise au piège de la politique austéritaire qu'elle a imposée à toute l'Europe". "Si nous devions nous aligner sur l'orthodoxie la plus extrémiste de la droite allemande, cela voudrait dire que le vote des Français n'a aucune légitimité et que les alternances ne comptent plus", juge-t-il. Il ajoute que la Banque centrale européenne (BCE) doit "changer de braquet et se mettre à faire ce que font toutes les banques centrales du monde, notamment des pays qui ont su faire repartir la croissance, à savoir racheter de la dette publique". Après deux trimestres de croissance nulle, le gouvernement a divisé par deux sa prévision de hausse du PIB cette année, à environ 0,5%, et juge que rien ne permet de prévoir pour 2015 une croissance très supérieure à 1%. Un rythme insuffisant pour faire retomber le taux de chômage, qui augmente de mois en mois, jusqu'à toucher plus de cinq millions de Français, et pour tenir les objectifs de réduction du déficit public. Lors des universités d'été du PS de La Rochelle, du 28 au 31 août, les voix discordantes devraient encore une fois réclamer une inflexion de la politique de l'offre appliquée depuis deux ans. (Chine Labbé, avec Elizabeth Pineau à Paris, Bernard Grollier à La Réunion et Claude Canellas à Pessac (Gironde), édité par Tangi Salaün)