Arnaud Gallais, victime d’inceste : "J'avais 8 ans. Ça allait des doigts dans l’anus aux sodomies"

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

Co-fondateur du collectif "Prévenir & Protéger", Arnaud Gallais a subi l’inceste durant son enfance. Pour Yahoo, ce quadragénaire au lourd passif a accepté de sortir du silence en racontant son histoire. Il a notamment expliqué la manière dont il est parvenu à se reconstruire tout en évoquant son combat contre les abus sexuels.

Victime d’un double inceste durant son enfance, Arnaud Gallais a vécu l’enfer. C’est avec beaucoup d’émotion qu’il a accepté de se livrer sur ce traumatisme, une blessure profonde qui a violemment affecté son quotidien. Ce quadragénaire, qui a fait de la protection des plus vulnérables son cheval de bataille, est notamment revenu sur cette période sombre de sa vie et a expliqué la manière dont il est parvenu à se reconstruire, année après année (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

VIDÉO - "J’ai vécu des violences physiques complètement dingues, j’ai beaucoup saigné"

Souffre-douleur d’un père violent, Arnaud grandit dans un environnement compliqué. "Je me prenais des claques, des coups de chausse-pied, de ceinture et des fessées", raconte-t-il tout en expliquant avoir été la cible de nombreuses humiliations. "Il me rabaissait et me traitait de gonzesse. Il me disait avoir honte d’avoir un fils comme moi", se remémore-t-il empreint d’émotion. Pour lui, c’est le début du cauchemar.

Les violences physiques laissent ensuite place aux violences sexuelles, perpétrées cette fois-ci par un grand-oncle de ses 8 à 11 ans. Prêtre missionnaire en Afrique, l’homme est hébergé au domicile familial à chacun de ses passages en France et dort dans la chambre d’Arnaud. Là, tout dégénère. "À cause de la violence de mon père, je faisais de l’énurésie, pipi au lit. Mon oncle prenait se prétexte pour m’inviter à dormir dans son lit".

Retrouvez l'interview Trauma d'Arnaud Gallais en intégralité en podcast :

Puis, sous couvert d’éducation sexuelle, il lui exhorte de toucher ses parties intimes. "Je n’avais pas la compréhension que je le masturbais", explique-t-il précisant avoir été contraint de faire beaucoup plus. "Ça allait des doigts dans l’anus jusqu’aux sodomies. C’est incompréhensible dans la tête d’un enfant de 8 ans. Il a fallu que j’attende 19 ans pour comprendre que j’avais subi un viol". C’est d’ailleurs à cette période-là qu’il décide de sortir du silence et de révéler à ses parents les agissements de l’ecclésiastique. Mais alors qu’il s’attend à être soutenu et pris dans les bras, il reste bouche bée face à la réaction "terrible" de sa mère. "On s’est fait avoir", lui dit-elle, tout simplement.

VIDÉO - "L’un d’eux a pris mes mains, l’autre a mis son sexe dans ma bouche"

Arnaud sombre dans une profonde dépression. Il entreprend une thérapie au cours de laquelle il se remémore des souvenirs, complètement enfouis dans sa mémoire. Il comprend à l’âge de 27 ans qu’il a également été violé à ses 12 ans par deux cousins un peu plus âgés que lui avec lesquels il répétait une pièce de théâtre. "L’aîné m’a sauté dessus et a mis son sexe dans ma bouche, le cadet m’a pris les mains".

Des viols à répétition qui lui ont laissé de nombreux stigmates. "Aujourd’hui encore, je ne peux même pas mettre une montre ou quoi que ce soit autour de mon poignet. C’est insupportable, j’ai un traumatisme inouï". Sur les conseils de son thérapeute, Arnaud décide donc d’en parler à sa famille. Mais là encore, c’est le choc. Les réactions ne sont pas celles espérées, les faits sont minimisés. "Mes cousins reconnaissent les faits mais se défendent immédiatement en disant que c’était un jeu, du touche-pipi". Et c’est malheureusement cette version que la famille retiendra, au grand dam d’Arnaud. Il se retrouve exclu des siens mais sa grand-mère finit par prendre sa défense deux ans plus tard. "En pleine réunion familiale, elle a affirmé que ce que j’avais vécu était un viol".

VIDÉO - "J’avais envie d’en finir, de me foutre en l’air"

Toutes ces violences sexuelles l’amènent à vouloir en finir avec la vie à plusieurs reprises. "C’est insupportable de se souvenir d’avoir été violé. On a l’impression de ne plus exister réellement. Il y a un poids, une culpabilité qui est terrible", explique-t-il tout en confiant en avoir même voulu à l’enfant qu’il était. "J’ai toujours eu un physique, j’ai toujours fait du sport. Ce qui était complètement dingue, c’était de ne pas savoir pourquoi je n’ai pas réagi". Mais c’est finalement avec le temps qu’il comprend avoir subi une dissociation traumatique. "C’est comme si on sortait de son corps. On est en capacité de se voir mais pas d’agir".

Au fur et à mesure, ses idées noires s’envolent, Arnaud comprend alors qu’il doit continuer à avancer. "Le respect que je me dois à moi-même c’est de ne pas en finir, bien au contraire. Les coupables doivent payer", confie-t-il tout en avouant avoir eu, malgré tout, des problèmes d’addiction à certaines périodes. "Quand j’étais adolescent, j’avais une consommation de marijuana assez importante, je fumais entre 10 et 15 joints par jour. J’avais une scolarité assez chaotique". Son alcoolisme s’avère également problématique. Il avoue même avoir pu boire "sans problème" une bouteille de whisky tout seul en seulement une soirée. "L’alcool venait apaiser certaines envies, notamment celle de me foutre en l’air".

Finalement, Arnaud parvient à sortir du cercle infernal des addictions mais reconnait en avoir eu besoin. "Elles ont été salvatrices. Elles venaient répondre à un état de mal-être dans lequel j’étais. Mais il ne fallait surtout pas qu’elles restent".

VIDÉO - "J’ai eu du mal avec les relations sexuelles"

Sans grande surprise, les traumatismes vécus impactent sa sexualité. "J’ai cru pendant une longue période que j’étais homosexuel. Ça me perturbait, je me posais des questions", explique-t-il, confiant avoir finalement eu des relations sexuelles consenties assez tardivement. Aujourd’hui encore, il porte les stigmates des violences sexuelles subies. "Un simple bruit, une odeur ou une situation peut déclencher la mémoire traumatique et avoir une incidence sur le corps".

VIDÉO - "Deux à trois enfants par classe seraient victimes d'inceste. J’ai lancé un appel à Macron, il faut agir"

Fort de ces dramatiques expériences, Arnaud en a fait un combat personnel. Pour lui, les violences sexuelles devraient être un sujet de préoccupation majeure. Il souhaiterait que chaque école puisse sensibiliser sur cette question-là. "Si on veut combattre ce fléau, il faut mettre des moyens conséquents", explique-t-il rappelant la nécessité de créer des unités de soins spécialisés en psychotraumatisme sur les violences sexuelles.

"Emmanuel Macron s’est engagé au moment de sa campagne à faire de la protection de l’enfance une grande cause du quinquennat. Qu’il passe de la parole aux actes. Il faut agir et arrêter de se raconter des histoires", conclu-t-il.

Retrouvez en intégralité l'interview d'Arnaud Gallais :