Pour Ariane Labed, une édition cannoise "clairement pas féministe"

La réalisatrice franco-grecque Ariane Labed lors d'un photocall pour le film "September says" au 77e Festival de Cannes, le 22 mai 2024 (Sameer Al-Doumy)
La réalisatrice franco-grecque Ariane Labed lors d'un photocall pour le film "September says" au 77e Festival de Cannes, le 22 mai 2024 (Sameer Al-Doumy)

Malgré quelques avancées, le 77e Festival de Cannes "n'est clairement pas féministe" pour l'actrice française Ariane Labed, engagée dans le mouvement #MeToo qui vient de présenter "September says", son premier long-métrage en tant que réalisatrice.

"C’est clairement pas une édition féministe, ça sera une édition féministe quand on sera à 50/50 dans la programmation parce que le féminisme c’est une question d’égalité (...) donc on n’y est pas mais au moins on a laissé la place à Judith Godrèche pour présenter son court-métrage", déclare à l'AFP celle qui a lancé, avec d'autres, l'Association des acteur.ices (Ada).

"On est quand même très, très, très désolées qu’il y ait si peu de femmes en compétition", a-t-elle ajouté, estimant que la présence de seulement quatre femmes sur 22 candidats à la Palme d'or était "notable et triste".

Lors de la séance photo de son film, présenté dans la section Un Certain Regard, la réalisatrice et ses actrices ont pris la pose, mains devant la bouche, à l'image du geste sur les marches, au début du festival, de Judith Godrèche entourée de dizaines de femmes apparaissant dans son court-métrage "Moi aussi", dénonçant les violences sexuelles.

"On arrive en fin de festival et je pensais que ce geste allait être repris tout le long, naïvement", souligne-t-elle, dénonçant la campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux qui a touché Judith Godrèche et sa fille: "C’est hallucinant ce qui se passe après cette action qui est quand même juste un geste sobre".

- "C'est pas compliqué!" -

L'actrice-réalisatrice qui avait signé une lettre ouverte en 2023 contre le traitement par le Festival de Cannes des violences sexuelles faites aux femmes, a néanmoins reconnu que les choses s'amélioraient: "C’est sûr qu’on n’a quand même pas des personnes comme Johnny Depp (dans le film d'ouverture en 2023), on ne met pas à l’honneur cette année des gens comme Polanski, on peut s’en réjouir. Donc oui je pense que ça avance".

"Cette année, on peut sentir qu’il y a une petite attention, que certains vont appeler une peur mais que moi je trouve absolument rassurante. Maintenant on sent que certaines personnes vont penser à deux fois avant de parler", a-t-elle estimé. Et "ce n’était pas encore le cas il y a un an".

"C’est le rôle d’un festival comme celui-là de mettre des réalisatrices en lumière" et de réaliser "plus clairement et plus concrètement que c’est aussi son rôle de s’atteler à être sûr qu’on arrive à la parité, enfin", a-t-elle martelé.

"Mais je ne dis pas que c’est fini", a-t-elle nuancé, taclant au passage "les propos de Vincent Lindon": "que les hommes osent nous demander une feuille de route et comment se comporter, je trouve ça vraiment insultant".

"C’est pas compliqué le féminisme, c’est pas intellectuellement dur à comprendre, ils sont tout à fait capables", s'indigne la cinéaste.

Même si, en tant qu'actrice, elle s'est toujours sentie comme une "fabricante de film, filmmaker en anglais", elle reconnait que le fait d'avoir mis les casquettes de scénariste et réalisatrice revient à avoir "les pleins pouvoirs de la narration", ce qui est "un plaisir".

Avec son film "September says", l'adaptation du roman "Sisters" de Daisy Johnson sur la relation parfois toxique entre deux soeurs, elle dit avoir eu "envie et besoin de faire des portraits de jeunes femmes et de femmes pas vus avant et notamment pouvoir parler de sexe chez les jeunes filles sans les sexualiser".

"Je me suis sentie renforcée par toute cette expérience", a d'ailleurs confié à l'AFP l'une des deux actrices principales, la Britannique Mia Tharia.

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